31 mars, 2023

CGT : SOPHIE BINET SUCCÈDE À PHILIPPE MARTINEZ

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SOPHIE BINET DÉFILE CONTRE LA RÉFORME DES RETRAITES,
LE 10 DÉCEMBRE 2019 À PARIS.
PHOTO MAXPPP
Sophie Binet élue à la tête de la CGT : 5 choses à savoir sur la nouvelle patronne du syndicat / L'essentiel Sophie Binet succède à Philippe Martinez au poste de secrétaire générale de la CGT. Pour la première fois, une femme va occuper ce poste. Qui est la nouvelle patronne de la CGT ? 

par Cyril Brioulet

SOPHIE BINET
PHOTO BERNARD MONDEAU

Jamais une femme n'avait dirigé la CGT en 128 ans d'existence du syndicat. Les temps changent puisque Sophie Binet a été élue secrétaire générale, à l'issue du 53ème congrès de la CGT à Clermont-Ferrand, et succède à Philippe Martinez. Sophie Binet n'était pas la candidate soutenue par la direction sortante de la CGT. Qui est la nouvelle femme forte du syndicat ?

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Responsable des cadres de la CGT

Avant d'être élue secrétaire générale, Sophie Binet occupait déjà un poste à responsabilité au sein de la CGT. Elle dirigeait Ugict-CGT, la branche des ingénieurs, cadres et techniciens du syndicat, depuis 2018. Au sein du comité exécutif confédéral de la CGT, elle était chargée des questions d'égalité hommes-femmes.

Conseillère principale d'éducation

Avant d'exercer ses activités syndicales, Sophie Binet était conseillère principale d'éducation. Elle a exercé dans des lycées professionnels à Marseille dans les quartiers nord et au Blanc-Mesnil en région parisienne.

Étudiante en philosophie

Sophie Binet a suivi des études de philosophie à Nantes avant d'entrer dans la vie active.

SOPHIE BINET DANS UN RASSEMBLEMENT PRÈS
DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE, LE 15 FÉVRIER 2023.

Mobilisée contre la loi Travail

Au cours de son action syndicale, Sophie Binet s'est fortement mobilisée contre la loi Travail dans les années 2010. C'est elle qui avait lancé la pétition #LoiTravailNonMerci avec la féministe Caroline de Haas. Elle est co-auteure du livre "Féministe, la CGT ? Les femmes, leur travail et l'action syndicale", publié en 2019. 

Militante à gauche depuis ses 15 ans

Sophie Binet, née en 1982, est âgée de 41 ans. Elle milite à gauche depuis l'âge de 15 ans. Elle a fait partie du bureau national du syndicat étudiant Unef et s'est mobilisée contre le CPE, le Contrat première embauche, destiné aux moins de 26 ans et vivement contesté en 2006.

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30 mars, 2023

PÉKIN, FAISEUR DE PAIX ?

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DESSIN DE SELÇUK

De Riyad à Moscou, l’activisme de la Chine / Pékin, faiseur de paix ? / Après sept années de brouille, l’Arabie saoudite et l’Iran ont rétabli leurs relations diplomatiques. Grâce à sa médiation réussie, la Chine endosse le rôle d’acteur majeur dans les relations internationales et démontre que les États-Unis n’ont plus le monopole de l’influence au Proche-Orient. Reste à savoir si Riyad et Téhéran sauront dépasser leurs multiples différends.

par Akram Belkaïd & Martine Bulard  

Le Monde diplomatique Pékin, faiseur de paix ? 

PHOTO LINTAO ZHANG

Double surprise en ce 10 mars 2023 : d’abord, l’Arabie saoudite et l’Iran, rivaux régionaux depuis les années 1960, annoncent la reprise de leurs relations diplomatiques, rompues en 2016 après l’exécution de dignitaires chiites par Riyad puis, en représailles, l’attaque de l’ambassade saoudienne à Téhéran. Ensuite, la Chine, que l’on prétendait isolée sur la scène internationale, fait une irruption marquée dans le « grand jeu » proche-oriental en parrainant cet accord obtenu après deux années de négociations secrètes et cinq rounds infructueux. Certes, il ne faut pas exagérer la portée de cette poignée de mains sous le ciel de Pékin : beaucoup de chemin reste à accomplir pour que la paix devienne effective, notamment au Yémen, où les Iraniens et les Saoudiens mènent leur partition belliciste. Mais les dirigeants occidentaux auraient tort de sous-estimer l’événement à la façon du président américain Joseph Biden assurant « il n’y a rien à voir, mes amis (1)  », avant que son administration admette que toute avancée est bonne à prendre.

