04 octobre, 2007

CHILI : LE SCANDALE FINANCIER PINOCHET TOUCHE L'ARMÉE

Le nouveau rapport du Sénat américain sur les comptes bancaires secrets du général Augusto Pinochet aux Etats-Unis a fait l'effet d'une bombe dans le monde militaire à Santiago. " C'est toute l'image de probité du régime militaire qui s'effondre ", pointe le politologue Oscar Godoy.
Par Christine Legrand 

Le rapport, rendu public le 15 mars à Washington, mentionne six hauts officiers, dont deux en activité, qui seraient impliqués dans des transferts d'argent ayant permis à l'ancien dictateur (1973-1990) d'accumuler au moins 13 millions de dollars dans une centaine de comptes bancaires aux Etats-Unis et dans d'autres pays du monde. Pour le commandant en chef de l'armée, le général Juan Emilio Cheyre, " on ne peut préjuger " du rôle des deux colonels en activité, qui furent secrétaires de M. Pinochet.

Pendant 25 ans, Augusto Pinochet a tissé un réseau financier complexe avec au total 125 comptes et placements financiers, dont 28 auprès de la banque Riggs et 97 dans d'autres établissements bancaires aux Etats-Unis ou leurs filiales de par le monde, révèle le rapport. Pour ouvrir tous ces comptes, l'ancien homme fort du Chili a utilisé plusieurs subterfuges : des hommes de paille et des faux passeports diplomatiques. Le rapport révèle, par exemple, qu'il avait ouvert à Londres en 1996 un compte à la filiale britannique de Riggs avec un passeport falsifié. Avant d'y être arrêté en octobre 1998, Pinochet se rendait régulièrement en Grande-Bretagne, à l'invitation d'une société d'armements. Il aimait y rencontrer l'ancien premier ministre britannique Margaret Thatcher.

EN BONNE SANTÉ
Pablo Rodriguez, avocat de l'ancien dictateur, a qualifié de "blague" le rapport du Sénat américain. Il a jugé "curieux" que les informations soient diffusées à la veille de l'examen par la Cour suprême de justice du Chili d'une demande de levée de l'immunité de son client dans le dossier de l'assassinat en 1974, en Argentine, du général Carlos Prats, son prédécesseur à la tête de l'armée, avant le coup d'Etat militaire de 1973.

En juillet 2004, une première enquête du Sénat américain avait révélé que la banque Riggs de Washington avait aidé l'ancien dictateur à transférer illégalement de l'argent aux Etats-Unis, en dépit d'un gel de ses avoirs après son arrestation à Londres. On parlait de 4 à 8 millions de dollars qui auraient transité entre 1994 et 2002 sur des comptes secrets au nom d'Augusto Pinochet ou de son épouse, Lucia Hiriart.

A Santiago, le juge Sergio Munoz a ouvert une procédure pour fraude fiscale qui englobe le patrimoine de la famille Pinochet. Les sommes concernées atteindraient 16 millions de dollars. Une somme difficilement compatible avec les revenus d'un président de la République ou d'un commandant en chef de l'armée.

Selon la justice chilienne, qui a interrogé des personnes travaillant dans l'entourage de Pinochet, notamment des infirmières, le vieux caudillo jouit d'une bonne santé pour ses 89 ans et administre personnellement sa fortune. Il fait de la gymnastique tous les matins, lit cinq journaux par jour, reçoit des visites, notamment celles de ses nombreux avocats.

Le vent a tourné à Santiago. L'étau judiciaire s'est refermé sur l'homme qui gouverna le Chili d'une main de fer pendant 17 ans. Augusto Pinochet a été inculpé par le juge Juan Guzman, le 13 décembre 2004, pour neuf enlèvements et un homicide commis dans le cadre de l'" opération Condor ", un plan des dictatures sud-américaines destiné à éliminer conjointement leurs opposants dans les années 1970 et 1980.

Début janvier, la Cour suprême du Chili a donné son feu vert au jugement de l'ancien dictateur, rejetant le recours des avocats de la défense qui invoquaient la santé chancelante de leur client.



Christine Legrand