03 août, 2006

LE SECRET DE LA FORTUNE DE PINOCHET






Le secret de la fortune de Pinochet

Les révélations sur le dictateur ne cessent pas. A présent, son ancien bras droit l’accuse de s’être enrichi grâce au trafic de cocaïne.

On dit que la vengeance est un plat qui se mange froid. Le général à la retraite Manuel Contreras [ancien chef de la DINA, la police secrète de la dictature (1973-1990), qui est actuellement incarcéré pour la disparition d’un militant de gauche] ne le sait que trop. Il accuse à présent son ancien supérieur, Augusto Pinochet. Il a fait de ce dernier son ennemi numéro un depuis que, en 2004, le Sénat américain a révélé que l’ancien dictateur possédait des millions de dollars sur des comptes dans plusieurs banques aux Etats-Unis, en Europe et dans des paradis fiscaux. 

Dans un rapport remis début juillet au juge Claudio Pavez, chargé du dossier de l’homicide du colonel Gerardo Huber, Manuel Contreras affirme que la fortune amassée par l’ex-dictateur provient ni plus ni moins du trafic de drogue organisé par son fils Marco Antonio, avec le chef d’entreprise chilien d’origine syrienne Edgardo Bathich Villarroel et Eugenio Berríos, chimiste de la DINA. Il dénonce également la responsabilité de Pinochet dans l’assassinat du colonel Huber. Le corps de ce dernier avait été retrouvé le 20 février 1992 avec une balle dans la tête. L’armée avait conclu au suicide et classé l’affaire. L’histoire commence il y a quelques mois, quand le juge Pavez décide d’interroger Contreras à propos de la mort de Huber, qui avait fait partie de la DINA dans les années ayant suivi le coup d’Etat militaire de 1973. Le juge s’était laissé dire que Contreras appréciait Huber, ce qui signifiait peut-être qu’il en savait plus sur ce qui lui était réellement arrivé [personne ne croit à la thèse du suicide]. 

L’ex-chef de la DINA en a profité pour l’informer de l’origine illégale de la fortune de Pinochet. Contreras affirme que, lorsque Huber a pris la direction de l’un des complexes chimiques de l’armée, au milieu des années 1980, Eugenio Berríos était chargé, avec l’aide d’un autre “cuisinier”, de fabriquer de la cocaïne “noire”, impossible à détecter à l’odeur. Selon Contreras, c’est Pinochet en personne qui avait autorisé la fabrication de cocaïne dans les installations de l’armée. Marco Antonio Pinochet et Edgardo Bathich auraient également participé à ces activités. La production était envoyée aux Etats-Unis et en Europe, où un parent par alliance de Bathich, le célèbre trafiquant d’armes Monser Al-Kassar, l’écoulait, avant de déposer l’argent sur les différents comptes bancaires du clan Pinochet en Europe et aux Etats-Unis. Selon l’ex-patron de la DINA, Pinochet aurait aussi utilisé les fonds spéciaux de l’armée pour s’enrichir, en en percevant les intérêts. 

Contreras affirme qu’on parlait beaucoup de la fortune de Pinochet parmi les haut gradés de l’armée à l’époque et assure que Gerardo Huber était au courant de toutes les activités illicites de la famille. Selon lui, Huber aurait été assassiné par une équipe des opérations spéciales du contre-espionnage chilien. Une thèse assez proche de celle qu’a pu établir le juge Pavez. Une chose est sûre, l’ex-chef de la DINA a des comptes à régler avec Pinochet.

Jorge Molina Sanhueza, La Nación