CAPTURE D'ÉCRAN |
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Un flashmob fut organisé dans la gare centrale de Stockholm (Stockholms centralstation, ou Centralen), le mercredi 30 octobre 2019.
CAPTURE D'ÉCRAN |
Un flashmob fut organisé dans la gare centrale de Stockholm (Stockholms centralstation, ou Centralen), le mercredi 30 octobre 2019.
Santiago ayant annoncé l’annulation du sommet de l’APEC et de la conférence sur le climat, COP 25, qu’il devait organiser dans les prochains mois, l’APEC a publié un communiqué où elle «soutient la décision du Chili» et déclare que «le prochain sommet de l'APEC en 2020» aura lieu en Malaisie.
PHOTO CZAR DANCEL
« La sécurité du peuple chilien et des économies participantes est la grande priorité de l’APEC. Cela étant, le secrétariat de l’APEC soutient la décision du Chili de reporter l’organisation de la semaine des dirigeants économiques de l’APEC », indique le communiqué.
« Tous les membres de l’APEC continueront de travailler sur cet ordre du jour important afin de se convaincre que toutes les communautés de la région Asie-Pacifique profitent de la croissance économique et de l’intégration », note encore le communiqué.
Les InrockuptiblesDans les rues du Chili, depuis que la révolte contre les inégalités a éclaté, les manifestants reprennent des chants de luttes sociales datant de l'Unité populaire, et c'est très beau.
À SANTIAGO, UN GROUPE DE GUITARISTES REPREND
« EL DERECHO DE VIVIR EN PAZ » DE VICTOR JARA
(CAPTURE D'ÉCRAN VIA FACEBOOK DE PATO ZURA)
A Chilean orchestra gave an open-air performance of "El pueblo unido, jamás será vencido!" ("The people united will never be defeated") in Santiago.
The song was written in 1973, only months before the violent coup by dictator Augusto Pinochet, who assumed power in September. pic.twitter.com/EYgn7U1XA3
— redfish (@redfishstream) 28 octobre 2019
Grandísima @camilamoreno_ mandando un mensaje al pueblo chileno.— Spanish Revolution (@spanishrevorg) 26 octobre 2019
"¡Estamos poniendo el futuro de nuestros hijos, estamos poniendo el futuro de nuestros nietos!!".
👏👏 pic.twitter.com/JWjh9ztFnS
LE MERCREDI 30 OCTOBRE 2019: APPEL À LA GRÈVE GÉNÉRALE |
Nouvelle journée de protestations au Chili contre le modèle économique.Cutchile.cl et #UnidadSocial convoquent à une journée de grève générale et annoncent la continuité des mobilisations : « Ici le débat n’est pas sur nombre des ministres, (…) le débat de fond doit porter sur les revendications », a tweeté lundi soir la Centrale unitaire des travailleurs (CUT), la principale confédération syndicale du Chili, qui a appelé à un arrêt de travail, comme une vingtaine d'autres organisations de travailleurs et d'étudiants.
L’ex-dissident soviétique Vladimir Boukovski est décédé dimanche dans un hôpital de Cambridge, au Royaume-Uni. Né en 1942, il s’engage, dans les années 1960, avec plusieurs intellectuels, contre le système soviétique et le retour à la glaciation de Leonid Brejnev.
VLADIMIR BOUKOVSKI À CAMBRIDGE, EN DÉCEMBRE 2016.
PHOTO JUSTIN TALLIS
VLADIMIR BOUKOVSKI PHOTO ALAMY |
UNE DE « LIBÉRATION » DU 18/12/1976. |
[ Cliquez sur l'image pour l'agrandir ]Le président annonce un remaniement de son exécutif, afin d’endiguer la colère populaire, après la manifestation monstre de vendredi.
DESSIN ENEKO LAS HERAS
« JE SUIS EMPRISONNÉ POUR AVOIR REFUSÉ DE TIRER SUR LE PEUPLE CHILIEN » DESSIN MAX FEITO |
Il s’appelle David Veloso et appartient à la 3ème Brigade cuirassée, La Concepcion, basée à Antofagasta. Le 20 octobre, ce Chilien de 21 ans s’est retrouvé en prison pour avoir jeté son fusil à terre, la veille. Alors que sa hiérarchie lui intimait l’ordre de partir à Santiago, la capitale, David Veloso a refusé de participer à l’arsenal répressif – état d’urgence, couvre-feu – mis en place par l’exécutif du président Sebastian Piñera afin de contenir le soulèvement populaire qui agite le pays austral depuis le 17 octobre.