De son côté, le porte-parole du ministère des affaires étrangères chinois a plutôt choisi la modestie. Le texte constitue « une victoire pour le dialogue et pour la paix », a-t-il déclaré lors de sa conférence de presse hebdomadaire.

C’est la première fois que Pékin orchestre officiellement un accord international. C’est aussi la première fois que la Chine se mêle des affaires du Proche-Orient, un espace stratégique dominé, depuis plus de soixante-dix ans, par les États-Unis, malgré leur volonté de se tourner vers l’Asie à partir de 2013.

Jusqu’à présent, Pékin avait soigneusement évité d’interférer dans les tensions de cette zone, au point de susciter l’irritation de l’ex-président Barack Obama qui la voyait comme « un passager clandestin » d’une politique américaine assumant, disait-il, la « sécurité de la région » (2).

En fait, ce changement chinois et son succès tiennent autant à l’habileté diplomatique de Pékin qu’à la conjonction de plusieurs phénomènes : l’envie de l’Arabie saoudite de s’émanciper quelque peu de la tutelle de Washington, surtout depuis le peu d’empressement américain à la défendre, lors des attaques contre ses infrastructures pétrolières en 2019 ; les inquiétudes de l’Iran face à la crise économique, à la contestation sociale et aux menaces d’attaque israélienne contre ses installations nucléaires. Sans oublier un travail au long cours entrepris par les dirigeants chinois dans la région et un climat général dans les pays du Sud, de moins en moins sensibles au récit occidental (3). Le refus, en mai 2022, d’avaliser les sanctions contre la Russie après son invasion de l’Ukraine en témoigne. Six mois plus tard, lors du sommet de l’OPEP + (Organisation des pays exportateurs de pétrole plus dix pays dont la Russie), Riyad restait sourd aux appels insistants de la Maison Blanche à augmenter la production d’hydrocarbures pour faire baisser le cours du baril.

La Chine a pu se saisir de ces opportunités car elle y était préparée. Appliquant le principe de Deng Xiaoping, « cacher ses talents et attendre son heure », elle ne s’est guère fait remarquer… jusqu’au coup d’éclat du 10 mars. Mais elle n’était pas restée inactive au cours des trois dernières décennies (4).

Dès l’ouverture économique et le lancement des réformes à la fin du siècle dernier, les dirigeants chinois se sont attachés à établir des relations diplomatiques avec chacun des pays de la zone — de l’Arabie saoudite (pourtant fortement anticommuniste) en 1990, à Israël (malgré le sort des Palestiniens) en 1992, en passant par l’Iran en 1990. Pas un président de la République ne remettra en cause ces liens. Tous les développeront, quitte à s’asseoir sur les grands principes de solidarité internationaliste.

Bien sûr, la soif d’hydrocarbures dont la région regorge facilitera les déclarations d’amour : l’Arabie saoudite est devenue le premier fournisseur de pétrole, tandis que le Qatar occupe le premier rang pour le gaz naturel. Au-delà, les entreprises chinoises recherchent des débouchés pour leurs productions et des coopérations dans les nouvelles technologies. Si, dès 2004, est créé un Forum de coopération Chine-États arabes (FCCEA), les échanges explosent après le lancement des nouvelles routes de la soie (en 2013-2014), notamment dans la construction, les télécommunications, la 5G… Entre 2002 et 2022, les investissements directs chinois en Arabie saoudite ont atteint 106,5 milliards de dollars, au Koweït près de 100 milliards, aux Émirats arabes unis (EAU) plus de 64 milliards.

