30 octobre, 2020

BOLIVIE : LE PARLEMENT RECOMMANDE UNE PROCÉDURE CONTRE L’ANCIENNE PRÉSIDENTE

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PHOTO RADIO TÉLÉVISION SUISSE

Bolivie : Le Parlement rend la putschiste Jeanine Añez responsable de massacres

Le Sénat et la Chambre des députés boliviens ont voté un rapport demandant des poursuites contre la présidente de facto et onze de ses ministres, responsables de la répression de mouvements sociaux à Senkata, Sacaba et Yapacani.

par Gaël De Santis

PHOTO AGUSTIN MARCARIAN

Justice passera peut-être faite en Bolivie. La «présidente » de facto sortante, Janine Añez, qui avait succédé à Evo Morales après un coup d’État, pourrait avoir à répondre de la répression des mouvements sociaux qui a fait une trentaine de morts lors de son mandat. Le Parlement sortant, où le Mouvement vers le socialisme (MAS) restait majoritaire malgré le putsch, a adopté jeudi 29 octobre une motion invitant à ce qu’une procédure judiciaire soit ouverte contre elle, ainsi qu’onze de ses ministres. Le Sénat et la Chambre des députés ont approuvé un rapport sur les massacres orchestrés par la droite putschiste en réponse aux mouvements sociaux à Ovejuyo, Montero, Senkata, Sacaba, Betanzos et Yapacani. La Commission interaméricaine des droits humains (CIDH) avait comptabilisé, à l’occasion de son enquête, un bilan de 35 victimes.

Le rapport adopté jeudi est le fruit d’un long travail d’une commission d’enquête parlementaire. Cette motion doit encore être confirmée par le Parlement nouvellement élu le 18 octobre, où le MAS d’Evo Morales, mais aussi du président nouvellement élu, Luis Arce, reste majoritaire.

La répression se poursuit 


 CARLOS ORLANDO GUTIÉRREZ LUNA 
PHOTO RTP

La répression contre le Mas et les mouvements sociaux est une marque de fabrique de la droite putschiste bolivienne. Dans la région de Cochabamba, les nervis d’extrême droite continuent d’intimider les mouvements de gauche. Et un gang de fasciste qui protestait contre la victoire de Luis Arce le 18 octobre dernier, a attaqué la semaine dernière Orlando Gutierrez, le leader de la Fédération unitaire des travailleurs des mines de Bolivie, pressenti pour devenir ministre. Celui-ci est décédé le 28 octobre.

Le président nouvellement élu, Luis Arce, a demandé au gouvernement de facto d’éclaircir les conditions de la mort du dirigeant syndical. Mais Jeanine Añez, si elle a reconnu le résultat des élections et pourrait se réfugier aux États-Unis pour échapper à la justice, semble réticente à organiser une passation de pouvoir dans les meilleures conditions. Ni Evo Morales, le président qui a démissionné l’an dernier pour éviter une recrudescence de violences, ni Nicolas Maduro, le président du Vénézuéla, n’ont été invités par la chancellerie à la cérémonie d’investiture de Luis Arce, le 8 novembre prochain.

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  EVO MORALES ET LUIS ARCE
PHOTO  MARIELISA VARGAS

29 octobre, 2020

BOLIVIE : PASSATION DE POUVOIR OU INVESTITURE ?

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 DESSIN MARCO DE ANGELIS

Après la victoire écrasante de Luis Arce Catacora en Bolivie, la presse a donné une information surprenante. Comme si rien d’extraordinaire ne s’était passé avec le renversement d’ Evo Morales et la prise de pouvoir arbitraire  de Jeanine Añez, le Gouvernement par intérim de cette dame envisage une cérémonie de passation de pouvoir.