DAVID VELOSO CODOCEDOET SA FAMILLE |
PHOTO PABLO SANHUEZA / REUTERS |
Plus d’un million de manifestants se sont rassemblés vendredi à Santiago, en dépit de la répression.
« La plus grande manifestation du Chili. » C’est ainsi que restera, dans les mémoires, le rassemblement de ce vendredi 25 octobre à Santiago, où plus de 1,2 million de personnes ont gagné la plaza Italia et l’Alameda, l’avenue qui mène au palais présidentiel.
Par Aude Villiers-Moriamé (Santiago, envoyée spéciale)
Temps de Lecture 5 min.
« c’est la première fois que l’on voit ça depuis la manifestation pour le non au référendum de Pinochet, en 1988 », souligne Julio Pinto, historien de l’université de Santiago du Chili. À l’époque, plus de 1 million de personnes étaient descendues dans les rues de la capitale pour exiger la fin de la dictature militaire (1973-1990), à la veille d’un référendum pour décider du maintien ou non au pouvoir du général Augusto Pinochet. Ce vendredi, alors que le mouvement social dure depuis déjà une semaine, Santiago a connu sa journée la plus intense de mobilisation sociale. « Cela montre bien l’ampleur du mécontentement, qui ne faiblit pas », note M. Pinto.
« Trop de demandes urgentes »
Pour Marta Lagos, analyste politique et fondatrice de l’institut de sondages Latinobarometro, « une porte s’est ouverte, et elle ne va pas se refermer de sitôt. La société chilienne a accumulé trop de demandes urgentes ». Dans un pays où 1 % de la population, une poignée de milliardaires – parmi lesquels figure le président de droite Sebastian Piñera –, concentre près du tiers des richesses, « l’indignation et le malaise se sont profondément accentués », indique Marco Kremerman, économiste de la Fondation Sol.
MANIFESTATION CONTRE LE MODÈLE ÉCONOMIQUE CHILIEN À SANTIAGO, LE 21 OCTOBRE 2019. PHOTO EDGARD GARRIDO / REUTERS |
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Vu de loin, tous les voyants économiques du Chili, réputé l’un des plus stables d’Amérique du Sud, pourraient sembler au vert : croissance ininterrompue depuis trente ans, taux de pauvreté de 8 % – contre 35 % en Argentine – faible inflation… « Mais ce qu’il faut se demander, c’est à qui bénéficie vraiment la croissance… L’économie chilienne paraît prospère, mais les salaires ne sont pas du tout alignés sur le coût de la vie », analyse Marco Kremerman. Au Chili, la moitié des travailleurs gagne 400 000 pesos (500 euros) ou moins par mois, « alors que le coût de la vie y est équivalent à celui d’un pays européen », explique l’économiste. « Ces dernières années, un problème s’est aussi particulièrement aggravé : celui de l’endettement de la population. Sur 14 millions d’adultes, plus de 11 millions sont endettés. »
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PHOTOMONTAGE DU PRÉSIDENT CHILIEN SEBASTIAN PIÑERA (GAUCHE ) ET DU DÉFUNT DICTATEUR AUGUSTO PINOCHET, LORS D’UNE MARCHE À SANTIAGO PHOTO PABLO VERA |
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C’est le cas de José Quezada. Ce Chilien de 21 ans a contracté une dette de 30 millions de pesos (plus de 37 000 euros) pour financer ses six ans d’études en génie civil, dans une université privée de la capitale. Il manifestait plaza Italia, ce mardi, le visage blanchi par l’eau bicarbonatée, afin de contrer les effets du gaz lacrymogène. « Cela va probablement me prendre plusieurs décennies pour tout rembourser, déplore le jeune homme. J’ai grandi en sachant qu’il fallait s’endetter pour étudier, puis qu’il fallait travailler dur pour rembourser son prêt, puis qu’on allait avoir une retraite misérable. »
PHOTO PEDRO UGARTE / AFP |
Des manifestants brandissent des panneaux reprenant leurs revendications, le 24 octobre à Santiago.
L’éducation, la santé, les retraites… et même l’eau : tout est privatisé au Chili. Le système de retraite, qui fonctionne par capitalisation individuelle auprès de fonds de pension privés, ne permet pas à l’immense majorité des personnes âgées de vivre dignement. Magdalena Cid, la soixantaine, touche 250 000 pesos (310 euros) par mois. « C’est déjà beaucoup, j’ai presque honte de le dire. Mais le fait est que je ne peux pas payer mon loyer, qui s’élève à 260 000 pesos, avec ça. Au lieu de profiter de ma retraite, je dois continuer à travailler ! s’indigne la sexagénaire, qui a un petit boulot de vendeuse pour subvenir à ses besoins. Pour l’instant, ça va, mais je ne sais pas ce que je ferai lorsque ma santé ne me permettra plus de travailler. » Magdalena Cid soutient entièrement le mouvement contre les inégalités sociales, et attend du gouvernement chilien des réformes profondes.
