29 octobre, 2021

LE GÉANT CHILIEN DU CUIVRE CODELCO MULTIPLIE PAR 5 SON EXCÉDENT SUR 9 MOIS

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   PHOTO CODELCO
La compagnie minière publique chilienne Codelco, plus grosse productrice de cuivre au monde, a annoncé vendredi un excédent de 5,2 milliards de dollars sur les trois premiers trimestres, soit près de cinq fois plus que sur la même période en 2020.

Par Le Figaro avec l'AFP

«Le Chili bénéficie non seulement de la hausse du cours du cuivre, mais aussi d'une production et de ventes plus importantes de la part de Codelco», s'est félicité dans un communiqué le président de l'entreprise, Juan Benavides. «L'année dernière, sur la même période, de janvier à septembre, Codelco a généré 1,2 milliard de dollars (d'excédents). Le chiffre d'aujourd'hui est 367% supérieur», a précisé M. Benavides. Les bénéfices générés par Codelco sont ensuite reversés à l'État chilien.

1,18 million de tonnes de cuivre

En avril, le cours du cuivre a franchi la barre des 10.000 dollars la tonne pour la première fois depuis février 2011, porté notamment par la forte demande chinoise. Au cours des trois premiers trimestres, Codelco a produit 1,18 million de tonnes de cuivre, soit 20.000 tonnes de plus que sur la même période en 2020, malgré une grève des travailleurs en août et septembre. Codelco assure près de 11% de la production mondiale de cuivre. Le Chili est le premier producteur mondial de ce métal, assurant 28% de la production mondiale. Les mines chiliennes de cuivre n'ont quasiment pas arrêter de fonctionner pendant la pandémie.


28 octobre, 2021

CHILI : COUP DE TONNERRE À DROITE !

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CAPTURE D'ÉCRAN
Le candidat officiel de la droite, Sebastian Sichel, vient d’annoncer qu’il laissait libre les partis qui le soutenaient de se retirer ou de soutenir qui ils voulaient.

par Pierre Cappanera

il faut dire que Sichel subit une campagne à la Hamon en 2017 : chaque jour un député ou un sénateur de son propre camp annonce son soutien au candidat de l’extrême droite Kast. Hamon avait vu les élus et les ministres socialistes, les uns après les autres, soutenir Macron. Avec succès. Hamon s’était effondré au profit de Macron et de Mélenchon qui avait profité du vote utile à gauche.

Ici c’est la même chose. Sichel ne se retire pas officiellement mais c’est tout comme. C’est un sacré coup de pouce à Kast. En même temps Kast est tout : charmeur, démagogue, malin, menteur… sauf rassembleur. C’est lui qui cristallise le plus d’opinion négative contre lui. C’est celui qui à droite a le moins de chance de l’emporter contre Boric, le candidat de la gauche.

Ce nouvel épisode de la guerre des droites confirme que : 1) la droite chilienne se radicalise, 2) la droite se prépare déjà pour le combat d’après. Celui après l’élection de Boric.

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LE PEUPLE MAPUCHE REJETTE LA MILITARISATION DANS LE SUD DU CHILI

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PHOTO IVAN ALVARADO
Santiago du Chili, 28 octobre 2021. Des représentants du peuple mapuche ont rejeté l’état d’exception en vigueur aujourd’hui dans la macrozone sud du Chili et ont accusé le président Sebastián Piñera d’utiliser les appareils répressifs pour résoudre des questions de caractère politique. 

Prensa Latina  

PHOTO AGENCIA UNO 

Cette semaine, le mandataire a décidé de prolonger de 15 jours l’état d'urgence et le déploiement de plus de deux mille militaires dans quatre provinces du Biobío et de l’Araucanía, où des communautés indigènes demandent la restitution de leurs terres ancestrales.

Le Gouvernement a justifié cette mesure par l’argument de la lutte contre le crime organisé, le trafic de stupéfiants et le terrorisme, mais des politiciens de l’opposition ont appelé les autorités à séparer les revendications légitimes des peuples originaires des actions de groupes criminels.

► À Lire aussi : CHILI: L’ÉTAT D’EXCEPTION DÉCLARÉ DANS DEUX RÉGIONS AU CŒUR DES REVENDICATIONS MAPUCHES

'Dans l’histoire actuelle, moderne, parler de campagnes militaires ou de présence militaire pour rechercher une solution dont on sait tous qu'elle est de nature politique, c’est un très mauvais signal envoyé et cela ne contribue pas à résoudre le problème dans la zone', a déclaré Adolfo Millabur, du groupe mapuche à la Convention constitutionnelle.

Cité par le journal de l’Université du Chili, Millabur a exprimé son désaccord total avec la mesure prise par l’exécutif qui, a-t-il estimé, restera dans l’histoire pour 'reproduire l’époque sombre de l’État chilien envers les peuples originaires'.

► À lire aussi :  GIORGIO AGAMBEN : « DE L’ÉTAT DE DROIT À L’ÉTAT DE SÉCURITÉ »

La communauté mapuche est la plus grande ethnie autochtone du Chili, avec 1,7 million d’habitants, et elle mène une lutte permanente pour l’autonomie et la récupération de terres dépouillées par des propriétaires et des entrepreneurs forestiers.

'Le gouvernement n’a pas de volonté politique, il n’a pas voulu approfondir les questions de fond, qui ont trait à la revendication territoriale, aux droits du peuple mapuche', a écrit sur son compte Twitter la députée indigène Emilia Nuyado.

