05 août, 2025

AU BRÉSIL, JAIR BOLSONARO ASSIGNÉ À RÉSIDENCE POUR NON-RESPECT DES MESURES DE CONTRÔLE JUDICIAIRE

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L’ANCIEN PRÉSIDENT BRÉSILIEN JAIR BOLSONARO,
 À BRASILIA, LE 29 JUILLET 2025.
PHOTO ADRIANO MACHADO/REUTERS
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Le Monde

INTERNATIONAL / BRÉSIL / Au Brésil, Jair Bolsonaro assigné à résidence pour non-respect des mesures de contrôle judiciaire / Déjà privé de passeport et contraint au port d’un bracelet électronique, l’ancien président est jugé pour tentative de coup d’État. Il risque une peine de quarante-trois ans d’emprisonnement.

Par Bruno Meyerfeld (Rio de Janeiro, correspondant)

Publié aujourd’hui à 11h00, modifié à 11h54 

Temps deLecture 3 min.

Pas de barreaux, mais déjà un goût de prison pour Jair Bolsonaro. La justice brésilienne a ordonné, lundi 4 août, l’assignation à résidence de l’ancien président (2019-2023), jugé pour tentative de coup d’État. Ce dernier est accusé d’avoir enfreint plusieurs mesures de restriction imposées à son encontre par la Cour suprême du pays, en particulier celle lui interdisant l’usage des réseaux sociaux.

Le texte principal "¡AL MAL TIEMPO, BUENA JARA!"
 est une variation d'un dicton populaire espagnol "
Al mal tiempo, buena cara" (Au mauvais temps, bonne mine)
"Faire contre mauvaise fortune bon cœur" 

La décision vient resserrer un peu plus l’étau autour du dirigeant d’extrême droite, dont le passeport avait déjà été confisqué et qui est contraint, depuis la mi-juillet, de porter un bracelet électronique. Accusé d’avoir tenté d’organiser un putsch fin 2022 afin d’empêcher la prise de fonctions de son successeur de gauche, Luiz Inacio Lula da Silva, Jair Bolsonaro encourt une peine de quarante-trois ans de prison. La sentence pourrait être prononcée dans les prochaines semaines.

Ce dernier se voit désormais confiné dans sa grande maison, située dans un luxueux condominium à l’ouest de la capitale Brasilia. Il est interdit à l’ancien chef de l’État d’utiliser son portable ou de recevoir des visites, à l’exception de celles de ses avocats, sous peine d’un transfert pur et simple en prison. « En dépit des avertissements (…), l’accusé Jair Messias Bolsonaro a réitéré des conduites illicites et provocatrices, au mépris flagrant des mesures provisoires imposées [par la justice] », a estimé dans sa décision le juge Alexandre de Moraes, chargé de l’enquête au sein du Tribunal suprême fédéral (STF), la plus haute juridiction brésilienne.

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Soutien de la Maison Blanche

En cause, des interventions prononcées par Jair Bolsonaro, retransmises lors de manifestations en sa défense, organisées à travers le Brésil dimanche 3 août, et ce alors même que la justice avait déjà interdit à l’ancien président d’utiliser les réseaux sociaux, directement ou par l’intermédiaire de tiers. « La justice ne permettra pas qu’un prévenu se joue d’elle en croyant qu’il restera impuni parce qu’il dispose de pouvoir politique et économique. La justice est la même pour tous », a sévèrement rappelé le juge Alexandre de Moraes.

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Carlos Latuff / Audio original /
L'assignation à résidence de Bolsonaro ordonnée
>@radionacionalbr

La mise en quarantaine de leur leader a provoqué la furie des ultraconservateurs brésiliens. « La dictature a été proclamée », s’est scandalisé sur les réseaux sociaux Sostenes Cavalcante, pasteur évangélique et député (Parti Libéral, extrême droite) de Rio de janeiro, membre du premier cercle de Jair Bolsonaro. « Alexandre de Moraes est un psychopathe hors de contrôle », a de son côté réagi Eduardo Bolsonaro, fils de l’ancien président, aujourd’hui exilé aux États-Unis.

La Maison Blanche a également exprimé son indignation, apportant un soutien appuyé à Jair Bolsonaro. Le 30 juillet, Donald Trump a signé un décret instaurant une surtaxe de 50 % sur les produits brésiliens importés aux États-Unis, en représailles à ce qu’il qualifie de « chasse aux sorcières » contre son allié sud-américain. « [Alexandre de Moraes] continue d’utiliser les institutions brésiliennes pour faire taire l’opposition et menacer la démocratie (…). Laissez Bolsonaro parler ! », a tonné le département d’État sur X.

« Son avenir est sombre »

Mais ni les cris d’indignation, ni les rassemblements de rue, ni le soutien affiché de Donald Trump ne semblent décourager les juges de Brasilia. « On a vu, peu à peu, les manifestations pro-Bolsonaro perdre en intensité. [A Sao Paulo, à peine 37 000 personnes ont participé à celle du 3 août]. Il conserve une base fidèle, mais celle-ci s’effrite. Son avenir politique est sombre : la justice ne montre aucun signe de faiblesse. Tout indique que Jair Bolsonaro devra purger sa peine pour ses crimes », estime Carolina Botelho, politiste à l’Institut des hautes études de l’université de Sao Paulo.

Déjà condamné en 2023 à huit années d’inéligibilité pour ses attaques répétées contre le système de vote électronique brésilien, le « Mythe », comme le surnomment les partisans d’extrême droite, semble désormais définitivement écarté de la course à la présidentielle d’octobre 2026. « Jair Bolsonaro reste une figure populaire : il ne disparaît pas comme leader politique. Mais en tant qu’alternative électorale, sa situation paraît très compromise », analyse Mayra Goulart, professeure de sciences politiques à l’université fédérale de Rio de Janeiro.

La séquence semble d’abord bénéficier à Lula, qui envisage sérieusement de se porter candidat à sa propre succession. Selon la dernière enquête de l’institut Datafolha, publiée début août, le dirigeant de gauche connaît un léger rebond de popularité et est donné assez largement victorieux face à ses principaux adversaires de droite et d’extrême droite. Par ailleurs, selon cette dernière étude, 61 % des Brésiliens affirment qu’ils ne voteraient « en aucun cas » pour un candidat qui promettrait de libérer Jair Bolsonaro et les autres accusés mêlés à l’organisation du coup d’État.

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