Refus de toute alliance politique et militaire

Cette « diplomatie du portefeuille » se révèle payante politiquement : au Conseil des droits de l’homme des Nations unies, en juillet 2020, aucun de ces pays n’a voté la condamnation de la répression des Ouïgours (musulmans). Deux ans auparavant, l’assassinat du journaliste et opposant Jamal Khashoggi à l’intérieur du consulat saoudien à Istanbul n’a pas poussé Pékin à critiquer le prince héritier — et homme fort du royaume — Mohammed Ben Salman (« MBS »). À la différence des États-Unis qui l’ont longtemps boudé avant de reprendre langue avec lui, M. Biden se rendant à Riyad en juillet dernier. Une visite sans effusion qui tranchait avec celle de M. Xi Jinping en décembre, accueilli en grande pompe.

Au moins, les dirigeants chinois sont-ils crédités d’une certaine cohérence : « Pas d’ingérence dans les affaires intérieures », martèlent ces derniers, affirmant de plus en plus leur propre vision géopolitique. Ils assurent vouloir mener « un dialogue sur un pied d’égalité, fondé sur le respect mutuel » que l’Occident a toujours refusé. Ils espèrent ainsi entraîner une partie du Sud, à la recherche de capitaux et… de reconnaissance. Rien ne dit que cela marchera. Ce qui est vrai, c’est que la Chine, obsédée par la désintégration de l’Union soviétique, n’a guère envie de devenir la cheffe de file d’un camp. Elle refuse toute alliance politique et militaire qui impliquerait « une mentalité de camp retranché » et entretiendrait « un climat de guerre froide » (5) extrêmement coûteux.

Les dirigeants privilégient les relations bilatérales tout en développant des organisations multilatérales où se retrouvent des pays en désaccord, parfois même en conflit, mais soucieux de maintenir le dialogue dans ces instances, voire de coopérer sur des questions ne posant pas problème. Telles l’Organisation de coopération de Shanghaï ou encore l’organisation des Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) que veulent rejoindre l’Arabie saoudite, l’Égypte, les Émirats, la Turquie, l’Algérie… Un triomphe pour Pékin qui assure, quand même, le rôle de chef d’orchestre !

Les Chinois ont ajouté à leur panoplie la proposition de « sécurité commune, globale, coopérative et durable ». Ce que M. Xi nomme l’« Initiative de sécurité mondiale » (ISC), définie en 2014, affinée depuis et qui a servi de base au document en douze points pour des pourparlers de paix entre l’Ukraine et la Russie. Les commentateurs occidentaux ont traité le texte avec mépris, mais ce ne fut pas le cas dans le reste du monde (6). Auparavant, en décembre 2022, le président Xi avait présenté les grandes lignes de l’ISC au Conseil de coopération du Golfe (7), lors de sa visite à Riyad, reprenant l’idée que « la sécurité de l’un ne peut être assurée au détriment de la sécurité de l’autre ». Moins d’une semaine après l’accord irano-saoudien, M. Xi se rendait à Moscou pour y rencontrer M. Vladimir Poutine tout en ayant des contacts téléphoniques avec M. Volodymyr Zelensky. Le signe d’une plus grande implication chinoise dans la recherche d’une solution à la guerre en Ukraine.

Le président Xi, qui avait impulsé une diplomatie agressive au cours de son deuxième mandat (2017-2022), semble donc vouloir inaugurer le troisième par une approche plus favorable à la négociation, y compris en cherchant à inclure ceux que l’Occident met hors course. « Ensemble, nous pouvons rendre le jardin planétaire des civilisations coloré et dynamique », a-t-il expliqué, lyrique, lors d’une conférence (8). En attendant, la Chine n’est pas mécontente de se présenter comme une faiseuse de paix. Même si, comme l’écrit la spécialiste de géopolitique Hélène Nouaille, « les Chinois ne sont pas les gardiens de la liberté d’autrui (9)  » et ne veulent pas l’être. Et il y a loin d’un échange d’ambassadeurs à une paix construite et durable.