« Avec ces mesures, le gouvernement a poussé plus loin encore l’idée d’un Etat néolibéral qui subventionne des entreprises privées. Ce n’est pas du tout un changement de paradigme »
Le président Sebastian Piñera a annoncé mardi soir une longue série de mesures, comprenant notamment une hausse de 20 % du minimum retraite. « Cela peut sembler beaucoup, mais si l’on part d’un montant très bas, c’est-à-dire 110 000 pesos [136 euros], 20 % d’augmentation représente très peu d’argent supplémentaire », fait remarquer l’économiste Marco Kremerman. Le gouvernement chilien a aussi fixé un seuil de revenu minimum de 350 000 pesos, s’engageant à compléter les revenus des salariés travaillant dans des entreprises qui ne pourraient pas leur verser ce montant. « Avec ces mesures, le gouvernement a poussé plus loin encore l’idée d’un Etat néolibéral qui subventionne des entreprises privées. Ce n’est pas du tout un changement de paradigme », estime le chercheur.
Pour l’analyste politique Marta Lagos, « les mesures du gouvernement auraient été applaudies il y a un mois. Mais le Chili de cette époque a cessé d’exister ». Les manifestants réclament aujourd’hui un virage à 180 degrés. « Et M. Piñera ne se montre pas à la hauteur.»
PHOTO IVAN ALVARADO / REUTERS |
D’abord provoquée par la hausse du coût de la vie dans le pays – et en particulier par l’augmentation, annulée depuis, du prix du ticket de métro à Santiago –, la colère des Chiliens s’étend aujourd’hui à la réponse disproportionnée du gouvernement face au mouvement social. « Faire appel à l’armée, qui n’est pas préparée à maintenir l’ordre dans la société civile, a été une grande erreur », affirme l’historien Julio Pinto. Selon l’Institut national des droits humains (INDH), organisme public indépendant, plus de 3 000 personnes ont été arrêtées en une semaine, et près de 400 blessées par arme à feu. Un bilan provisoire fait état de 19 morts.
« Un climat de peur »
Au moins cinq de ces personnes auraient été tuées par les forces de l’ordre, selon l’INDH, qui recense une quinzaine de cas de violences sexuelles. Michelle Bachelet, ex-présidente socialiste du Chili, haute-commissaire aux droits de l’homme de l’ONU, a annoncé qu’une commission se rendrait lundi dans le pays pour enquêter sur les allégations de violations des droits de l’homme.
Plaza Italia, José Quezada brandit une pancarte sur laquelle il a écrit « El derecho de vivir en paz » (le droit de vivre en paix), en référence à la chanson de Victor Jara, assassiné dans les jours suivant le coup d’Etat militaire de septembre 1973. Ces derniers jours, elle est devenue l’hymne des manifestants contre les violences policières, résonnant de balcon en balcon dès les premières minutes du couvre-feu, instauré depuis sept nuits consécutives dans de nombreuses villes du pays.
« NOUS SOMMES EN GUERRE... CONTRE LE PEUPLE! » #EstoPasaEnChile |
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« Nous, les Chiliens, pensions que le respect des droits de l’homme était un sujet résolu, un acquis définitif de la démocratie, indique Julio Pinto. Le gouvernement Piñera a voulu instaurer un climat de peur. » C’était sans compter sur la capacité de mobilisation des jeunes Chiliens, en première ligne dans ce mouvement de contestation sociale. « Nos parents ont connu le coup d’Etat et la dictature, déclarait Carla Rojas, étudiante de 26 ans, dimanche 20 octobre, lors d’une grande manifestation pacifique plaza Nuñoa. Mais nous, non, alors nous n’avons pas peur du couvre-feu, ni de sortir dans les rues pour manifester comme il se doit ! » Aude Villiers-Moriamé(Santiago, envoyée spéciale)
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ILLUSTRATION A L'ENCONTRE
L’augmentation des tarifs du métro – principal moyen de transport public dans la capitale chilienne – et les déclarations insultantes des ministres sur les besoins sociaux ont été la goutte qui a fait déborder le vase dans la société chilienne. Avec elles, ont commencé les manifestations il y a plus d’une semaine dans les rues de plusieurs villes du pays.