Elle a dénoncé l’incapacité de l’exécutif à exécuter le budget de la Société nationale de développement indigène afin de remettre des terres aux communautés.

« NON À LA MILITARISATION
DU TERRITOIRE MAPUCHE »

'Ici, tant que des changements profonds, comme la restitution des terres mapuches, ne seront pas adoptés, il sera très difficile de parvenir à la paix', a déclaré Nuyado en avertissant que la militarisation de l’Araucanie ne fera qu’aggraver la situation dans la région.

Des chefs de cette communauté ont introduit un recours devant la Cour d’appel de Santiago contre le président Piñera pour avoir imposé l’état d’urgence dans la zone sud.

« L'état d'exception, que nous avons coutume d'envisager comme une mesure toute provisoire et extraordinaire, est en train de devenir sous nos yeux un paradigme normal de gouvernement, qui détermine toujours davantage la politique des états modernes. Cet essai se propose de reconstruire l'histoire du paradigme, et d'analyser le sens et les raisons de son évolution actuelle - de Hitler à Guantanamo. Il faut bien voir en effet que, lorsque l'état d'exception devient la règle, les équilibres fragiles qui définissent les constitutions démocratiques ne peuvent plus fonctionner, la différence même entre démocratie et absolutisme tend à s'estomper. Démontant une par une les théorisations juridiques de l'état d'exception, Giorgio Agamben défriche le terrain vague entre politique et droit, et jette une nouvelle lumière sur la relation occulte qui lie la violence au droit.» État d'exception, Homo sacer, II Giorgio Agamben

Conformément à la convention N°169 de l’Organisation internationale du travail, en vigueur ici, il convient de procéder à une consultation préalable lorsqu’une mesure concernant les peuples originaires est adoptée. peo/mgt/car

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26 octobre, 2021

CHILI MOBILISATION HISTORIQUE CONTRE LES INÉGALITÉS / 25 OCTOBRE 2019

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FLYER KAROL CARIOLA

2019  - 25 OCTOBRE - 2021

25 octobre 2019. C'était il y a deux ans, la plus grande marche que le Chili ait connu. 

par Pierre Cappanera

le Chili disait non à la répression, non au libéralisme, non aux inégalités, le Chili faisait sauter le couvercle de la marmite.

Des millions étaient dans toutes les rues de toutes les villes du Chili. Un an plus tard ils étaient des millions à voter pour une nouvelle Constitution élaborée de façon démocratique.

Et maintenant l'espoir que soit élu un président qui écoute le peuple.

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GABRIEL BORIC PRÉSIDENT

LA CAMPAGNE PRÉSIDENTIELLE


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25 octobre, 2021

LE SOUTIEN AU DIPLOMATE VÉNÉZUÉLIEN ILLÉGALEMENT EXTRADÉ VERS LES ÉTATS-UNIS AUGMENTE

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PRENSA LATINA
Caracas, 25 octobre 2021. L'équipe de défense du diplomate vénézuélien Alex Saad a annoncé aujourd'hui que les signes de solidarité en faveur de sa libération s’étaient  multipliés à la suite de son extradition illégale vers les États-Unis. 

Prensa Latina  

PHOTO  ARIANA CUBILLOS / AP

Après 500 jours de détention, Saab bénéficie d'un soutien international plus important dans tous les coins du monde, au milieu d'un processus entaché de motivations politiques, d'illégalité et de non-respect du droit international à l’initiative des gouvernements des États-Unis et du Cap-Vert,  ont dit ses avocats.

► À lire aussi :       TRUMP EN A RÊVÉ, BIDEN L’A FAIT

Selon les informations de l'équipe, le refus des "actions impériales marque une pression internationale importante pour exiger sa libération immédiate".

Le diplomate a été détenu le 12 juin 2020 sur l'île cap-verdienne de Sal, en violation de son impunité, où il a été retenu alors que ses avocats et sa famille dénonçaient les tortures et les violations de ses droits, jusqu'au 16 octobre 2021, date à laquelle il a été transféré dans la ville de Miami.

Des organisations multilatérales et régionales telles que les Nations unies et la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (Cedeao), ainsi que les gouvernements de nations comme la Russie, l'Iran, la Chine et des pays africains, ont élevé la voix pour dénoncer le dangereux précédent de cette agression sans précédent contre les relations diplomatiques.

De même, des mouvements sociaux, des personnalités politiques et des défenseurs des droits de l'Homme renommés de tous les continents ont ajouté leurs voix pour désavouer l'outrage fait à l'envoyé spécial.

Au moment de son arrestation, Saab était entrain de mener  des démarches pour l'entrée de denrées alimentaires au Vénézuéla que le pays ne peut acquérir en raison des mesures coercitives unilatérales imposées par Washington depuis 2015.  jcc/mem/ycv

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TRUMP EN A RÊVÉ, BIDEN L’A FAIT

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BIDEN MAINTIENT LE SECRET SUR L'ASSASSINAT DE KENNEDY

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PHOTO REUTERS
Washington, 25 octobre 2021. Le président Joe Biden a maintenu la censure sur les dossiers de l'assassinat de John F. Kennedy, le 35ème président des États-Unis, selon le quotidien Politico.

Prensa Latina

PHOTO JON ELSWICK / AP 

Biden a de nouveau retardé la publication de milliers de secrets gouvernementaux susceptibles de faire la lumière sur l'événement survenu à Dallas le 22 novembre 1963.

