06 décembre, 2006

PINOCHET A-T-IL DES SOUS EN SUISSE?

Pinochet a-t-il des sous en Suisse?

Berne ne répond pas

SUISSE - Le Conseil fédéral n’a toujours pas répondu à une question sur les fonds de Pinochet en Suisse déposée par le député Josef Zisyadis (Pop/VD). Les investigations se poursuivent.

La mort d'Augusto Pinochet soulagerait le Conseil fédéral. C'est le sentiment du conseiller national Josef Zisyadis. Le popiste vaudois a en effet déposé en mai une motion exigeant la séquestration des avoirs en Suisse de l'ancien dictateur chilien. Et le gouvernement n'a toujours pas réagi à sa demande: «Normalement la réponse aurait dû arriver en septembre. Les services du parlement m'ont dit que le dossier était bloqué au Département fédéral de justice et police», affirme l'ancien conseiller d'Etat vaudois. Impatient, il va interpeller Christoph Blocher au parlement lundi durant l'heure des questions: «Il s'est rendu récemment au Chili pour signer un accord de réadmission, mais rien n'a été décidé concernant les fonds de Pinochet.» Président du comité Chili-culture dont le siège est à Lausanne, Ramon Vergara ne cache pas sa déception: «On gagne du temps comme cela a été le cas dans le procès judiciaire de Pinochet. C'est comme si tout le monde attendait simplement sa mort.» Procédure interrompue Porte-parole du Département fédéral des affaires étrangères, Jean-Philippe Jeannerat dément catégoriquement: «Il n'y a aucune volonté de gagner du temps, le Conseil fédéral va d'ailleurs bientôt adopter sa réponse.» Pourquoi ce retard? Il y a eu la session de Flims où aucune interpellation n'a été traitée. Mais surtout, souligne Jean-Philippe Jeannerat, le Ministère public de la Confédération avait ouvert en janvier une enquête préliminaire pour soupçon de blanchiment d'argent sale. «Le Conseil fédéral attendait de voir ce qui allait se passer et finalement cette procédure a été interrompue en septembre». Forts soupçons Des fonds Pinochet dorment-ils dans les banques suisses? «Nous n'avons jamais trouvé d'argent lui appartenant», affirme Folco Galli, porte-parole de l'Office fédéral de justice (OFJ). «Mais il y a de forts soupçons», réagit François Membrez, vice-président de l'organisation suisse TRIAL (Track Impunity always). Selon lui, il est tout à fait possible que ces fonds aient déjà été retirés par Augusto Pinochet: «La Suisse est toujours trop lente.» Ces «forts soupçons» font notamment suite à un rapport de la commission antiblanchiment du Sénat américain affirmant que Pinochet détenait une centaine de comptes en banque pour plus de 32,5 millions. Dont une partie pourrait être en Suisse. Santiago avait ainsi fait une première demande d'enquête en mars 2005. Mais la Confédération avait considéré la requête comme incomplète. Finalement tous les documents lui sont parvenus en décembre et la Suisse a donc décidé d'accorder l'entraide judiciaire au Chili. Les investigations menées par le Ministère public de la Confédération sont toujours en cours. Toutefois, le journal chilien La Nacion révélait dans son édition du 13 octobre que la Suisse avait restitué trois millions de dollars appartenant à la société Cornwall. Le bénéficiaire de cette somme bloquée dans un premier temps par le MPC serait Oscar Aitken Lavanchy, avocat et ancien exécuteur testamentaire de Pinochet. Une information qui n'est pas confirmée par Berne. L'entraide judiciaire va-t-elle cesser si Augusto Pinochet décède dans les prochains jours? Folco Galli reconnaît que la mort rend plus difficile les investigations. Toutefois, il rappelle que les fonds Marcos ont été débloqués après la disparition de l'ex-dictateur philippin.

Vincent Bourquin