considéré comme l’un des plus grands criminels de l’histoire chilienne, il avait été condamné à 529 années de prison pour violation des droits de l’homme. Manuel Contreras, le cerveau de la redoutable police secrète de la dictature du général Augusto Pinochet (1973-1990), est mort le 7 août, à l’âge de 86 ans, à l’hôpital militaire de Santiago, où il était soigné depuis septembre 2014, pour diabète et cancer. Malgré les nombreuses condamnations, il avait conservé son grade de général de l’armée.
Chef de la Direction nationale d’intelligence (Dina), entre 1973 et 1977, il avait pour mission « d’extirper et éliminer l’extrémisme marxiste », selon les propres mots de Contreras. Il était considéré à l’époque comme le bras droit de Pinochet, qui avait été son professeur à l’académie militaire et avec lequel il déjeunait quotidiennement dans les premières années du régime militaire.
Père de l’opération « Condor »
Emprisonnéen 2005 pour l’enlèvement d’un jeune opposant, il avait ensuite été condamné à de multiples reprises. Il a toutefois échappé à de nombreuses inculpations. La majorité des victimes de la dictature chilienne, soit plus de 3 200 morts ou disparus et plus de 38 000 personnes torturées, sont imputées à la Dina. Contreras a toujours nié les faits.
Au moment du coup d’État qui renversa le président socialiste Salvador Allende, le 11 septembre 1973, Contreras se trouvait à 100 kilomètres de Santiago, responsable de la garnison de Tejas Verdes, qui deviendra tristement célèbre en tant qu’un des principaux centres de détention et de torture pendant les années de plomb. Trois mois après le putsch, il fut chargé de créer un organisme national d’intelligence. En juin 1974 est née officiellement la Dina.
Il est également le père de l’opération « Condor », ce réseau étroit de collaboration entre les dictatures latino-américaines, dans les années 1970, leur permettant de traquer et d’éliminer conjointement leurs opposants politiques. Selon les documents secrets retrouvés au Paraguay, en 1992, les « Archives de la terreur », le plan « Condor » a été conçu à Santiago, le 25 novembre 1975, au cours d’une réunion des chefs des services secrets de la région. Entre 1973 et 1983, l’impitoyable chasse à l’homme a fait des milliers de victimes en Argentine, en Bolivie, au Brésil, au Chili, en Uruguay et au Paraguay.
Contreras était notamment accusé d’avoir planifié l’assassinat, en plein Washington, le 21 septembre 1976, d’Orlando Letelier, ancien ministre de Salvador Allende, et de son assistante américaine, Ronni Moffitt, ainsi que celui du général Carlos Prats, chef des armées sous Allende, et de sa femme, en 1974, à Buenos Aires. A la suite des pressions des États-Unis, conséquences de l’assassinat sur son territoire de Letelier, le général Pinochet décida de dissoudre, en 1977, la Dina, qui fut rebaptisée Centre national d’intelligence (CNI).
Contacts avec la CIA
Contreras était diplômé du cours de « guerre contre-insurrectionnelle » de l’ancienne école militaire des Amériques, en Virginie. Selon le rapport américain sur les « Activités de la CIA au Chili », rendu public le 19 septembre 2000, le gouvernement des États-Unis aurait approuvé les contacts de la CIA avec Contreras à l’époque où il était le chef de la Dina.
Au moment de sa mort, Contreras était toujours sous le coup d’enquêtes sur plusieurs violations des droits de l’homme. Nombreuses accusations devaient encore être jugées par la Cour suprême du Chili. Plusieurs plaintes avaient également été déposées contre lui, en Italie et en France. En Argentine, il avait été condamné pour l’assassinat du général Prats.
Contreras a toujours affirmé qu’il avait obéi « aux ordres impartis directement par Pinochet ». Le 13 mai 2005, alors que le général Pinochet faisait lui-même l’objet de plusieurs instructions judiciaires au Chili, Manuel Contreras l’avait accusé d’avoir personnellement ordonné les mesures répressives de la Dina. A son tour, Pinochet, lors de l’instruction de son dossier, s’était défendu en déclarant qu’il n’avait pas été le dirigeant de la Dina et que Contreras avait agi de sa propre initiative.
« Dans l’impunité, quelqu’un comme Contreras meurt en emportant avec lui la vérité sans jamais avoir collaboré pour la faire connaître », regrette Lorena Pizarro, présidente de l’Association des proches des détenus-disparus.