par Juan Carlos Zambrana Marchetti 

  EVO MORALES ET LUIS ARCE
PHOTO  MARIELISA VARGAS

Le mot « passation » implique la présence des 2 présidents au même endroit et que le président sortant remette au président entrant l’écharpe présidentielle comme, par exemple, en Uruguay.  Ces cérémonies de passation de pouvoir sont essentiellement des actes qui évoquent un profond respect des institutions démocratiques d’un pays et une extraordinaire civilité, éducation et maturité politique. Cet acte protocolaire est toujours le même parce qu’il est conçu pour que le Gouvernement sortant remette le commandement du pays de la même façon qu’il l’a reçu. En considérant la façon violente et anticonstitutionnelle dont Jeanine Añez est arrivée au pouvoir, il serait aberrant qu’elle prétende remettre ce pouvoir de la même façon.

Dans cette logique, des personnages comme le général  Williams Kaliman, le Général Orellana, Luis Fernando Camacho, la résistance Cochala, les plateformes citoyennes, les piticas, les policiers qui ont brûlé la wiphala près du Palais Quemado, ceux qui ont lancé des gaz sur les « cholitas[1] » qui protestaient contre le coup d’Etat et les militaires qui ont tué 36 indigènes à Senkata et Sacaba devraient être présents.

L’idée est totalement aberrante parce qu’avec Evo Morales toujours en exil et ses ministres en prison ou enfermés dans des ambassades, Jeanine Añez se dépêche de contrôler les rênes d’un événement dans lequel les invités spéciaux seraient les oppresseurs du peuple bolivien. C’est une tentative agressive du Gouvernement  d’Añez pour se blanchir au dernier moment et c’est visible dans l’information quand à tout moment, elle se nomme elle-même Gouvernement « constitutionnel. » Il semblerait que ce soit une décision politique, légale et médiatique, de se rapprocher devant les caméras des présidents élus de la Bolivie pour évoquer la constitutionnalité et la normalité. Mais il n’y a rien eu de tel dans le renversement de Morales ni dans le Gouvernement d’Añez et tenter de le suggérer au dernier moment, est plus qu’aberrant.

En considérant, en outre, que le pays vit une crise sanitaire et économique et que le monde affronte une seconde vague de coronavirus, ce qu’il faut faire, dans ces circonstances, c’est une cérémonie d’investiture du nouveau président sobre, coordonnée par le pouvoir législatif. Cet acte devrait être planifié en respectant toutes les mesures de biosécurité, y compris la distance sociale. Il ne faut pas oublier que ce sera une investiture pendant l’épidémie de coronavirus, ce qui implique d’éviter les attroupements et les grands rassemblements. Il y a de grandes différences entre une cérémonie de passation de pouvoir et une cérémonie d’investiture du nouveau président. La première implique  2 parties, la seconde seulement une. Dans beaucoup de pays, y compris en Bolivie, on utilise l’investiture du président par laquelle on inaugure son mandat. Aujourd’hui plus que jamais, il n’y aucune raison de forcer les choses et il n’y a pas de place pour la frime ni pour les manœuvres médiatiques. 

NOTE de la traductrice:

[1] Le terme chola (ou son surnom cholita, littéralement petite chola) désigne dans un espagnol familier une jeune femme bolivienne ayant une forte identification à la culture indigène. Il fait notamment référence aux Boliviennes de l'Altiplano qui conservent le style vestimentaire caractéristique de la tradition aymara.

 Traduction Françoise Lopez pour Bolivar Infos

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28 octobre, 2020

CHILI : LE GROUPE PARLEMENTAIRE DU PCCh DEMANDE L’AMNISTIE POUR LES PRISONNIERS DE LA RÉVOLTE SOCIALE

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PHOTO TWITTER PCCh
Le groupe parlementaire du Parti  communiste (PCCh) a demandé ce mardi l’adoption d’une loi d’amnistie pour les jeunes qui ont participé aux protestations commencées le 18 octobre 2019, et qui sont actuellement en détention provisoire ou ont été condamnés pour divers délits liés à la révolte sociale.