Rien ne dit, en effet, que l’accord irano-saoudien survivra aux tensions géopolitiques qui fracturent la région. Le premier test de son efficacité sera la sécurité du royaume saoudien en lien avec la situation au Yémen. Si Pékin a réussi sa médiation, c’est parce que les Iraniens, contrairement aux rounds précédents, ont accepté que M. Ali Shamkhani, secrétaire de leur Conseil suprême de sécurité nationale (CSSN), s’implique directement afin de donner le crédit nécessaire aux engagements de Téhéran en matière de stabilité régionale. Avec, à la clé, la satisfaction de deux exigences saoudiennes : que cessent les attaques contre les installations pétrolières du royaume et que l’Iran mette fin aux livraisons d’armes aux rebelles houthis. Ces derniers ont salué l’accord mais il est peu probable qu’ils déposeront les armes contre les forces gouvernementales yéménites, que soutient le royaume wahhabite.

Plusieurs terrains d’affrontement

Dans un contexte marqué par la démultiplication des conflits intra-yéménites — avec, entre autres, le retour en force du mouvement séparatiste dans le sud du pays —, l’Iran et l’Arabie saoudite auront fort à faire pour préserver leur réconciliation. Cela dépendra aussi d’un troisième acteur, les EAU, allié de Riyad qui joue désormais sa propre partition. Abou Dhabi a précédé le royaume en rouvrant son ambassade à Téhéran en septembre dernier. Mais d’importantes divergences existent entre les deux monarchies pour ce qui est de l’avenir du Yémen, notamment sa partie sud dont les Émiratis soutiennent les velléités sécessionnistes. Dans le dialogue à trois (Arabie saoudite - EAU - Iran) qui s’ébauche concernant ce conflit, les différences de vue entre Riyad et Abou Dhabi pèseront aussi lourd que leur prévention commune à l’égard de Téhéran.

La solidité de l’accord irano-saoudien sera aussi évaluée à l’aune de l’évolution des relations des uns et des autres avec Israël, qui l’a jugé dangereux pour son propre avenir. Opposé à toute normalisation, Téhéran critique régulièrement les signataires des accords Abraham, dont les EAU sont l’un des promoteurs les plus actifs. Mais cela n’empêche pas Abou Dhabi d’entretenir de solides relations économiques avec son grand voisin.

Engagée dans des négociations officieuses sous l’égide américaine, l’Arabie saoudite, quant à elle, ne ferme pas la porte à l’établissement de relations diplomatiques avec Tel-Aviv mais pose ses conditions, notamment liées à la création d’un État palestinien. L’arrivée au pouvoir d’une coalition d’extrême droite en Israël donne des arguments à ceux qui, dans l’entourage de MBS, préfèrent retarder la normalisation. De quoi satisfaire l’Iran, qui relève que ses deux voisins ne veulent pas d’une attaque israélienne contre lui. Pour Téhéran, l’exigence est simple : les monarchies du Golfe peuvent bien entretenir des relations avec Israël mais à la condition qu’elles refusent de s’associer à toute action militaire contre ses installations. Si Tel-Aviv, désormais isolé sur cette question, met en application son fameux « plan B » — comprendre une attaque unilatérale contre l’Iran —, Riyad et Abou Dhabi devront convaincre la République islamique qu’ils n’en sont ni les complices ni les soutiens.

De plus, le Liban peut constituer un terrain d’affrontement menaçant la pérennité de l’accord irano-saoudien. En effet, conséquence de l’invasion américaine de mars 2003, l’Arabie saoudite a entériné le fait que l’Irak est inclus désormais dans l’arrière-cour de la puissance iranienne. Mais Riyad va-t-il aussi finir par accepter que la présidence du pays du Cèdre soit assurée par un allié du Hezbollah ? Si, d’aventure, la crise politique libanaise venait à se dénouer ces prochaines semaines, cela signifierait que Téhéran et Riyad ont trouvé un compromis à propos de ce dossier épineux menaçant la paix civile libanaise.