« L'ajournement temporaire est nécessaire pour protéger la défense militaire, les opérations de renseignement, l'application de la loi ou la conduite des relations étrangères d'une gravité telle qu'elle l'emporte sur l'intérêt public d'une divulgation immédiate", a écrit M. Biden dans un mémorandum présidentiel vendredi soir.

Le 58ème anniversaire de l'assassinat qui avait percuté le monde et traumatisé des millions d'États-Uniens  approche,  or il semble que les implications de la mise en lumière de la vérité s’avèrent nombreuses, selon les experts.

 PHOTO D'IKE ALTGENS / AP

Cette décision, faisant suite à un retard ordonné par le président Donald Trump en 2017, signifie que les universitaires et le public devront attendre encore plus longtemps pour voir ce qui reste enfoui dans les dossiers gouvernementaux sur l'un des plus grands mystères politiques du 20ème siècle, selon l’article.

Une commission  de la Chambre des représentants a conclu en 1978 "sur la base des preuves disponibles que le président John F. Kennedy avait probablement été assassiné à la suite d'une conspiration, et beaucoup se sont sentis trompés du moment où l’on a affirmé que l'auteur de l'assassinat était Lee Harvey Oswald.

L’assassinat  perpétré et les efforts infructueux de la CIA pour tuer le leader cubain Fidel Castro avec l'aide de la mafia et de groupes extrémistes en Floride sont une partie importante des secrets les plus censurés des États-Unis, affirment aujourd'hui les experts.

Une grande partie de ce qui n'a pas encore été diffusé concerne des activités de renseignement menées au plus fort de la guerre froide qui n'avaient probablement aucun rapport direct avec le complot visant à tuer Kennedy, mais qui pourraient faire la lumière sur des opérations secrètes, selon Politico.

Un fichier fortement censuré implique un complot de la CIA pour tuer Castro. Un autre est un plan du Pentagone de 1963 prévoyant une "provocation ciblée" qui pourrait être attribuée à Castro et servir de prétexte pour le renverser. Il est également établi que le bureau de la CIA à Miami a organisé une campagne de propagande contre Cuba, selon le site web.

Mais cela signifie, selon le rapport, que la CIA et d'autres agences peuvent encore convaincre Biden de retarder davantage la publication de certains documents.

Lorsque le président Biden a accepté de divulguer les dossiers du 11 septembre, il a déclaré que 20 ans étaient suffisants. Que diriez-vous de 58 ans, a demandé le journal, en faisant référence au verrouillage sur l'assassinat. jcc/mem/lb

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PHOTO LEEMAGE

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TRUMP EN A RÊVÉ, BIDEN L’A FAIT

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LORS D’UN RASSEMBLEMENT PUBLIC À CARACAS,
DIMANCHE 17 OCTOBRE, DEMANDANT LA LIBÉRATION D’ALEX SAAB.
PHOTO FEDERICO PARRA/AFP

Le Maurice Lemoine Nouveau est arrivé ! /  France Culture («l’esprit d’ouverture »), journal du 17 octobre 2021 au matin : « Extradition aux États-Unis d’Alex Saab, un proche de Maduro accusé d’avoir détourné l’aide alimentaire destinée au Vénézuéla. » Pour Libération (« CheckNews » à tous les étages), « l’opposition vénézuélienne et de nombreux journalistes qui ont enquêté sur le personnage affirment qu’il sait tout sur la corruption du régime de Nicolas Maduro ». Ce que confirme La Croix : « Soupçonné d’avoir profité de sa proximité avec Caracas pour détourner 350 millions de dollars, il pourrait détenir des informations compromettantes pour Maduro. » D’autant que, à en croire Le Monde (le quotidien « de référence »), reprenant l’Agence France Presse (AFP), l’opposant vénézuélien Julio Borges déclare qu’avec l’extradition commence « le passage devant la justice de quelqu’un qui a volé des millions de dollars aux Vénézuéliens, qui est responsable direct de la faim et de la crise humanitaire » dans ce pays. Bref, résume France Inter (« écoutez la différence»), «le président Maduro a de quoi être inquiet. Un homme qui sait tout de sa fortune, du financement de son régime, de la corruption vénézuélienne, est aujourd’hui entre les mains des États-Unis, son pire ennemi [1]. »

[ Pour écouter cliquez ici ! ]
 
L'ÉMISSION «JE REVIENS DU MONDE D'AVANT»
 «AU VÉNÉZUÉLA, LE PRÉSIDENT MADURO TREMBLE APRÈS 
L'EXTRADITION D'UN PROCHE VERS LES ÉTATS-UNIS  » 
PAR FRANCK MATHEVONDIFFUSION LUNDI 18 OCTOBRE 2021 

par   Maurice Lemoine

6Temps de Lecture 18 min 22 s

Amis de l’information objective, bonjour et bienvenidos.

PHOTO L'HUMANITÉ

Version quelque peu différente de l’histoire : envoyé spécial du gouvernement vénézuélien, avec rang d’ambassadeur, Saab effectuait une mission pour le compte de celui-ci, volant de Caracas vers l’Iran, le 12 juin 2020, afin d’acquérir de la nourriture et de l’essence dont manquent cruellement les habitants de la République bolivarienne du fait du blocus économique et financier imposé par les États-Unis. À la requête de Washington, Saab a été arbitrairement arrêté lors d’une escale technique au Cap-Vert. Depuis, Caracas s’est battu becs et ongles pour empêcher cette « séquestration » d’aller à son terme par le biais d’une extradition vers un cul-de-basse fosse étatsunien.