«Ce ne sont pas 30 pesos [l’augmentation du billet de métro a été fixée à 830 pesos aux heures de pointe, soit plus d’un euro], ce sont 30 ans.» C’est ce que dit l’un des multiples messages, devenu viral sur les réseaux sociaux, en référence à l’augmentation de 30 pesos du prix du métro et aux 30 ans de «transition vers la démocratie». Une transition convenue entre les partis politiques (tous, sauf le Parti communiste, qui à l’époque était encore illégal) et le régime militaire et qui fut approuvée lors du plébiscite sur la réforme de la Constitution de 1989. C’est précisément cette démocratie convenue, ce pacte d’une démocratie sous tutelle et menottée aux piliers dictatoriaux inscrits dans la Constitution de Pinochet, encore en vigueur dans le pays, qui est à l’origine de l’énorme malaise contenu, qui explose maintenant avec une force inhabituelle.
La surexploitation de la main-d’œuvre, avec des salaires bas contenus par le déni de toute négociation collective sectorielle et des entraves au droit de grève; la privatisation des ressources naturelles et ce cas unique dans le monde où l’eau est un bien privé; l’absence d’un système de sécurité sociale qui s’exprime dans la gestion privée et lucrative de l’épargne individuelle des retraites par les administrateurs des fonds de pension fonctionnant par capitalisation individuelle (AFP); le démantèlement de l’enseignement public et l’énorme endettement pour éducation qui limite l’accès à l’enseignement supérieur sont quelques-uns des piliers d’un système issu de la dictature et qui sont maintenus et consolidés par les gouvernements du duopole [duopolio] [1] avec, comme résultat, un Chili affichant des indices macroéconomiques qui le placent dans le club des pays à revenu élevé, mais avec des inégalités énormes, insoutenables.
Cette inégalité n’est pas seulement économique, elle est aussi d’ordre juridique. La consolidation progressive d’une justice pour les pauvres et d’une autre pour les riches s’exprime très souvent dans les amnisties fiscales récurrentes [perdonazos tributarios] et les pénalités dérisoires pour l’élite économique et politique. Aucune des personnes récemment reconnues coupables de financement illégal de partis ou de collusion d’entreprises avec des partis n’a été condamnée à une peine d’emprisonnement, mais seulement à des amendes beaucoup moins élevées que les gains issus du crime. La figure du président de la république (Sebastián Piñera) reflète cette réalité: un homme d’affaires qui a fait fortune grâce à l’évasion fiscale et qui n’a jamais payé pour cela.
Une lueur d’espoir?
Et puis ont commencé les «évasions du métro» [prendre le métro sans payer le ticket, en sautant par-dessus les portillons] par les lycéens, les mêmes acteurs de la révolution des pingouins de 2006 [référence à la couleur des uniformes, manifestations convoquées par les étudiants du secondaire contre la privatisation de l’éducation] et du mouvement étudiant de 2011 ont été les protagonistes des premières manifestations, des manifestations qui se sont ensuite étendues à de larges secteurs de la population et à toutes les régions du pays.
L’explosion sociale de ces jours d’octobre exprime la rage accumulée depuis si longtemps, et pour bien des raisons. C’est une rage contre les abus, contre l’injustice quotidienne et contre la frustration du bien-être que la consommation est censée nous apporter mais qui n’existe pas; car la vérité est que «le modèle» prend appui sur la base d’une pression énorme et constante sur les travailleurs et les familles qui s’endettent pour satisfaire les besoins les plus fondamentaux. Comme l’ont déclaré de nombreux universitaires et spécialistes ces jours-ci, la pression était déjà excessive et ne pouvait qu’exploser: «Les élites ont trop serré l’étau.»
L’absence de légitimité de l’autorité de l’Etat se manifeste aujourd’hui par le mépris du couvre-feu [l’état d’urgence a été déclaré le vendredi 18 octobre]: les quartiers ont continué à manifester leur rejet de la militarisation et de la criminalisation de la contestation sociale. Et cela semble être une lueur d’espoir, on peut sortir de cette crise en faisant un pas vers une plus grande justice sociale.
Mais le contraire peut aussi se produire. La protestation populaire est désorganisée, tout comme l’explosion de rage. Elle n’a pas de direction claire, pas de programme de revendications et aucun acteur politique, pas même les partis traditionnels de gauche [Parti communiste] ou les nouveaux [Frente Amplio, Front élargi] n’ont de légitimité pour s’ériger en représentants de ce malaise.