Le groupe parlementaire communiste 

LIBERTÉ DES PRISONNIER.E.S
 DE LA RÉVOLTE

Selon les députés communistes, il s’agit de jeunes pauvres qui ont subi une vie de discrimination et qui se sont révoltés contre l’injustice. Ils ont ajouté que ces jeunes avaient déjà été privés de liberté, contrairement à ceux qui avaient commis de graves actes de corruption sans être punis.

En ce sens, le groupe communiste est d’accord avec ce qui a été dit par le prêtre Felipe Berrios et le directeur d’America Solidaria, Benito Baranda. Dans une interview récente, Felipe Berrios a souligné la nécessité d’une sortie politique pour libérer les jeunes. Pendant ce temps, Benito Baranda a plaidé en faveur de leur libération, indiquant que "ces personnes ont violemment mis sur la table quelque chose qui était déjà violent envers nos populations."

Considérant que les projets de loi d’amnistie doivent être initiés au Sénat, ils ont soutenu l’annonce du sénateur Alejandro Navarro, qui introduira une motion à cet effet, qui exige qu’elle soit traitée rapidement.

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LIBERTÉ DES PRISONNIER.E.S DE LA RÉVOLTE

27 octobre, 2020

AU CHILI, LE PEUPLE FAIT TABLE RASE DANS LES URNES

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AU CHILI, LE PEUPLE FAIT TABLE RASE DANS LES URNES
PHOTO NICOLÁS ALISTE
 


Pendant des mois les Chiliens ont protesté dans la rue ; dimanche, ils ont voté massivement pour changer la Constitution, une victoire historique sur l’ère Pinochet qui montre la maturité de ce mouvement social.


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 «AU CHILI, LE PEUPLE FAIT TABLE RASE DANS LES URNES» 
  PAR PIERRE HASKI,
 DIFFUSION  MARDI 27 OCTOBRE 2020

PHOTO  PEDRO UGARTE

Dans le flot de mauvaises nouvelles sanitaires ou politiques du monde, il y a des éclaircies presque miraculeuses. Les images de liesse populaire, dimanche soir, dans le centre de Santiago du Chili étaient impressionnantes, massives, radieuses. La population célébrait la victoire du « Oui » à hauteur de 78% dans un référendum historique.

Pour comprendre l’ampleur de l’événement, il faut remonter plusieurs mois en arrière, avec les manifestations de masse qui ont secoué le Chili. Elles sont parties de la hausse du ticket de métro, et sont devenues une contestation générale du « modèle chilien », de ses profondes inégalités sociales ; et finalement de l’ordre constitutionnel.

La constitution chilienne est un enjeu majeur. Elle date de 1980, à l’époque de Pinochet, et fut approuvée lors d’un référendum contesté. Elle est devenue un symbole de blocage du système économique et social au Chili, et c’est ce « déblocage » qui s’est joué dimanche.

Les Chiliens ont répondu à deux questions : la première, simple, voulez-vous une nouvelle constitution ? La seconde, plus complexe, leur demandait de choisir qui allait la rédiger, s’ils répondaient positivement à la première question. 

Le choix était entre les élus actuels, et une nouvelle assemblée constituante : les Chiliens ont choisi de faire table rase, et d’élire, en avril prochain, une assemblée constituante dont le travail sera soumis à un nouveau référendum, début 2022.

C’est historique car le Chili a toujours été un laboratoire politique, en particulier sous Pinochet, avec les thèses libérales des « Chicago boys », ces économistes qui ont testé au Chili ce qu’on appellera ensuite le « néo-libéralisme ». La Constitution héritée de Pinochet a figé cette situation, empêchant toute réforme structurelle fondamentale.

Ce qui s’est passé dimanche est d’autant plus important que le mouvement social qui a traversé le Chili avait connu un coup d’arrêt avec le coronavirus. Le référendum a montré qu’il avait su passer de la rue aux urnes, une maturité rare.

