03 novembre, 2006

PINOCHET, LE SILENCE N’EST PLUS D’OR

Chili . Au coeur d’un nouveau scandale financier, l’ancien dictateur a été également inculpé pour les crimes commis à la Villa Grimaldi entre 1974 et 1977.

De l’avis de la grande majorité des Chiliens, et même de leur présidente, Michelle Bachelet, Augusto Pinochet « appartient au passé ». Pourtant, la révélation, mercredi dernier par le journal gouvernemental la Nacion, de l’existence depuis 1980 de 9,6 tonnes d’or bloquées sur un compte personnel de l’ancien dictateur à la banque HSBC à Hong kong, n’a cessé d’alimenter la chronique depuis plusieurs jours. Selon la HSBC, « les documents sont faux et (Pinochet) n’a pas de compte » au sein de l’établissement bancaire. Cette affirmation a été confirmée par le Conseil de défense de l’État (CDE), l’équivalent chilien du parquet général français. « Si les documents sont faux, il pourrait s’agir d’une conspiration internationale », a même avancé le président du CDE, Carlos Mackenney.

Alors que tout le Chili s’interroge pour savoir qui aurait pu monter un tel coup contre l’ancien caudillo, l’opposition tient ses coupables : la coalition de centre gauche actuellement au pouvoir. Selon elle, le gouvernement tenterait de taire un autre scandale politico-financier, Chiledeportes, impliquant de nombreux dirigeants du Parti pour la démocratie (PPD), membre de cette même coalition, et suspectés d’avoir détourné un million de dollars.

Depuis jeudi, la justice chilienne enquête pour s’assurer de la véracité des documents bancaires livrés aux autorités chiliennes le 13 octobre, par le négociant en or américain, Al Landry, qui soutient toujours que Pinochet possède bien cet amas d’or en Chine. Dans un communiqué, Al Landry dit comprendre « la position défensive » de la banque qui pourrait « avoir des problèmes, si les documents sont vrais ».

Pourtant les certificats de la banque ne présentent ni la signature de Pinochet ni son numéro d’identité. Autre élément étrange, les documents remis à la justice chilienne assurent que 9 600 et non pas 9,6 tonnes du métal jaune seraient placées sur le compte, soit le double de l’offre d’or mondiale existant actuellement ! L’apparence grossière de ces documents conforte la défense dans sa position que tout est « absolument faux ».

Cette nouvelle affaire rythme un mois d’octobre particulièrement chargé pour le général nonagénaire qui a dirigé le Chili d’une main de fer pendant dix-sept années (1973-1990), au cours desquelles officiellement 3 197 personnes ont disparu. Déjà inculpé pour fraude fiscale dans l’affaire de ses comptes bancaires et pour sa responsabilité dans le massacre de 119 membres du Mouvement de la gauche révolutionnaire (MIR) en juillet 1975, Pinochet l’a été à nouveau lundi par le juge Alejandro Solis pour les 36 disparitions, le meurtre d’un militant communiste et 23 cas de torture dans la sinistre Villa Grimaldi entre 1974 et 1977. C’est dans cette prison secrète que Michelle Bachelet et sa mère avaient été torturées.

Assigné à résidence, lâché par le carré de ses derniers supporters à l’été 2004, après qu’une commission antiblanchiment du Sénat américain a révélé l’existence d’une centaine de comptes lui appartenant et sur lesquels dormaient 27 millions de dollars, il est aujourd’hui totalement isolé. Les décisions récentes de la Cour suprême du Chili de lever son immunité dans plusieurs affaires, dont la dernière fois, le 3 octobre, dans le cadre de la préparation du procès sur la Villa Grimaldi, pourraient anéantir ses derniers espoirs d’échapper aux mains de la justice. D’autant plus que ses avocats ne pourront pas jouer la carte de la vieillesse. « Je ne crois pas qu’il ait été prouvé qu’il est mentalement malade », a récemment déclaré Alejandro Solis.