05 décembre, 2021

AU CHILI, LA FIÈVRE DE L’OR BLANC

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L'HUMANITÉ

Au mois d’octobre, le ministère chilien des Mines annonçait le lancement d’un appel d’offres pour l’exploitation de 400 000 tonnes de lithium.

Santiago du Chili, envoyée spéciale.

par Rosa Moussaoui

PHOTO REVUE BALLAST

Dans le branle-bas de la « transition énergétique » vers une « économie décarbonée », c’est l’un des nerfs de la guerre, l’or blanc du futur, un minerai qui aiguise toutes les convoitises. Deuxième producteur mondial de lithium derrière l’Australie, le Chili met au clou ses gisements stratégiques. Le 13 octobre, le ministère des Mines annonçait le lancement d’un appel d’offres international pour l’exploitation de 400 000 tonnes de ce matériau indispensable à la fabrication de batteries électriques. Les permis d’exploration seront accordés pour une période de sept ans, renouvelables pour deux autres années, et les permis de production seront de vingt ans. Une façon de contourner la réglementation en vigueur, qui exclut l’attribution de concessions en raison du caractère « stratégique » de ce minerai.

LITHIUM.

En réalité, le lithium est déjà exploité dans le salar d’Atacama, au nord du pays, par des acteurs privés : le géant états-unien Albemarle et le chilien SQM, dont la firme chinoise Tianqi a racheté 24 % voilà trois ans. Le contrat conclu entre ces deux sociétés et l’agence étatique Corfo prévoit un paiement de redevances pouvant atteindre 40 % des ventes, des contributions à la recherche et au développement d’environ 12 millions de dollars par an, une compensation économique aux communautés locales, ainsi que des mesures d’inspection et de surveillance du salar, où l’extraction du lithium, très gourmande en eau comme en énergie, cause aux marais salants, fragiles écosystèmes, de sérieux dommages environnementaux.

Entrave à la Convention constitutionnelle

Les contreparties de la privatisation en cours restent, elles, obscures et le gouvernement de Sebastian Piñera, le président sortant empêtré dans un scandale de malversations minières, entérine le choix de brader une matière première dont le pays ne tire en l’état que des ressources dérisoires : en 2019, les exportations de lithium ont rapporté au pays 900 millions de dollars, moitié moins que le vin et 35 fois moins que le cuivre.

« Le vendre comme matière première est une grave erreur. La seule façon dont le lithium pourrait être économiquement et socialement rentable serait de monter dans la chaîne de valeur : fabriquer des cellules de batterie, des cathodes, des anodes, des pâtes et, pourquoi pas, aussi des batteries. Il ne s’agit pas d’une chimère, mais d’une entreprise que l’État chilien peut et doit développer », remarque Gonzalo Gutiérrez, professeur de physique à la faculté des sciences de l’université du Chili. Le même voit dans ce subit appel d’offres, à la veille d’échéances électorales cruciales, une entrave au travail de la Convention constitutionnelle, qui veut mettre en débat le modèle de développement et le statut juridique des richesses minières du pays. Le Chili dispose de l’une des plus grandes réserves de lithium au monde : 57 entreprises ont déjà manifesté leur intérêt.

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