[ Cliquez sur l'image pour l'agrandir ]
PHOTO ALAN LOQUET |
À quelques jours du premier anniversaire du mouvement social contre les inégalités, les violences policières sont en recrudescence. La défiance des Chiliens envers les carabiniers atteint des records.
PHOTO SEBASTIAN SILVA / EPA |
Un corps inerte, la tête immergée dans le fleuve Mapocho, à Santiago-du-Chili. La photo de cet adolescent âgé de 16 ans a choqué tout un pays. Le 2 octobre, Anthony a chuté de plus de sept mètres, poussé du haut d’un pont par un carabinier. Si les jours du jeune homme ne sont pas menacés, son cas a suscité l’indignation.
L’agent, mis en examen pour tentative d’homicide et non-assistance à personne en danger, a été placé en détention provisoire. Le parquet accuse aussi les forces de l’ordre d’entrave à la justice et de faux témoignages. Cette affaire n’a pas redoré le blason d’une institution aujourd’hui vertement critiquée par la population.
« Je crains la police »
La bascule s’opère le 18 octobre 2019, date à laquelle débute un mouvement social sans précédent contre les inégalités. En marge des manifestations, les policiers du Chili enchaînent les bavures, du nord au sud du pays. Torture, mauvais traitements, viols , violence intentionnelle , sévices, passages à tabac … Depuis un an, les rapports cinglants s’accumulent, d’Amnesty international à Human Rights Watch en passant par l’Onu.
Ai-je encore confiance dans la police, feint de s’interroger Nahuel Herane. Non. Je la crains. Ce lycéen a perdu l’usage de son œil gauche, en décembre. Je manifestais pacifiquement dans mon quartier, à Santiago, quand j’ai été touché par sept balles en caoutchouc tirées par les carabiniers. Il fait partie des 460 Chiliens à avoir subi des blessures oculaires.
En l’espace d’une année, le parquet chilien comptabilise 8 575 victimes associées à de présumées violations des droits de l’homme. À mesure que le pays se déconfine, les rassemblements se font toujours plus nombreux chaque semaine, alors que se profilent le premier anniversaire de la fronde sociale et le référendum, le 25 octobre, portant sur un changement de Constitution.
« Les carabiniers au bord du précipice »
Les carabiniers sont au bord du précipice, analyse Eduardo Vergara, directeur du think-tank Chile21. Il leur est impossible de maintenir l’ordre sans violer les droits de l’homme. En un an, rien n’a changé. Les bavures ont toujours existé, mais le mouvement social a agi comme un révélateur.
À entendre cet ancien responsable de la sécurité publique au ministère de l’Intérieur, les politiques ont manqué de courage pour réformer. La police a longtemps été l’institution publique la plus respectée du pays. Les récents scandales de corruption, de fausses déclarations et de destructions de preuves ont changé la donne.
Prompt à soutenir les carabiniers, le président conservateur Sebastián Piñera s’est résolu, vendredi 9 octobre 2020, à créer une commission pour accélérer la modernisation de l’institution. Une évolution notable pour celui qui, en deux ans, a changé les têtes – trois ministres de l’Intérieur et trois directeurs de la police –, mais pas les pratiques. Le temps presse : selon un récent sondage, près des deux tiers des Chiliens disent ne plus avoir confiance en leurs policiers.
LIBÉRATION DES PRISONNIERS POLITIQUES |
SUR LE MÊME SUJET :