Le plus inquiétant est que la gestion de la crise faite par les élites, que ce soit par incapacité ou de manière délibérée, cherche à créer un scénario de chaos et à construire un ennemi interne, un fantôme qui permettrait de justifier un «état de guerre», de rétablir l’ordre public comme objectif supérieur auquel pouvoir subordonner toute autre exigence populaire légitime. Les déclarations initiales de Piñera, qui proclame «nous sommes en guerre», ne peuvent être plus éloquentes sur cette volonté de mettre fin à la protestation populaire par la force [2].
Dans cette même optique, les médias apportent une fois de plus une contribution inestimable au gouvernement en mettant exclusivement l’accent sur le pillage, propageant ainsi un sentiment d’insécurité dans les mêmes quartiers qui se soulèvent, alimentant ainsi la version officielle du conflit. Le résultat prévisible d’une telle insistance est une situation politique nationale dans laquelle l’ultra-droite est renforcée et la crise structurelle est désactivée, ne serait-ce que temporairement, avec un nombre élevé de morts [3].
Au cinquième jour des manifestations de masse, la protestation ne semble pas encore avoir une direction claire. Tout reste à définir. Les convocations des étudiantes et de la coordonnatrice féministe 8M [8 mars, Journée internationale pour les droits des femmes] à se mobiliser, les grèves des travailleuses portuaires et du secteur minier déjà en cours, les appels à des grèves sectorielles et générales dans les jours à venir seront décisifs pour la suite des événements [autrement dit, les mobilisations appelées par diverses forces pour la fin de la semaine].
Les acteurs déjà constitués et qui ont joué un rôle de premier plan dans les revendications structurelles de la population ces dernières années, comme le mouvement pour les retraites, l’éducation publique, la santé, la réappropriation de l’eau, entre autres, ont la possibilité de devenir les représentants socialement légitimes pour présenter un programme minimum et une feuille de route, avec les forces politiques anti-néolibérales, en permettant une sortie vers plus de justice sociale ou, autrement dit, mettre fin à l’héritage dictatorial. Il reste à savoir si nous serons en mesure d’aller de l’avant, d’aller plus loin. (Article publié dans l’hebdomadaire Brecha, le 24 octobre 2019; traduction par Ruben Navarro pour A l’Encontre)
Karol Morales, sociologue chilienne travaillant à l’Institut de recherche universitaire pour le développement social durable de l’Université de Cadix et membre de la Coordinadora No Más Afp [association qui milite contre les retraites gérées par des fonds de pension et pour un système de retraites par répartition, géré par l’État].
Notes :
[1] Il est fait référence aux deux coalitions de partis politiques [la droite, Alianza por Chile, et l’ancienne Concertación de centre-gauche] qui ont participé aux pactes de transition et garanti l’administration du modèle hérité de la dictature par le système électoral binominal. (Réd.)
[2] Le mardi 22 octobre au soir – au terme d’une cinquième journée de manifestations massives dans les grandes villes du pays –, Sebastian Piñera s’est adressé pour la seconde fois à la population au cours d’une déclaration télévisée. Il a rétropédalé, tout en maintenant l’état d’urgence: «Nous avons entendu la voix de ceux qui ont exprimé leur douleur et leurs espoirs… Nous n’avons pas été capables de reconnaître l’ampleur de cette situation d’inégalités et d’abus. Je vous demande pardon pour ce manque de vision.» Implorer le pardon n’a pas mis fin aux mobilisations qui exigent, entre autres, le départ des militaires qui occupent les rues, les places et les stations de métro. (Réd.)
[3] Selon l’institut chilien des droits de l’homme, un organisme public indépendant, en date du 25 octobre, plus de 2500 personnes ont été arrêtées en une semaine, des centaines de manifestants blessés, et cinq personnes auraient été tuées par les forces de l’ordre. Le principal syndicat chilien de médecins, dont fait partie Enrique Morales, s’alarme de la gravité des blessures constatées dans les hôpitaux: «Les chiffres que nous avons compilés sont terribles: 43 personnes au moins ont été blessées aux yeux, avec perte de vision, et des séquelles à vie.» (Réd.)
PHOTOMONTAGE DU PRÉSIDENT CHILIEN SEBASTIAN PIÑERA (GAUCHE ) ET DU DÉFUNT DICTATEUR AUGUSTO PINOCHET, LORS D’UNE MARCHE À SANTIAGO PHOTO PABLO VERA |
Dans une tribune au « Monde », un collectif d’artistes et d’intellectuels, parmi lesquels Costa-Gavras, Ariane Mnouchkine, Hervé Hamon, Björn Larsson, Jacques Tardi ou Christian et Olga Baudelot, appelle les autorités à retirer les troupes et les blindés de la rue et à entendre les revendications des manifestants.