Le Chili n’est pas le seul à avoir connu un tel mouvement social : au même moment, en 2019, l’Algérie, le Liban, ou Hong Kong connaissaient des mouvements de masse, dans des contextes et avec des revendications différentes, mais avec un point commun : il s’agissait de mouvements issus de la société civile, animés par la jeunesse, sans leader ou avant-garde autoproclamée.

Tous n’ont pas connu les mêmes fortunes. On sait ce qui s’est passé à Hong Kong, avec la chape de plomb imposée par Pékin ; au Liban ou en Algérie, la rue a dicté l’agenda politique mais s’est heurtée à la force d’inertie des pouvoirs. En Irak, les jeunes manifestants se sont fait tirer dessus. Depuis, d’autres pays se sont soulevés, comme la Thailande ou la Biélorussie, illustrant la diversité de ce souffle de révolte.

Ce que le Chili a montré, c’est qu’à un moment, la société civile qui a conquis la rue doit pouvoir passer au plan politique, et la question de la Constitution est venue coaguler tous les espoirs. On n’a pas fini d’écrire l’histoire de ces mouvements sociaux au temps du coronavirus, contrariés, étouffés, mais parfois victorieux.

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CHILI : LA VOIE S'OUVRE POUR UNE CONSTITUTION DÉMOCRATIQUE ET SOCIALE


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UNE DE «L'HUMANITÉ DIMANCHE» 
DU 22 OCTOBRE 2020 — N°729
Dimanche 25 octobre 2020 pourra être considéré comme un jour historique au Chili. Lors du référendum, le peuple chilien a clairement voté pour une nouvelle constitution, il a clairement voté pour effacer définitivement tout lien avec la dictature de Pinochet.
Plus de 78% des électeurs ont voté pour la fin de la constitution qui datait de l'ère Pinochet et 79% ont voté pour que la nouvelle constitution soit construite par une convention constituante formée de citoyens, élus au suffrage universel.

Ce résultat est celui des mouvements sociaux qui ont commencé en octobre 2019, interrompus certes par la crise sanitaire mais qui débouchent aujourd'hui sur une grande victoire qui ouvre la route vers une nouvelle constitution et un nouveau référendum pour l'approuver en 2022.

Le travail va donc se poursuivre pour que cette nouvelle constitution permette les réformes nécessaires pour lutter contre les inégalités sociales, pour se libérer des dogmes néo-libéraux et des privatisations, et pour garantir la souveraineté du peuple chilien.

Ce dimanche est un nouvel espoir pour la démocratie en Amérique latine après la victoire, la semaine dernière, du MAS en Bolivie contre les putschistes.

Le PCF tient à féliciter le peuple chilien de cette victoire. Il apporte son soutien à toutes celles et ceux qui vont maintenant travailler à la construction d'une nouvelle constitution démocratique et sociale.

Le PCF, pleinement solidaire des forces de la gauche de transformation sociale chilienne, restera vigilant devant les tentatives de la droite, de l'extrême droite et du patronat chilien de troubler ce processus populaire.
LOGO PCF

26 octobre, 2020

UN PLÉBISCITE POUR CHANGER L’HISTOIRE AU CHILI

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PHOTO NICOLÁS ALISTE

Paris, 26 octobre 2020. Le plébiscite a été un symbole, soutenu par un peuple qui a fait vibrer le monde entier en restant mobilisé pendant plus d’un an contre vents et marées. Face à lui, un gouvernement du côté de la répression, faisant resurgir les moments les plus sombres de l’histoire du Chili.

 Par Pierre Lebret * (Pour Prensa Latina)

Un mouvement qui a fleuri au printemps (selon l'été austral), a mûri en été et ne s’est pas affaibli malgré la pandémie. Le 25 octobre 2020 restera dans la mémoire collective comme le jour où des millions de femmes et d’hommes ont pris le contrôle de leur destin au Chili. Ce fut aussi un hommage aux disparus de la dictature, aux morts, aux blessés d’hier et d’aujourd’hui.

