16 décembre, 2021

VIVE PINOCHET ! VIVE MILTON FRIEDMAN ! L’ACADÉMIE FRANÇAISE ACCUEILLE MARIO VARGAS LLOSA

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L’ACADÉMIE FRANÇAISE ACCUEILLE MARIO VARGAS LLOSA
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L'HUMANITÉ

Si chez nous c’est Pétain qu’on regrette, au Chili c’est Pinochet. José Antonio Kast, candidat d’extrême droite bien placé pour l’élection présidentielle du Chili, ce dimanche 19 décembre, est un fervent défenseur de la dictature militaire de Pinochet. Rien d’étonnant à ce qu’il soit soutenu par l’écrivain péruvien Mario Vargas Llosa, connu depuis longtemps pour son militantisme ultra-réactionnaire et ultra-libéral très influent dans toute l’Amérique latine, et jusqu’en Espagne où il défend la mémoire de Franco.

Un ultra-libéralisme qui l’a conduit à se livrer à l’évasion fiscale, comme l’ont révélé les « Panama Papers » en 2015, et les «Pandora Papers » en 2021. Malgré tout ça – ou bien à cause de tout ça – il vient d’être élu à l’Académie française.

Aucun académicien (même pas Alain Finkielkraut) ne peut ignorer que le grand écrivain est un militant de l’extrême droite la plus obscurantiste et la plus radicale. Le peu d’étonnement qui s’ensuit montre  l’état  de  la  confusion  et de la banalisation des idées les plus réacs dans l’opinion et dans le monde intellectuel. Seuls quelques chercheurs ont publié  une  tribune.  Libération.fr

- Ñ - ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE AU CHILI
PROPAGANDE ÉLECTORALE
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MENSAJES DE EUROPA PARA CHILE

 CE RAJEUNISSEMENT D’UN CADAVRE EST SUPRENANT

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Dans La Tentation de l’impossible, un essai qu’il a consacré, en 2008, à Victor Hugo, Mario Vargas Llosa, dans un cri d’amour au « divin sténographe », dit toute son admiration pour Les Misérables, « une de ces œuvres qui ont incité tant d’hommes et de femmes à désirer un monde plus juste et plus beau ».

par Rosa Moussaoui

PHOTO REVUE BALLAST

À 85 ans, le flamboyant romancier péruvien, prix Nobel de littérature, aura emprunté une trajectoire politique radicalement opposée à celle choisie par Hugo, du soutien exalté à la monarchie restaurée jusqu’au poème « À ceux qu’on foule aux pieds », ode fraternelle aux communards, ardent plaidoyer pour leur amnistie. La jeunesse révolutionnaire de Vargas Llosa, les années de résistance à la dictature du général Manuel Odría quand, exilé à Paris, il défendait les guérilleros en estimant que « le seul recours, c’est la lutte armée », ne sont plus qu’un brumeux souvenir.

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Depuis le fauteuil émeraude de l’Académie française qu’il occupe désormais, remplaçant là depuis le 25 novembre le philosophe Michel Serres, l’écrivain, à la veille du second tour de l’élection présidentielle au Chili, appelle à voter pour le candidat d’extrême droite José Antonio Kast, ami intime du brésilien Jair Bolsonaro, fils d’un officier nazi exilé en Amérique latine, néofasciste au ton suave promettant un prompt « retour à l’ordre » et revendiquant ouvertement l’héritage d’Augusto Pinochet.

Dans un cordial échange virtuel organisé le 3 décembre par la Fondation internationale pour la liberté, un think tank ultralibéral et férocement anticommuniste, les deux hommes se perdent en congratulations ; l’écrivain assure que « les yeux de toute l’Amérique latine sont tournés vers le Chili aujourd’hui ». « Je pense qu’il n’y a pas d’autre alternative que de gagner les élections », assène-t-il. « C’est littéralement la liberté contre le totalitarisme que nous représentons », affecte Kast. « C’est vrai », répond Vargas Llosa, en mettant en garde contre le péril « socialiste » et « communiste ».