Né dans une famille colombienne d’ascendance libanaise, mais également citoyen vénézuélien, Alex Saab (49 ans), n’est pas entré subrepticement dans le sillage de la révolution bolivarienne. En novembre 2011, cet homme d’affaires inconnu du grand public participe à une rencontre entre les présidents vénézuélien Hugo Chávez et colombien Juan Manuel Santos. Les relations sont alors au beau fixe. Chávez s’implique personnellement pour persuader la guérilla des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) de négocier une sortie du conflit armé avec le pouvoir de son pays. Lors de cette rencontre, donc, et en présence du ministre des Affaires étrangères vénézuélien Nicolás Maduro, le jeune Saab monte à la tribune et signe une « alliance stratégique » : Fondo Global de Construcción, une de ses entreprises, fournira au vénézuéla des maisons préfabriquées destinées au programme naissant de la Mission logement (« Misión Vivienda »).

Deux années plus tard, en mars 2013, Chávez disparaît. Maduro accède démocratiquement au pouvoir (50,61 % des voix). L’estimant moins solide que le défunt « comandante », l’opposition radicale se lance dans sa déstabilisation. Le 8 mars 2015, le président des États-Unis Barack Obama apporte sa pierre à l’édifice et prépare l’avenir en signant l’Ordre exécutif 13692 qui fait du vénézuéla « une menace inhabituelle et extraordinaire pour la sécurité nationale et la politique extérieure des États-Unis ». Chef du Southern Command (le commandement sud de l’armée américaine), le général John Kelly déclare le 28 octobre suivant que les États-Unis interviendront en cas de crise humanitaire au vénézuéla. Ne reste plus qu’à provoquer celle-ci. La doctrine a été développée par le politologue américain Gene Sharp, le « Machiavel de la lutte non violente » (camouflage moderne des « révolutions de couleur ») [2] : « Les piliers économiques sont des cibles bien plus faciles que les bases militaires ou les palais présidentiels ; secouez-les et le tyran finira par tomber. » En avril 2016, le blocus financier commence. Il n’a qu’un objectif : affamer la population vénézuélienne pour qu’elle se retourne contre le pouvoir bolivarien.

L’économie se détraque. Le chœur médiatique et le troupeau des pseudo érudits vont bientôt s’en donner à cœur joie : « Au vénézuéla, Nicolás Maduro fait face à un effondrement économique sans précédent, avec des conséquences dramatiques pour les habitants (…), une crise liée à la gabegie gouvernementale, à l’incurie de la gestion pétrolière » et (pour paraître objectif) « aggravée par les sanctions de l’administration Trump [3]  » Aggravée ? Dès le 9 janvier 2018, une déclaration d’un haut fonctionnaire du Département d’État interrogé par María Molina de Radio Colombia a implicitement taillé en pièces cette niaiserie : « La campagne de pression contre le vénézuéla fonctionne. Les sanctions financières que nous avons imposées (…) ont obligé le gouvernement à commencer à tomber en défaut [de paiement], tant pour la dette souveraine que pour la dette de PDVSA, sa compagnie pétrolière. Et ce que nous voyons (…) est un effondrement économique total au vénézuéla. Donc notre politique fonctionne, notre stratégie fonctionne et nous la maintiendrons. »

 « ALEX SAAB PRISONNIER POLITIQUE DES ÉTATS-UNIS »
CAPTURE D'ÉCRAN

Le 12 février 2021, la rapporteuse spéciale des Nations unies, Alena Douhan, dénoncera, depuis Caracas, les « effets dévastateurs » pour la population des sanctions décrétées par Washington contre le vénézuéla. Soulignant les difficultés rencontrées par ce pays pour vendre son pétrole et obtenir du carburant sur le marché international, la rapporteuse demandera la levée des sanctions et l’accès du gouvernement vénézuélien aux fonds lui appartenant, mais gelés, aux États-Unis, au Royaume-Uni et au Portugal – quelque 6 milliards de dollars – pour acheter des médicaments, des vaccins et du matériel médical. « Les entraves aux importations de denrées alimentaires, précisera-t-elle, qui représentent plus de 50 % de la consommation, ont conduit à la croissance soutenue de la malnutrition au cours des six dernières années. » Même le Government Accountability Office (Bureau de la responsabilité gouvernementale ; GAO), agence d’audit travaillant pour le Congrès des États-Unis, affirmera sans détours, quasiment au même moment, que l’économie vénézuélienne s’est brusquement effondrée du fait des 450 mesures coercitives unilatérales prises à son encontre, tout en précisant : « Quelle que soit la position de chacun sur les sanctions, nous devrions convenir qu’elles ne doivent pas être imposées à la légère et qu’elles ne doivent pas faire obstacle à une aide qui sauve des vies [4]. »

Dès la fin 2015, les pénuries de toutes sortes accablent la population vénézuélienne. Les étals se vident des produits de première nécessité. Pour empêcher ses citoyens de mourir de faim du fait de cette « guerre économique », le pouvoir invente les Comités locaux d’approvisionnement et de production (CLAP). Un plan de distribution d’aliments à prix subventionnés. Fin 2016, à travers son Group Grand Limited, entreprise enregistrée à Hong Kong en 2013, puis au Mexique, Saab signe ses premiers contrats pour fournir dix millions de colis alimentaires destinés aux CLAP. « Il a fallu chercher des solutions pour créer de nouvelles chaînes d’approvisionnement, de logistique, de financement et de relations commerciales, souvent avec des entreprises et des pays qui, historiquement, auraient été laissés à l’écart du marché vénézuélien, en raison de la présence des entreprises américaines », expliquera-t-il ultérieurement [5].