La cristallisation de ce soulèvement a également été le résultat de la conjonction de nombreuses révoltes, celles des étudiants de 2006 et 2011, celles du droit à la santé, celles des peuples indigènes. Le capitalisme démoniaque mis en place par les Chicago Boys prend la voie de l’effondrement.

Ce vote historique, ce 'Apruebo' (J´Approuve) avec plus de 78 % des suffrages valides, est une répudiation péremptoire contre le modèle néolibéral, source de toutes les inégalités subies par le peuple chilien. C’est le désir d’enterrer les enclaves autoritaires imposées par Augusto Pinochet qui ont structuré la vie politique, institutionnelle, économique et sociale pendant 47 ans.

Le référendum est donc un premier pas, un grand pas en avant. Ensuite viendra l’élection de ceux qui rédigeront cette nouvelle constitution, à travers le mécanisme acclamé de la Convention Constitutionnelle, qui sera paritaire, une première mondiale!

Malgré la crise sanitaire et la répression systématique, la démocratie fleurit. Après la Bolivie et le Chili, bientôt l’Équateur ? Il est évident que l’Amérique Latine se trouve à un tournant stratégique de son histoire pour la démocratie, les droits de l’Homme et la justice sociale.

Les gens ne veulent plus revenir en arrière, ils ne veulent plus des années sombres. En ces heures d’espérance, il est temps de reprendre ce chant universel de Victor Jara, 'pour le droit de vivre en paix...'.

peo/arb/pl

*Expert français de la coopération internationale et spécialiste de l’Amérique Latine

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À LA UNE: AU CHILI, VICTOIRE DU «APRUEBO» AU RÉFÉRENDUM

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Les Chiliens sont descendus dans les rues de Valparaiso après
les résultats du référendum en faveur du changement de
la Constitution chilienne, le 25 octobre 2020.
PHOTO REUTERS/Rodrigo Garrido

Les Chiliens ont voté dimanche à une très forte majorité, plus de 78%, pour qu’une nouvelle Constitution remplace celle héritée du dictateur Augusto Pinochet. « Le Chili a dit oui », titre en Une La Estrella, au-dessus de la photo d’un manifestant entouré de danseurs, et brandissant un drapeau barré d’un immense A, comme « Apruebo », « J’approuve ».

par Christophe Paget

de son côté El Mercurio couvre sa Une d’une seule photo, une forêt de Chiliens vus de dos, avec l’un d’entre eux qui brandit le drapeau cette fois du Chili. Une photo qui permet au journal d’insister en titre sur le caractère « écrasant » et donc incontestable de cette victoire. Avec parfois des pointes impressionnantes : 86% des voix à Atacama, dans le nord, le plus gros score du « oui » pour une moyenne nationale de 78%, rapporte le journal local El Diario de Atacama.

Avec ce « triomphe » note La Tercera, c’est le début d’une nouvelle étape pour le Chili, d’autant plus que, souligne le journal, ce vote est celui auquel ont participé le plus d’électeurs depuis le retour de la démocratie, avec une participation particulièrement importante des jeunes souligne La Tercera. Du coup, affirme La Tercera : « Il en va maintenant de la responsabilité de tous les secteurs concernés que le processus qui commence ne déçoive pas les attentes que les citoyens ont confié à ce referendum ».

Les thèmes de la « Convention constituante »

Et La Tercera de passer en revue « les principaux débats qui attendent la Convention constituante », qui doit établir cette nouvelle Constitution que les Chiliens demandent ; une convention qui se tiendrait, croit savoir le journal, « entre le 19 avril et le 14 mai » 2021.

Pour le journal il va falloir parler droits sociaux – santé, logement, éducation et retraites, au cœur des manifestations de l’an dernier qui ont abouti à ce referendum. Au menu également selon La Tercera : la réduction du pouvoir présidentiel, pour en donner plus – mais pas tout – au Congrès, qui pourrait dans la foulée passer de deux chambres à une seule ; la décentralisation du pays ; la reconnaissance des peuples autochtones - en Amérique du Sud seuls le Chili, l’Uruguay et le Surinam ne reconnaissent pas explicitement les peuples indigènes.