Quoi qu’il en soit, la reprise des relations diplomatiques avec l’Iran représente un succès pour le prince Ben Salman. D’abord, parce qu’il continue d’affirmer son autonomie à l’égard de Washington. Ensuite, en interne, parce qu’il confirme sa capacité à imposer ses vues aux dignitaires religieux sunnites hostiles de tout temps à un rapprochement avec la puissance chiite. Enfin, parce qu’il renforce sa stature de leader du monde arabe. Dans les prochains mois — la date exacte reste à préciser —, c’est en Arabie saoudite que se tiendra le trente-deuxième sommet de la Ligue arabe. À cette occasion, Riyad pourrait permettre le retour de la Syrie au sein de l’instance dont elle a été exclue en 2011. Un retour que ne manquera pas de saluer l’Iran, grand allié de Damas. À l’inverse, l’accord parrainé par Pékin devra faire ses preuves avant que Téhéran ne figure parmi les invités d’honneur du sommet.

Akram Belkaïd & Martine Bulard

Notes :

(1) Nahal Toosi et Phelim Kine, « US officials project calm as China stuns world with Iran-Saudi deal », Politico, 13 mars 2023.

(2) Entretien avec Thomas L. Friedman, « Obama on the world », disponible sur le site du New York Times, 8 août 2014, www.nytimes.com

(3) Lire Alain Gresh, « Quand le Sud refuse de s’aligner sur l’Occident en Ukraine », Le Monde diplomatique, mai 2022.

(4) Cf. James Reardon-Anderson (sous la dir. de), The Red Star and the Crescent. China and Middle East, Hurst Publishers, Londres, 2018.

(5) Conférence du porte-parole du ministère des affaires étrangères, Pékin, 14 mars 2023.

(6) Cf. Claude Leblanc, « Effet pschitt ? L’initiative de paix chinoise illustre à quel point le monde est fracturé », L’Opinion, Paris, 26 février 2023.

(7) Créé en 1981, le Conseil de coopération du Golfe (CCG) comprend l’Arabie saoudite, Bahreïn, les Émirats arabes unis, le Koweït, Oman et le Qatar.

(8) « Xi proposes Global Civilization Initiative, stressing inclusiveness », Global Times, Pékin, 15 mars 2023.

(9) Hélène Nouaille, « Inattendue, la médiation chinoise entre Riyad et Téhéran », La lettre de Léosthène, n° 1724/2023, 15 mars 2023.


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DESSIN EMANUELE DEL ROSSO

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LA DICOMCAR : LE CAS DES TROIS ÉGORGÉS

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 HOMMAGE AUX TROIS ÉGORGÉS
PARADA - GUERRERO - NATINO DE
L'ARTISTE PEINTRE ALEJANDRO GONZÁLEZ 

La DICOMCAR : Direction des services de renseignement des Carabiniers, appareil répressif qui a servi d’organe de persécution, d’enlèvement, d’assassinat et de disparition d’opposants politiques. La DICOMCAR fut dissoute après l'«AFFAIRE DES ÉGORGÉS ».
Les enlèvements Jeudi 28 mars 1985, 13h30. Le dessinateur industriel Santiago Nattino, 63 ans, marche tranquillement dans la rue Badajoz. Soudain un homme surgit d’une encoignure de porte et le met en joue avec un revolver : « Police ! » Surpris, Nattino se retourne mais l’homme le pousse sans ménagement dans une voiture. Le véhicule disparaît à toute vitesse devant plusieurs témoins médusés.
 LE CAS DES TROIS ÉGORGÉS
Même jour, 18h. Le siège de l’AGECH (Association des enseignants chiliens) du 75 rue de Londres, en plein Santiago, est presque désert. Trois professeurs et la secrétaire s’apprêtent à quitter les lieux lorsque deux véhicules s’arrêtent brusquement devant la porte.  Trois hommes armés font irruption dans la pièce, saccagent tout puis entassent les enseignants et la secrétaire dans les voitures qui disparaissent sous le regard atterré de plusieurs passants.
 LA DICOMCAR : LE CAS DES TROIS ÉGORGÉS

Vendredi 29 mars. Dans la rue Los Leones de la commune de Providencia à Santiago, comme tous les matins, les parents conduisent leurs enfants au Collège latino-américain. Le professeur José Manuel Parada, 35 ans, qui accompagne sa fille Javiera, s’étonne vaguement de l’absence du policier qui règle habituellement la circulation. Mais ce matin justement, il y a peu de voitures. Peut-être des travaux en cours quelque part...

