22 mars, 2007

« À CUBA, LA TRANSITION A COMMENCÉ IL Y A QUINZE ANS »

Contrairement aux autorités de La Havane, le directeur de la principale revue de sciences sociales publiée à Cuba n'estime pas que le mot "transition" soit tabou. "A Cuba, la transition a commencé il y a quinze ans, assure Rafael Hernandez, invité mi-mars à Paris par l'Institut des hautes études sur l'Amérique latine. Du point de vue économique et social, sur le plan politique et des mentalités, les Cubains ont connu des mutations plus profondes que les Chiliens avant et après le départ de Pinochet" M. Hernandez prépare un dossier sur les transitions politiques destiné à la revue trimestrielle qu'il dirige, Temas. "Je cherche des articles sur l'Espagne et le Chili", confie-t-il. Ces deux pays sont des références dans les débats sur la transition entre dictature et démocratie.
« À CUBA, LA TRANSITION A
COMMENCÉ IL Y A QUINZE ANS »
En 1992, la crise précipitée par l'implosion de l'Union soviétique a amené La Havane à adopter des réformes dont l'impact sur les relations sociales, les valeurs et les comportements a été considérable. "Le marché a entamé l'homogénéité sociale et le consensus politique", affirme M. Hernandez. La société cubaine est devenue moins uniforme, plus diversifiée. "Nous avons désormais des inégalités de revenus de 1 à 12, voire 1 à 15, poursuit-il. Alors que la pauvreté avait été éradiquée, nous avons maintenant 20 % de pauvres, qui ne mourront pas de faim, mais dont l'existence est précaire, sans parler des mal logés et des retraités."

CHANGEMENTS GRADUELS

À l'autre extrême, "un producteur privé de tabac gagne quinze fois le salaire d'un ouvrier. Un employé d'un hôtel peut se faire 1 500 dollars en pourboires", précise le directeur de Temas. Le montant maximum autorisé des "remesas", les fonds envoyés par les proches résidant à l'étranger, 100 dollars par mois, suffit à nourrir cinq personnes. Cette diversité des situations complique les actions du gouvernement.

"Entre Fidel Castro et les dissidents, il y a beaucoup d'opinions et d'acteurs, souligne M. Hernandez. Et les limites à l'expression des divergences ont été repoussées. Il y a une véritable société civile." Fidel Castro avait donné un coup de frein aux réformes des années 1990. Sa maladie plonge Cuba dans l'expectative. "La stabilité des huit derniers mois montre que les institutions ne dépendent pas d'un seul homme", souligne toutefois M. Hernandez. Selon lui, la disparition de Fidel Castro et l'organisation d'une vraie succession après la période d'intérim exercée par son frère Raul devraient "favoriser un fonctionnement plus collectif et relancer la transition".

Les dirigeants cubains s'intéressent aux expériences de la Chine et du Vietnam. "Mais avant d'importer des nouveautés, il faudrait reprendre les réformes stoppées il y a dix ans", plaide-t-il. La revue s'est fait l'écho du débat qui agite les milieux gouvernementaux : faut-il d'abord élargir le marché, moderniser la gestion des entreprises de l'Etat (le "perfectionnement entrepreneurial") ou bien privatiser d'autres secteurs de l'agriculture, de l'industrie et des services ? Et à quel rythme ?

"Cuba nécessite davantage de décentralisation, note M. Hernandez. Le socialisme ne doit pas forcément être centralisateur et vertical. Les Cubains attendent des changements graduels et non pas une transformation radicale et abrupte comme en Europe de l'Est. En tout cas, les changements viendront de l'intérieur du système politique, et non de ses marges ou de l'étranger. Une nouvelle génération est prête à prendre le relais."

À La Havane, la démocratie reste subordonnée à "la fin de l'hostilité des Etats-Unis, qui n'est pas une paranoïa du gouvernement cubain". Avant d'envisager le pluripartisme, le directeur de Temas prône le pluralisme à l'intérieur du Parti communiste cubain, dont il est adhérent. Problème : le parti unique ne s'est pas réuni en congrès depuis dix ans.
Paulo A. Paranagua, « le repenti »  

Fidel Castro, convalescent après une opération chirurgicale le 27 juillet 2006, pourrait reprendre son action au sommet de l'Etat, assure la ministre de l'industrie de base, Yadira Garcia. "Nous nous attendons à ce qu'il soit rapidement de nouveau avec nous d'une manière plus active, a-t-elle déclaré, mardi 20 mars. Notre commandant fait des progrès dans son processus de récupération et participe de plus en plus aux principales décisions pour le pays."

Le président bolivien, Evo Morales, avait annoncé, dimanche, une réapparition de Fidel Castro le 28 avril. Les chefs d'Etat du Venezuela, de Cuba, de Bolivie et du Nicaragua ont rendez-vous à La Havane pour une réunion de l'Alternative bolivarienne pour les Amériques. - (AFP.)