En 2019, dans les colonnes du Figaro, le romancier  s’alarmait  de  «  la montée en puissance un peu partout dans le monde non seulement des populismes et des nationalismes locaux, ces nouvelles  formes  d’égoïsme, mais des extrémismes de toutes sortes, qui parfois avancent masqués ».  Le Fgaro.fr Au même moment,  il  affichait en Amérique du sud son soutien aux candidats d’une ultra-droite ne s’embarrassant guère des libertés ni des droits humains : Iván Duque, démolisseur des accords de paix en Colombie, où  des  leaders  sociaux, paysans et indigènes, des syndicalistes, d’ex-guérilleros ayant déposé  les armes sont chaque jour assassinés ; dans sa patrie de naissance, Keiko Fujimori, fille du  satrape  Alberto  Fujimori  qu’il  affronta  sans  succès  lors de  l’élection  présidentielle  de  1990  ;  Mauricio  Macri,  l’intégriste néolibéral qui a laissé  en  un  mandat  l’économie  argentine  exsangue  ; Carlos Mesa, porté en Bolivie par les putschistes à l’origine du coup d’État contre Evo Morales.

Du guévarisme de ses débuts à sa conversion au reaganisme et au thatchérisme, de l’élan tiers-mondiste à ses ennuyeux prêches pour la « liberté » (celle des capitaux et des marchandises), Vargas Llosa s’est depuis longtemps laissé engloutir par les marécages du néoconservatisme, de la régression sociale, du libre-échange fanatique, de l’exportation des idéaux « démocratiques » par les invasions militaires. Il sombre encore, mais peut-on parler de rupture ? Lui-même assure avoir été foudroyé, au début des années 1970, par la lecture de Karl Popper et celle de Friedrich Hayek, l’apôtre du marché libéralisé comme « ordre spontané », partisan d’un système anti-démocratique confiant la décision politique aux « experts ». Comme Milton Friedman qui forma les Chicago boys, inspirateurs de la brutale conversion économique conduite par Augusto Pinochet, Hayek offrit à la junte militaire une indéfectible caution intellectuelle : il y avait, selon lui, dans le Chili de Pinochet, théâtre d’une répression anti-populaire d’une horreur sans nom, « plus de liberté que sous le gouvernement d’Allende ».

En bon disciple de Hayek, Vargas Llosa déteste les impôts : son nom apparaît dans le scandale des «Pandora Papers », comme propriétaire d’une société offshore domiciliée dans les îles Vierges britanniques, un paradis fiscal vers lequel affluaient ses droits d’auteurs et le fruit de la vente de plusieurs propriétés Le Monde.fr. 

Il partage aussi l’aversion de l’économiste et philosophe austro-britannique pour la démocratie et le suffrage populaire, quand leurs verdicts lui déplaisent. « Ne vous y trompez pas : des élections libres sont très importantes, mais il est également très important que ceux qui votent votent bien. Bien voter n’est pas facile », expliquait-il sans fard en septembre dernier, devant la Convention nationale du Parti populaire espagnol. Loin, très loin de l’auteur des Misérables qui appelait à « regarder à travers le peuple » pour y« apercevoir la vérité ».

À l’heure où la nostalgie de Pinochet étend son ombre au Chili, menaçant d’étrangler tous les espoirs nés de la révolte sociale de 2019, il faudrait oublier les élucubrations du dernier entré à l’Académie française pour repenser à ces mots de Victor Hugo : « le passé, il est vrai, est très fort à l’heure où nous sommes. Il reprend. Ce rajeunissement d’un cadavre est surprenant. Le voici qui marche et qui vient. Il semble vainqueur ; ce mort est un conquérant. Il arrive avec sa légion, les superstitions, avec son épée, le despotisme, avec son drapeau, l’ignorance ; depuis quelque temps il a gagné dix batailles. Il avance, il menace, il rit, il est à nos portes.

Quant à nous, ne désespérons pas. (…) Nous qui croyons, que pouvons- nous craindre ? Il n’y a pas plus de reculs d’idées que de reculs de fleuves. »

  Rosa Moussaoui

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