El Diario Financiero de son côté tempère quelque peu les enthousiasmes.D’abord en interviewant l’écrivain et éditorialiste vénézuélien Moisés Naim, pour qui « certains des nombreux problèmes du Chili n’ont rien à voir avec la Constitution ». « La Constitution », estime-t-il, « ne peut pas être un arbre de Nöel sous le quel tout le monde place ses désirs (…) : il faut protéger la démocratie contre les excès du populisme, de la démagogie et des promesses faciles à faire et difficiles à réaliser ».

Pour cela, estime El Diario Financiero dans un éditorial, les citoyens « doivent absolument récupérer la capacité de dialogue qui a souvent été perdue pendant une campagne qui s’est plus concentrée sur la division quez l’union ». Emol note d’ailleurs que les dirigeants de l’opposition, s’ils « ont appelé à l’unité pour la convention constituante », ont fêté hier la victoire hier séparément… « Ce qui vient sera au moins aussi intense que ce qui s’est déjà déroulé », analysent Las Ultimas Noticias : « nous allons passer d’un scénario politique polarisé à un autre extrêmement fragmenté».


LES CHILIENS ENTERRENT LA CONSTITUTION DE PINOCHET AVEC UNE ÉCRASANTE MAJORITÉ

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PHOTO NICOLÁS ALISTE




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Les Chiliens ont massivement voté ce dimanche pour un changement de Constitution, un an après l'éclatement d'un soulèvement social d'une ampleur inédite contre les inégalités.


LE CHILI AURA UNE NOUVELLE CONSTITUTION RÉDIGÉE PAR DES CITOYENS

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PHOTO AFP

Le Chili a liquidé les derniers vestiges de l'ère Pinochet en plébiscitant dimanche la fin de la Constitution rédigée sous la dictature, qui sera remplacée par une nouvelle Loi fondamentale écrite par une Convention citoyenne.

Courrier international

Le vote en faveur d'une nouvelle Constitution l'a emporté de manière écrasante, avec plus de 78,2% des votes, selon des résultats quasi définitifs. Les suffrages contre s'élèvent à 21,7%.

La participation au scrutin, organisé en pleine pandémie de coronavirus, est, en revanche, restée stable comparativement aux précédentes consultations électorales. En 2017, 49% des électeurs s'étaient déplacés pour la dernière présidentielle.

Un an jour pour jour après une mobilisation historique dans le centre de Santiago qui avait réuni 1,2 million de personnes pour une société plus égalitaire, des milliers de Chiliens sont descendus dimanche à nouveau dans la rue fêter le résultat de la consultation.

"Adios general!", a chanté la foule en liesse, en référence à un des hymnes de l'opposition à la dictature d'Augusto Pinochet (1973-1990). "Les jeunes vont changer l'histoire", pouvait-on lire sur une grande banderole.

"Je suis heureuse de sentir que le peuple a enfin fait entendre sa voix", a déclaré à l'AFP Carolina Matinez, une secrétaire de 58 ans, au lendemain du scrutin.

Nombre de Chiliens comparaient le triomphe dimanche de l'"Apruebo" (J'approuve) avec la victoire du "Non" lors d'un autre référendum historique en 1988 qui avait mis fin au régime militaire.

Remplacer la Constitution était une des revendications des manifestations pour une société plus juste, surgies après une flambée de violences le 18 octobre 2019 contre une augmentation du prix du ticket de métro à Santiago.

En limitant fortement l'action de l'État et en promouvant l'activité privée dans tous les secteurs, notamment l'éducation, la santé et les retraites, la Loi fondamentale actuelle était accusée de freiner toute réforme sociale de fond et d'entretenir de fortes inégalités.