L’homme n’a rien d’un philanthrope. En homme d’affaire avisé, il n’ignore rien de la notion de profit. Il prend son bénéfice au passage. Il vit sur un grand train – hôtels de luxe et jet privé. Mais si, fondamentalement, il dérange, c’est parce qu’il participe très activement à la politique destinée à protéger les Vénézuéliens, et en particulier les plus modestes, de la famine organisée par l’anti-chavisme local et international.

La première flèche est tirée par une transfuge, l’ex-procureure générale vénézuélienne Luisa Ortega Díaz. Ayant pris ses distances avec le pouvoir après les « guarimbas » (émeutes insurrectionnelles) de 2017, mais surtout soupçonnée de corruption, elle a rejoint la Colombie et s’est ralliée à une opposition dont, la veille encore, elle poursuivait certains éléments. Elle a beaucoup à se faire pardonner par ses nouveaux amis. En cette année 2017, elle pointe du doigt Saab. Mais pas que lui. Elle déclare en effet que les enquêtes qu’elle a menées au sein du ministère public l’ont amenée à présumer que le président Maduro est en réalité le propriétaire de Group Gran Limited – alors que les documents mentionnent comme propriétaires Saab et son associé colombien Álvaro Pulido.

Journaliste aux antipodes du chavisme, directeur de l’équipe d’investigation de la chaîne télévisée Univisión, aux États-Unis, Gerardo Reyes a interviewé Ortega pour son livre « à charge » Alex Saab : la verdad sobre el empresario que se hizo multimillonario a la sombra de Nicolás Maduro (Alex Saab : la vérité sur l’homme d’affaires devenu multimillionnaire dans l’ombre de Nicolás Maduro) [6]. « Quand elle était au vénézuéla, explique-t-il néanmoins, elle n’a pas dit grand-chose à ce sujet, mais elle est sortie et a dit qu’elle en savait beaucoup et a appelé Saab l’homme de paille de Maduro. Lorsque je l’ai interrogée pour lui demander la preuve qu’il était l’homme de paille de Maduro, elle ne me l’a jamais donnée, alors que c’est elle qui a inventé ce terme [7]. »

Saab se retrouve dans le collimateur. Les CLAP, qui assistent six millions de familles, également. En 2018 le site d’opposition vénézuélienne Armando Info, dont les journalistes vivent à Miami et Bogotá, déclenche une violente campagne contre les entreprises mexicaines qui approvisionnent les CLAP en question. Leurs produits seraient de mauvaise qualité, sans valeur nutritive et de surcroît surfacturés. Avec un pouvoir éditorial concentré dans quelques mains, le cirque médiatique emboîte le pas. Le Département du Trésor américain sanctionne les entreprises mexicaines (El Sardinero, Rice&Beans et La Cosmopolitana), huit autres firmes et deux navires. La justice mexicaine – pays alors gouverné par la droite en la personne de Enrique Peña Nieto – « démantèle le réseau » ! Partout dans le monde, firmes et entreprises enregistrent le danger qu’il y a à commercer avec le vénézuéla.

Devenu un élément clé dans la lutte contre le blocus, Saab est inclus dans la « Liste Clinton » par le Département du trésor. Toute personne intégrant cette liste, voit ses biens aux États-Unis confisqués, ses comptes bancaires gelés, la déchéance de ses visas et donc de la possibilité d’entrer dans le pays, ainsi que l’interdiction de toute relation avec des personnes physiques ou morales américaines. Pour le protéger, Caracas nomme Saab « envoyé spécial », avec rang d’ambassadeur, toujours en 2018. Privé de la voie mexicaine pour acheter aliments et médicaments, Saab se tourne entre autres vers la Turquie et les Emirats arabes unis. Grâce à ces tours de passe-passe discrets, les Vénézuéliens modestes survivent. Et Washington enrage, forcément.

Quand Washington enrage, la Colombie d’Iván Duque rugit. Saab possède dans ce pays l’entreprise Shatex. La Direction d’investigation criminelle et Interpol (Dijin), la Direction des impôts et des douanes nationales (DIAN), l’Unité d’information et d’analyse financière (UIAF) lancent des meutes de limiers aux trousses de Saab. En arrière plan se tiennent la Drug Enforcement administration (DEA, les « stups » américains) et le FBI. Pour incriminer Saab, ces deux organismes s’appuient sur le « témoignage » de Jorge Luís Hernández Villazón, alias « Boliche », ex-paramilitaire colombien, proche du leader Salvatore Mancuso, et qui, depuis deux décennies, est « témoin protégé » du gouvernement américain. Dépendant des autorités pour sa liberté et sa sécurité, ce type de repenti n’a rien à leur refuser. D’ailleurs, pour faire d’une pierre deux coups, il met également en cause l’ex-sénatrice colombienne d’opposition Piedad Córdoba, dont la carrière politique aurait été financée par… Saab, évidemment.