29 mars, 2023

JOURNÉE DE LA TERRE : LES PALESTINIENS APPELLENT À LA RÉSISTANCE


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JOURNÉE DE LA TERRE

Ils commémorent aujourd’hui le 47ème anniversaire de la Journée de la terre : Les Palestiniens appellent à la résistance / Conscient de la valeur et de l’importance de la terre pour le peuple palestinien et son attachement au droit de retour, à tout prix, l’occupant sioniste poursuit inéluctablement sa politique illégale d’implantation de colonies pour chasser les Palestiniens et imposer le fait accompli. [30 mars : la 47ème Journée de la terre des Palestiniens]

El Watan

JOURNÉE DE LA TERRE

Le peuple palestinien commémore aujourd’hui le 47ème anniversaire de la Journée de la terre, célébrée depuis le 30 mars 1976 en hommage à ceux qui sont tombés en martyrs sous les balles de l’occupation sioniste en défendant leurs terres confisquées illégalement et en se révoltant contre l’exil et la judaïsation.

La Journée de la terre a été décrétée en souvenir des événements du 30 mars 1976, lorsque la population palestinienne s’est révoltée contre la décision de l’entité sioniste de confisquer de grandes proportions de terres palestiniennes détenues encore par les Palestiniens après 1948.

Cette opération avait induit la destruction de 418 villages arabes avec interdiction pour leurs habitants d’y retourner. Les affrontements avec les forces d’occupation avaient alors fait six morts parmi les Palestiniens, des centaines de blessés et des milliers d’arrestations.

Depuis, le peuple palestinien commémore chaque année la Journée de la terre en organisant une série de manifestations et de rassemblements à travers les Territoires palestiniens occupés, l’occasion pour réaffirmer son attachement à ses racines, sa patrie et son histoire, marquée par la résistance face à l’occupant qui continue de s’accaparer ses ressources et sa terre.

Il s’agit aussi d’une nouvelle occasion pour confirmer l’unité des territoires palestiniens, du peuple palestinien et de l’identité palestinienne, ainsi que la fidélité à la mémoire des martyrs et à leurs sacrifices consentis pour défendre leur terre et leurs droits.

La Journée de la terre, célébrée aussi dans le monde arabe et par les épris de liberté partout dans le monde, intervient cette année dans un contexte marqué encore par la poursuite par les autorités de l’occupation sionistes de la spoliation des terres, de leurs tentatives de judaïsation et des projets d’implantation de nouvelles colonies, illégales, dans les villes palestiniennes, en particulier à El Qods occupée.

Mesures unilatérales inacceptables

Conscient de la valeur et de l’importance de la terre pour le peuple palestinien et son attachement au droit de retour, à tout prix, l’occupant sioniste poursuit inéluctablement sa politique illégale d’implantation de colonies pour chasser les Palestiniens et imposer le fait accompli, ignorant ainsi la position de la communauté internationale et faisant fi de toutes les chartes et lois internationales qui considèrent la colonisation des terres palestiniennes contraire aux conventions internationales.

Dans ce contexte, l’occupant sioniste a diffusé vendredi des appels d’offres pour la construction de plus de 1000 logements en Cisjordanie occupée.

Les 22 et 23 février dernier, des projets de construction de plus de 7000 logements dans des colonies à travers la Cisjordanie occupée ont été adoptés. Ces unités faisaient partie des plans annoncés par l’occupant le 12 février, sans oublier la décision d’autoriser rétroactivement neuf avant-postes de Cisjordanie occupée, ce qui a provoqué un tollé international, rappelle-t-on.

Pour les Palestiniens, ces mesures unilatérales sont inacceptables au regard des résolutions internationales et des accords bilatéraux signés et conduiront à plus de tension et d’escalade, tandis que la communauté internationale a rejeté et condamné la décision de l’entité sioniste de «légaliser» neuf colonies illégales en Cisjordanie occupée, y voyant «un mépris» pour elle et une nouvelle «provocation au peuple palestinien».