- "Souveraineté populaire" -

Si la victoire en faveur d'une nouvelle Constitution est un camouflet pour le président conservateur Sebastian Piñera, dont une partie de la coalition de droite a fait campagne pour le "Rechazo" (Je rejette), il témoigne aussi de la défiance générale manifestée depuis un an envers l'ensemble de la classe politique.

Outre un changement de Constitution, les électeurs ont opté pour que la nouvelle Loi fondamentale soit rédigée par une "Convention constitutionnelle" composée uniquement de citoyens élus à cette fin.

L'autre option était une "Convention mixte" composée pour moitié de citoyens et de parlementaires déjà en poste, une proposition rejetée à plus de 79%.

La nouvelle assemblée constituante sera composée de 155 citoyens et comportera autant d'hommes que de femmes, qui seront élus en avril 2021.

Elle aura un an pour rédiger la nouvelle Constitution dont chaque clause devra être approuvée par les deux tiers de ses membres. Le nouveau texte sera soumis à nouveau à référendum en 2022.

Selon Marcelo Mella, politologue à l'Université de Santiago, le choix de s'en remettre à une Convention 100% citoyenne doit être considérée "comme une revendication de souveraineté populaire".

Les Chiliens souhaitent "avoir plus de poids dans les processus (politiques) et retirer aux partis le rôle hégémonique qu'ils ont eu pendant trois décennies et qui a conduit au maintien d'un statu quo institutionnel", ajoute-t-il.

Après une année de crise sociale, à laquelle se sont ajoutées les conséquences économiques de la pandémie de coronavirus qui a durement frappé le pays de 18 millions d'habitants avec plus de 500.000 contaminations et 14.000 décès, les Chiliens savent que la situation ne va pas s'améliorer dans l'immédiat.

"Il y a de l'incertitude sur ce qu'il va se passer, parce que malgré la grande victoire de l'+Apruebo+ qu'espérait la majorité des gens, cela ne signifie pas que tous les problèmes vont être réglés tout de suite", a déclaré à l'AFP Andrés Castro, un gérant d'entreprises de 33 ans, actuellement sans emploi.

"Dans un contexte de hausse du chômage et d'une croissance" économique en berne en raison de la pandémie, "le malaise va perdurer", met en garde Mauricio Morales, spécialiste des élections à l'Université de Talca, qui n'exclut pas des flambées épisodiques de violences.

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« IL N'Y A PAS DE PAPIER TOILETTE »
PHOTO RICARDO VALENZUELA 

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23 octobre, 2020

AU CHILI, UN RÉFÉRENDUM POUR SOLDER L’HÉRITAGE D’AUGUSTO PINOCHET

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PHOTO IVAN ALVARADO/REUTERS

Dimanche, 14,7 millions de Chiliens sont invités à décider du sort de la Constitution héritée de la dictature. 
«NOUVELLE CONSTITUTION» 
DESSIN CAIOZZAMA
Gel hydroalcoolique, masque, carte d’identité et stylo à encre bleue. Tels sont les objets dont les quelque 14,7 millions d’électeurs chiliens devront se munir pour indiquer, dimanche, lors d’un référendum, s’ils approuvent un changement de Constitution. Le cas échéant, ils auront à choisir l’organe chargé de rédiger la nouvelle loi fondamentale en optant soit pour une «convention constituante», composée de citoyens élus dans ce but, soit pour une «convention mixte», comprenant parlementaires en exercice et citoyens.

