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SANTIAGO DU CHILI, Chili | Les violences qui ont émaillé le deuxième anniversaire du soulèvement social au Chili pourraient rebattre les cartes de la présidentielle du 21 novembre, en nourrissant la montée de l’extrême droite au détriment du candidat conservateur soutenu par le président sortant Sebastian Piñera.
À moins d’un mois du premier tour, le scrutin est particulièrement ouvert, avec sept candidats en lice pour succéder au président Piñera, 71 ans, qui après deux mandats (2010-2014, 2017-2021) ne peut pas se représenter.
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« Un deuxième tour est pratiquement acquis. L’incertitude reste à savoir qui se qualifiera pour ce deuxième tour » du 19 décembre, estime Mauricio Morales, politologue à l’université de Talca.
D’autant que le nombre d’indécis reste particulièrement élevé, entre 16, 20 et 50 % d’après les sondages pour lesquels aucun candidat n’a suffisamment de réserve pour espérer l’emporter dès le premier tour.
Comme il y a un mois, le député Gabriel Boric, 35 ans, représentant de la coalition de gauche Frente Amplio (Front large) et plus jeune candidat à l’élection présidentielle de l’histoire chilienne, est en tête dans les sondages avec 21% des intentions de vote.
Mais la surprise pourrait désormais venir du candidat de l’extrême droite José Antonio Kast, ancien député de 55 ans et admirateur de la dictature d’Augusto Pinochet (1973-1990). Il est en deuxième position avec 16,3 % des intentions de vote.
« La violence favorisera toujours la candidature qui assure l’ordre et le rétablissement de l’État de droit. Dans ce cas, celle de José Antonio Kast », estime Mauricio Morales.
Lundi, des pillages et des affrontements entre protestataires et forces de l’ordre à l’issue des manifestations organisées à Santiago pour le deuxième anniversaire de la contestation sociale d’octobre 2019 se sont soldés par deux morts, 56 blessés et plus de 450 arrestations.
Fin septembre, après des manifestations, parfois brutales, contre des migrants vénézuéliens clandestins dans le nord du Chili, certains sondages avaient déjà fait état d’une poussée du candidat Kast.
« Parfois, la peur mobilise plus que l’espoir. Pour cette raison, il est très important de prendre en compte le contexte dans lequel se déroulent les élections, notamment en termes d’actes de violence », estime M. Morales.
Dégringolade
Ce bond du candidat d’extrême droite coïncide aussi avec la dégringolade depuis trois semaines du candidat de la droite chilienne, Sebastian Sichel, 44 ans, ancien président de la Banque publique chilienne.
M. Sichel plafonne à 7,5 % des intentions de vote, derrière l’unique femme dans la course, la démocrate-chrétienne de centre gauche, Yasna Provoste (13,1 %).
Le revirement du candidat de droite sur un retrait anticipé de 10 % sur les fonds d’épargne-retraite privée pour faire face aux difficultés économiques liées à la pandémie de coronavirus, l’a fait dévisser dans les sondages.
M. Sichel souffre aussi de la mauvaise image du président Piñera, soupçonné de corruption dans une affaire dévoilée par les Pandora Papers, et dont la cote de popularité est au plus bas (16 %).
« Il me semble clair que M. Boric ira au second tour, mais je n’exclus pas une certaine compétition entre Provoste et Kast », pronostique Javier Couso, professeur à l’Université Diego Portales (UDP), en excluant M. Sichel du trio de tête.
« Les manifestations qui ont eu lieu lundi pourraient influencer les électeurs », confirme Raul Elgueta, professeur en sciences politiques à l’Université de Santiago. « Les sondages de la semaine prochaine indiqueront très probablement si cette tendance se consolide », ajoute-t-il.
De nouveaux appels à manifester ont d’ores et déjà été lancés sur les réseaux sociaux pour célébrer l’anniversaire de la manifestation géante du 25 octobre 2019 dans le centre de Santiago qui avait marqué un tournant dans la vague de contestation sociale.
Plus d’un million de Chiliens s’étaient réunis sur la Plaza Italia, place emblématique de la contestation, pour réclamer plus de justice sociale dans un pays parmi les plus inégalitaires d’Amérique latine.
Cette mobilisation sans précédent depuis le retour de la démocratie en 1990 avait conduit les partis représentés au Parlement à conclure un accord historique pour l’organisation d’un référendum sur un changement de Constitution, changement plébiscité un an plus tard par les Chiliens.
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