Début septembre 2018, mandat d’arrestation en main pour « blanchiment d’argent » et « terrorisme », un groupe d’enquêteurs colombiens se présente afin d’arrêter Saab à Barranquilla. Sans doute averti par son avocat Abelardo De La Espriella – grand admirateur d’Álvaro Uribe ! – l’oiseau a quitté le nid. Mais sa « légende noire » prend de l’ampleur. Elle ne faiblira plus, bien que, en mai 2019, un juge de Barranquilla, Néstor Segundo Primera Ramírez, ait annulé, faute de preuves, l’ordre d’arrestation le concernant [8]. Ni même quand en Suisse, en mars 2021, les procureurs de Genève décideront, après trois années d’investigation, de clôturer l’enquête lancée contre lui pour vingt-deux comptes supposés suspects dans la banque UBS, faute de trouver là encore une quelconque irrégularité.

Entretemps, en 2019, le justice américaine a inculpé l’homme d’affaires pour « blanchiment d’argent » et l’accuse d’être à la tête d’un vaste réseau ayant permis au président vénézuélien et son gouvernement de… détourner de l’aide humanitaire destinée aux habitants.

L’absurdité de l’accusation saute tellement aux yeux que, même au sein de l’opposition vénézuélienne, on observe des réactions. Après un début de « Cirque Juan Guaido » (président autoproclamé) tonitruant, les manifestations anti-Maduro peinent à rassembler et des fissures commencent à apparaître au sein de l’antichavisme. Conscients des souffrances d’une population sacrifiée par les tenants de la déstabilisation économique, neuf députés des partis Primero Justicia, Voluntad Popular, Un Nuevo Tiempo, Cambiemos et de la fraction 16 de Julio (dont ils seront ultérieurement expulsés) se rendent en Europe, en Colombie et aux États-Unis où ils mènent des négociations informelles en défense des entreprises de Saab [9]. Sans résultat, bien entendu.

Plus d’exportations pétrolières permettant financer les achats vitaux pour la population, en pleine pandémie. Souterraines, les transactions s’effectuent en particulier grâce à l’or extrait de l’Arc minier de l’Orenoque [10] – que, volant au secours de Washington, certains inconscients d’extrême gauche et écologistes ignorants dénoncent vigoureusement, au nom de la défense de l’environnement.

Le 12 juin 2020, en route pour l’Iran en quête de nourriture, Saab fait escale à l’aéroport international Amílcar-Cabral de l’île de Sal, au Cap-Vert – un archipel composé d’îles volcaniques situé au large du Sénégal – pour procéder à une opération de ravitaillement. Bien que muni de son passeport diplomatique – le vénézuéla l’ayant également nommé ambassadeur auprès de l’Union africaine –, il est arrêté par les autorités cap-verdiennes. « On ne m’a jamais montré de notice rouge [d’Interpol] ou de mandat d’arrêt, racontera-t-il ; on m’a poussé hors de l’avion sans chaussures et on a ensuite dit au pilote de quitter l’île immédiatement [11]. » En cas de non reconnaissance de son immunité diplomatique, le respect du droit internationalimpliquerait pourtant que, au pire, Saab soit déclaré persona non grata et qu’il puisse poursuivre son voyage. Pour justifier cette incarcération arbitraire, un mandat d’Interpol ne surgira que le lendemain de l’arrestation. Le mandat d’arrêt américain, qui réclame l’extradition, n’arrivera qu’au bout de vingt-cinq jours de détention préventive.

Il est désormais possible d’examiner de plus près l’acte d’accusation rédigé en juillet 2019. En fait, la Cour du District de Floride fait référence à une somme de 350 millions de dollars ayant circulé entre 2011 et 2015 à travers le système bancaire américain – et, entre autres, la Bank of America, la Citibank et la Deutsche Bank. Tous établissements supervisés par le Département de services financiers de New York et la Réserve fédérale (FED) – qui, pendant cette période, n’ont pas levé un sourcil. Aucune preuve n’accompagne l’accusation – juste des insinuations et de demi-vérités recueillies auprès de témoins « repentis » qui ont obtenu en échange la nationalité étatsunienne.

La prison préventive se prolonge au-delà des délais permis par la loi. Bientôt, l’ex-juge espagnol Baltasar Garzón, qui dirige l’équipe de défense, devra faire remarquer que « la durée maximale de privation de liberté dans le cadre d’un processus d’extradition, en vertu de la législation cap-verdienne, est de 80 jours». Délai allégrement dépassé, malgré des demandes d’habeas corpus répétées.

Saab dénonce : « Dès le premier jour de mon enlèvement, j’ai été torturé et soumis à des pressions pour signer des déclarations d’extradition volontaire et faire un faux témoignage contre mon gouvernement. Par la suite, le Cap-Vert m’a torturé physiquement trois autres fois en prison, en plus d’une torture psychologique constante. Demandez à n’importe lequel des autres prisonniers qui étaient là. Ils peuvent le confirmer [12]. » Malgré une détérioration de sa santé et une intervention rapide du Tribunal de la Communauté économique des états d’Afrique de l’Ouest (Cedeao), il faudra attendre le 21 janvier 2021, soit sept mois, pour que le détenu soit transféré dans une résidence touristique abandonnée. Une bien piètre amélioration. « Je suis surveillé par cinquante gardes armés, mes avocats sont fouillés quand ils viennent et quand ils partent, mes flacons de médicaments sont vidés, même quand ils sont neufs et scellés, confie-t-il le 3 mars à l’agence de presse espagnole EFE. Si je sors dans le jardin, la police suit tous mes mouvements avec des drones. Je n’ai pas le droit d’accéder à l’internet et si je veux parler à ma famille, je dois le faire sur un téléphone fourni et surveillé par la police. Le Cap-Vert refuse de me laisser accéder aux médecins spécialistes de mon choix, même à mes propres frais. Avec autant de gardes armés autour de moi, je suis très stressé. Le jeu de la torture psychologique, commencé en prison, se poursuit sous cette fausse assignation à résidence. »