L’annonce de ce scrutin avait constitué, il y a un an, une tentative de sortie de crise à la révolte sociale agitant le Chili. Le pays andin s’était embrasé le 18 octobre 2019. Manifestations massives, mais aussi destructions, pillages et violences: l’augmentation du prix du ticket de métro avait été le détonateur du plus grand mouvement de contestation depuis la fin de la dictature (1973-1990). Plusieurs milliers de personnes avaient été blessées et une trentaine d’autres avaient perdu la vie en marge des rassemblements qui ont duré jusqu’à début mars, stoppés par l’arrivée du coronavirus.
« Dimanche sera un jour historique pour notre pays, car pour la première fois on confiera aux citoyens, mais aussi aux citoyennes, la possibilité de rédiger une Constitution.» Janet Abarca, serveuse
Considérée par beaucoup comme le creuset des inégalités sociales, l’actuelle loi fondamentale cristallise les demandes des manifestants. Au Chili, l’éducation supérieure, les retraites ou encore l’accès à l’eau sont privatisés. «La Constitution a été adoptée en 1980 par le régime de Pinochet via un simulacre de référendum organisé sans listes électorales, sans tribunaux et sans publicité, se souvient Javier Couso, docteur en droit à l’université Diego-Portales, à Santiago. Elle consacre un néolibéralisme radical qui serait inimaginable aux États-Unis ou en Grande-Bretagne, cantonnant ici l’État à un rôle subsidiaire.»

Le rétablissement de la démocratie n’a pas permis de modifier les fondations de la Constitution, malgré de multiples réformes. La faute en revient à des quorums très élevés - deux tiers ou trois cinquième du Congrès -, figeant toute initiative de transformation du modèle chilien. «Aujourd’hui encore, la grève dans le secteur public est inconstitutionnelle, tout comme la négociation des accords collectifs par branche, alors que seule l’armée peut bénéficier d’un système public de retraites», ajoute Javier Couso. Ces dernières années, les rejets par le Tribunal constitutionnel de réformes emblématiques, portant notamment sur une meilleure défense des droits des consommateurs ou une protection accrue des salariés, ont achevé de convaincre les Chiliens de tourner le dos au document de 1980.

Églises brûlées

«On veut en finir avec la Constitution de Pinochet», lance Janet Abarca, déterminée. Cette serveuse, sans emploi à cause de la pandémie, est venue grossir les rangs du cortège présent jeudi soir devant le palais présidentiel de La Moneda, à l’occasion de la fin de la campagne du référendum. «Dimanche sera un jour historique pour notre pays, car pour la première fois on confiera aux citoyens, mais aussi aux citoyennes, la possibilité de rédiger une Constitution», relève la quadragénaire. En cas de victoire du «oui», crédité de plus de 60% des intentions de vote, le Chili pourrait être le premier pays au monde à se lancer dans un processus constitutionnel orchestré par une assemblée composée, à parts égales, d’hommes et de femmes.

Le scrutin de dimanche ne sera pas un aboutissement, mais plutôt le début d’une course d’obstacles. En avril prochain, les électeurs seront appelés à choisir leurs représentants pour la Constituante et, en 2022, devront ratifier la nouvelle Constitution lors d’un second référendum. «Les résistances seront nombreuses, pronostique le politologue Claudio Fuentes. En avril, la droite conservatrice, qui a déjà intégré la défaite du “non” ce dimanche, pourrait tenir le stylo du futur texte fondamental en bénéficiant de la fragmentation des partis de gauche, accentuée par la présence de candidats indépendants. Cela pourrait générer beaucoup de frustrations…»
En marge des rassemblements pacifiques, de nombreux actes de dégradation et de violence ont été observés dans plusieurs villes du pays
Avec seulement 15% d’opinions favorables, le président conservateur Sebastian Pinera - qui ne s’est pas prononcé publiquement sur son choix - devra composer avec un mécontentement social toujours vif. Dimanche dernier, des milliers de Chiliens sont sortis dans la rue pour célébrer le premier anniversaire du mouvement. Églises brûlées, magasins pillés, attaques de commissariats… En marge des rassemblements pacifiques, de nombreux actes de dégradation et de violence ont été observés dans plusieurs villes du pays.

Les autorités s’attendent à de nouveaux troubles dimanche. «Cela pourrait faire diminuer la participation, estime Mario Herrera, chercheur en science politique à l’université de Talca. Les personnes âgées, vulnérables face à la pandémie et plus sensibles à la violence, se mobiliseront probablement moins.»
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PHOTO CLAUDIO REYES - AFP