11 juillet, 2007

DES EX-MILITAIRES PINOCHETISTES MERCENAIRES EN IRAK

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Selon l'ONU, bon nombre des vingt mille mercenaires qui opèrent en Irak sont d'ex-militaires latino-américains. Parmi eux, au moins mille anciens officiers chiliens recrutés par l'entreprise américaine Blackwater dans d'étranges conditions.
par MARÍA LAURA CARPINETA

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En 2003, le Chili a refusé de soutenir l'invasion
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de l'Irak. Pourtant, depuis quatre ans, plus de mille anciens soldats et officiers de l'armée chilienne y ont combattu ou ont participé à des missions de sécurité. Ces Chiliens constituent le deuxième contingent militaire, en effectifs, après les Américains. Le contractant est la filiale chilienne de la société américaine Blackwater et a des contacts avec d'anciens pinochetistes, la marine des Etats-Unis et la CIA. 


En octobre 2003, le journal chilien La Tercera a publié une annonce de Red Táctica, filiale chilienne de Blackwater, qui recherchait d'anciens officiers "de préférence des forces spéciales, maîtrisant l'anglais". Il s'agissait, comme la société l'a expliqué plus tard, d'effectuer des missions de consultants portuaires. Mais le président de Blackwater, Gary Jackson, a tenu un autre discours au quotidien britannique The Guardian. "Nous recherchons des professionnels partout dans le monde, a-t-il expliqué. Or les commandos chiliens sont très professionnels, ils s'adaptent bien au système Blackwater.

Ce système est simple. Il consiste à recruter des soldats du tiers-monde à la retraite, à les entraîner dans leurs propres pays – parfois même avec l'aide des forces armées locales –, puis à les placer comme agents de sécurité privés dans des lieux à haut risque, telles les ambassades occidentales ou les bases militaires étrangères en Irak. 

Au Chili, ce mode de recrutement a été découvert en 2003, lorsqu'une centaine d'officiers à la retraite ont été engagés pour effectuer des missions de surveillance en Irak et en Afghanistan. D'après des plaintes qu'examine actuellement la justice militaire, ces hommes ont été entraînés au Chili, avec des armes légères qui leur auraient été fournies par des militaires d'active. Un millier d'anciens soldats chiliens auraient ainsi travaillé dans la sécurité privée en Irak. 

COUVERTURE DE BLACKWATER
Pour le sénateur socialiste Alejandro Navarro, l'un des premiers à avoir révélé l'existence de ces mercenaires, ce chiffre est bien plus élevé. "Nous estimons à 2 200 environ le nombre de mercenaires qui se sont rendus en Irak et qui sont revenus au Chili depuis le début de l'invasion", nous a assuré ce sénateur de la majorité. Ses sources sont les familles des anciens militaires recrutés, ainsi que les mercenaires eux-mêmes, qui de retour au pays se plaignent d'avoir subi des mauvais traitements et de ne pas avoir touché les soldes promises. Car, alors que le gouvernement américain verse entre 7 000 et 10 000 dollars mensuels aux entreprises sous contrat, celles-ci ne proposent pas plus de 1 200 dollars à leurs recrues. 

Tant les rapports de Navarro que ceux de l'ONU sont centrés sur Red Táctica et son président, José Miguel Pizarro. Ancien lieutenant d'artillerie de l'armée chilienne, Pizarro a décidé en 1995 de quitter l'institution et de s'installer aux Etats-Unis. Là, il n'a guère changé ses habitudes. Il est entré dans les marines, jusqu'au jour où il a de nouveau raccroché son uniforme pour devenir consultant à Washington. Son CV cite aussi des apparitions sporadiques sur CNN en tant qu'"expert militaire". Son chargé de relations commerciales à Santiago, Herman Brady, n'est autre que le fils d'un ancien ministre de la Défense de Pinochet. 

Pizarro est recherché par la justice chilienne et l'ONU. Ce qui n'empêche pas son bureau à Santiago de continuer à recruter. "Nous avons la confirmation que 45 Chiliens sont partis ces dernières semaines, assure Navarro. Ils ont des visas de touristes et ont été envoyés en Uruguay ou en Jordanie. Là, ils signent leurs contrats et sont envoyés dans des centres d'entraînement ou directement en Irak." A en croire le sénateur, on leur fait souvent signer les contrats pendant le vol pour échapper à la juridiction de leur pays d'origine. Et Navarro d'ajouter : "Toutes les irrégularités sont couvertes par des clauses de confidentialité." María Laura Carpineta Página 12