Le 1er mars 2021, Hannibal Uwaifo, président de l’Association des avocats d’Afrique (AFBA), lance un appel public pour que le gouvernement du Cap-vert libère immédiatement « le diplomate vénézuélien Alex Saab ». Le 15 mars, puis à nouveau le 24 juin, c’est la Cour de justice de la Cedeao qui juge la détention « illégale », ordonne une « libération immédiate », « l’arrêt de l’exécution de la procédure d’extradition vers les États-Unis » et le versement à l’intéressé d’une indemnité de 200 000 dollars « pour les dommages moraux résultant de sa détention illégale ». Bien que parti prenante de cet organisme régional et membre de plein droit de son Tribunal, le Cap-Vert décide de ne pas appliquer la décision. Il ne réagit pas plus quand, le 8 juin, le Comité des droits de l’Homme de l’ONU demande à Praia (la capitale) de suspendre la procédure d’extradition pendant qu’il examine les allégations de torture physique et psychologique.

Approuvée dès le 31 juillet 2020, suspendue par les appels et les recours de l’équipe de l’avocat Garzón, l’extradition de Saab est confirmée le 7 septembre 2021 par le Tribunal constitutionnel cap-verdien, une sentence de 194 pages attestant, contre toute évidence, de la « légalité » du processus. Confronté au danger imminent de sa déportation, le pouvoir vénézuélien nomme Saab membre de la délégation gouvernementale qui, au Mexique, a entamé des négociations avec la droite radicale, ramenée à la raison par l’échec spectaculaire de la stratégie de « changement de régime » qu’a incarné le président imaginaire Juan Guaido.

Le Cap-Vert, pour sa part, se prépare à une élection présidentielle. Des rumeurs courent, audibles de Praia à Washington. Candidat de gauche pour le compte de l’historique Parti africain pour l’indépendance du Cap-Vert (PAICV), José Maria Neves, envisagerait de libérer Saab, pour « raisons humanitaires », s’il était élu. En toute hâte, le chef d’État sortant, Jorge Carlos Fonseca, colle Saab dans un avion, à destination des États-Unis, le 17 octobre, veille du scrutin. Détail qui fait mal : l’aéroport porte le nom d’Amilcar Cabral, le héros de l’indépendance du pays (ex-colonie portugaise), l’homme qui en son temps déclara : « Notre lutte n’est pas seulement contre le colonialisme portugais ; nous voulons, dans le cadre de notre lutte, contribuer de manière plus efficace à mettre définitivement fin à la domination étrangère sur notre continent. »

Le lendemain du « vol de l’infamie », José Maria Neves, l’éventuel libérateur, a été élu avec 51,5% des voix.

Ce 18 octobre, Saab a été présenté devant un juge de la Cour de Miami. La porte-parole du Département de la justice, Nicole Navas Oxfam, a exprimé sa gratitude et son admiration pour le gouvernement du Cap-vert en raison de « son professionnalisme et de sa persévérance dans ce cas complexe ». Comme toujours, les mouches du coche et les larbins ont tenu à se faire remarquer. « L’extradition d’Alex Saab est un triomphe dans la lutte contre le trafic de drogue, le blanchiment d’argent et la corruption qui ont conduit à la dictature de Nicolás Maduro, a tweeté l’imprésentable président colombien Iván Duque. La Colombie a soutenu et continuera de soutenir les États-Unis dans l’enquête contre le réseau criminel transnational dirigé par Saab. » Traité comme un « criminel » parce qu’il a contribué à contourner les sanctions américaines illégales destinées à asphyxier l’économie vénézuélienne, Saab risque vingt années de prison.

Le captif sera jugé en Floride, nid des puissants lobbys anti-castristes et anti-bolivariens dressés vent debout contre les négociations en cours à Mexico. A son corps défendant, il rejoint ainsi le cercle des emblématiques otages de l’Empire. Les Cinq Cubains de Miami – René González, Fernando González, Gerardo Hernández, Ramón Labañino et Antonio Guerrero – iniquement jugés et incarcérés, de treize à seize années, entre 1998 et 2014, pour avoir infiltré les réseaux criminels qui, depuis la Floride, menaient des actes terroristes contre Cuba. Ou encore Ricardo Palmera (alias Simón Trinidad), dirigeant guérillero et négociateur des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC), extradé en 2005 et depuis enterré, au sens propre du mot, dans un « Alcatraz » inhumain, à Florence (Colorado) [13]. Incapable de le faire condamner, faute de preuves, pour narcotrafic, comme elle l’avait prévu, la justice américaine l’a finalement déclaré coupable de « conspiration », avec d’autres membres des FARC, lorsque, dans le cadre du conflit armé, furent capturés en 2003 trois mercenaires américains (finalement libérés en 2008). On n’oubliera pas Julian Assange. Bien qu’incarcéré en Angleterre, il est avant tout l’otage du gouvernement américain. Mais lui, il s’agit de le réduire au silence ; en ce qui concerne Saab, il faut le faire parler !

Pour les États-Unis, il s’agit de pénétrer le système de défense économique et financier du gouvernement bolivarien ainsi que les méthodes utilisées pour tourner l’embargo. But ultime : neutraliser et démanteler les réseaux d’approvisionnement, mais aussi de vente de l’or et du pétrole vénézuéliens, tordre dans le mauvais sens une situation qui, pour le gros de la population, tend à s’améliorer. Il s’agit aussi, sur la base de « confessions » réelles ou inventées dans l’objectif d’obtenir une réduction de peine, de bombarder l’opinion publique des « turpitudes » de Maduro et de son entourage.

Pris dans un piège de cette nature, certains flanchent, d’autres résistent. Dans une lettre écrite avant d’être extradé et lue par son épouse Camilla Fabri lors d’un rassemblement public à Caracas, Saab a fait savoir que jamais ilne fournira volontairement « des informations classifiées sur le gouvernement du président Maduro et les relations diplomatiques et commerciales » de la République bolivarienne : « J’affronterai mon procès avec une dignité totale (...) Je veux être clair  : je n’ai pas à collaborer avec les États-Unis. Je n’ai commis aucun crime, ni aux États-Unis ni dans aucun autre pays et je n’ai pas l’intention de mentir pour favoriser les États-Unis contre un pays qui subit un blocus inhumain. »

Pour lui, le calvaire commence, à n’en pas douter.

Quand bien même le Département de la justice aurait mené l’opération, c’est en toute connaissance de cause que l’administration de Joe Biden s’est livré à cette opération. Le locataire de la Maison-Blanche n’a pas modifié d’un iota les mesures particulièrement agressives mises en œuvre par son prédécesseur Donald Trump contre la « Troîka de la tyrannie » – Cuba, le Nicaragua et le vénézuéla. Les « midterm elections » (élections de mi-mandat) de novembre 2022, seront, pour les démocrates une épreuve redoutable. Il s’agit, dans cette perspective, de ne pas décevoir la Floride, un État clé. Mais il s’agit aussi, incontestablement, d’une torpille lancée contre le processus de dialogue entrepris par les chavistes et les anti-chavistes au vénézuéla. D’ores et déjà, Caracas a suspendu sa participation aux conversations, qui devaient reprendre le 18 octobre. L’extradition de Saab, a déclaré Jorge Rodríguez, président de l’Assemblée nationale et chef de la délégation gouvernementale, « est une agression inacceptable qui viole les principes juridiques internationaux et contredit l’esprit constructif qui devrait prévaloir dans toute négociation politique. » Très cyniquement, le porte-parole de la diplomatie américaine Ned Price a immédiatement réagi : « Par sa suspension du dialogue avec l’opposition, le président vénézuélien Nicolás Maduro fait passer le cas de l’homme d’affaires Alex Saab avant les intérêts de millions de Vénézuéliens. »

C’est dans le cadre de ces conversations que les secteurs durs de l’opposition, mettant un terme à leur stratégie de boycott des élections, ont annoncée leur participation au méga-scrutin (pour les maires et les gouverneurs) du 21 novembre prochain. Malgré les réticences clairement exprimées de Washington, l’Union européenne a prévu l’envoi d’une Mission de plusieurs dizaines d’observateurs. Que feront les uns et les autres ? Caracas veut avant tout une suppression des sanctions imposées par les États-Unis. En ce sens, l’extradition de Saab relève à l’évidence de la provocation et du refus. La perspective de normalisation politique qui se dessinait en interne risque-t-elle, de ce fait, et d’une évidente volonté de Washington, d’être réduite à néant ?

Notes

[1] https://www.franceinter.fr/emissions/le-monde-d-apres/le-monde-d-apres-de-jean-marc-four-du-lundi-18-octobre-2021

[2] Maurice Lemoine, Les enfants cachés du général Pinochet (précis de coups d’État modernes et autres tentatives de déstabilisation), Don Quichotte, Paris, 2015.

[3] Thomas Posado, Michel Rogasky, Pierre Salama, « L’Amérique latine en bascule », Recherches internationales, n° 115, Paris, juillet-septembre 2019.

[4] https://www.gao.gov/assets/720/712253.pdf

[5] https://misionverdad.com/vénézuéla/alex-saab-denuncia-extralimitacion-judicial-de-eeuu-en-su-contra

[6] Planeta, Bogotá, 2021.

[7] https://www.diariolasamericas.com/america-latina/las-claves-del-caso-alex-saab-un-proceso-dinamitado-el-chavismo-n4234534

[8] Le 9 juin 2020, après qu’eussent été lancés de nouveaux chefs d’accusation, ses luxueux biens immobiliers de Barranquilla ont été saisis.

[9] Parmi ces députés d’opposition figurent Luis Eduardo Parra (futur président de l’Assemblée nationale de janvier 2020 à janvier 2021), Conrado Pérez, Richard Arteaga, José Brito, Chaim Bucaran, José Luis Pirela et Adolfo Superlano.

[10] https://www.medelu.org/L-Arc-minier-de-l-Orenoque-les

[11] https://www.elespectador.com/noticias/judicial/desde-el-primer-dia-me-torturaron-y-me-presionaron-para-que-firmara-mi-extradicion-alex-saab/?cx_testId=20&cx_testVariant=cx_1&cx_artPos=0#cxrecs_s

[12] https://www.elespectador.com/noticias/judicial/desde-el-primer-dia-me-torturaron-y-me-presionaron-para-que-firmara-mi-extradicion-alex-saab/?cx_testId=20&cx_testVariant=cx_1&cx_artPos=0#cxrecs_s

[13] Trinidad a été capturé en 2004 en Equateur où il établissait des contacts avec des diplomates européens afin de parvenir à des accords d’échanges humanitaires de prisonniers.

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