Et plus récemment encore, neuf États membres du Conseil de sécurité, à savoir le Brésil, l’Équateur, le Gabon, le Ghana, le Japon, Malte, la Suisse, les Emirats arabes unis et la France, ont réaffirmé l’illégalité des colonies de peuplement.

Dans une déclaration commune écrite et rendue publique mercredi dernier, les neuf pays ont réitéré la demande du Conseil de sécurité à l’entité sioniste de «cesser immédiatement et complètement toutes les activités de colonisation dans les Territoires palestiniens occupés, y compris à El Qods-Est».

Selon le dernier rapport du Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies (OCHA) sur la protection des civils, qui couvre la période du 28 février au 13 mars, l’occupant sioniste a démoli, confisqué ou forcé des personnes à démolir 35 structures – dont huit avaient été fournies par des donateurs à titre d’aide humanitaire – dans la zone C et à El Qods-Est.

Le document indique que le mois de février «a représenté le nombre mensuel le plus élevé de structures démolies à El Qods-Est depuis avril 2019», notant qu’un total de 36 structures ont été démolies, contre une moyenne mensuelle de 11 en 2022. 


CHARLES ENDERLIN, « NETANYAHOU VEUT UN VÉRITABLE CHANGEMENT DE RÉGIME »

LE 27 MARS, À JÉRUSALEM. DES ISRAÉLIENS PROTESTENT, PRÈS DE LA KNESSET,
À LA SUITE DU RENVOI DU MINISTRE ISRAÉLIEN DE LA DÉFENSE,
QUI APPELAIT À SUSPENDRE LA RÉFORME JUDICIAIRE.
PHOTO ILAN ROSENBERG/REUTERS

Pour le journaliste Charles Enderlin, « Netanyahou veut un véritable changement de régime » / 
Le journaliste Charles Enderlin analyse, depuis Jérusalem, l’évolution de la société israélienne. Il décortique les questions principales et en tire quelques enseignements pour l’avenir du pays. ENTRETIE
observateur attentif d’une société qu’il a ausculté durant toute sa vie professionnelle, notamment pour la télévision publique française, Charles Enderlin porte un regard lucide sur les événements qui secouent aujourd’hui Israël.

En quoi le système judiciaire existant gêne-t-il les projets de Netanyahou et son gouvernement d’extrême droite ?

Ce n’est pas une simple réforme du système judiciaire dont il est question, mais bel et bien d’un véritable changement de régime voulu par la coalition issue des urnes, composée des nationalistes du Likoud, des ultraorthodoxes et des sionistes messianiques.

Une majorité de 64 députés, sur 120, idéologiquement solide. La première étape vers cette transformation du pays passe par la mise au pas du système judiciaire selon le principe des autocraties  : « Le “peuple” accorde à la majorité élue la légitimité de gouverner seule, sans l’interférence des juges qui, eux, n’ont pas été élus. »

Le très nationaliste ministre de la Justice, Yariv Levin, du Likoud, a présenté son projet quelques jours après la formation du nouveau gouvernement Netanyahou, le 29 décembre 2022. C’est ainsi que le collectif de nomination des juges de la Cour suprême passerait sous le contrôle de la majorité parlementaire, qui pourrait également placer à la tête de cette haute instance un président de son choix.

Ce n’est pas tout : une majorité simple de 61 députés pourrait annuler tout jugement de la Cour suprême, qui fait fonction également de haute cour de justice. À ce titre, c’est la seule instance auprès de laquelle les Palestiniens des territoires occupés peuvent se tourner, notamment en cas de saisie de terres. Dans l’ensemble, les juges veillent à leur droit à la propriété, mais les procédures sont longues et n’aboutissent pas toujours, en raison des arguments sécuritaires présentés par l’armée. Il n’empêche, c’est le dernier verrou avant l’annexion qui va sauter.

Le message qu’envoie ainsi Benyamin Netanyahou à la communauté internationale est clair : il n’est pas question d’une solution à deux États, mais bel et bien d’annexion.

De fait, l’accord de coalition stipule en toutes lettres : « Le peuple juif a un droit exclusif et inaliénable sur la terre d’Israël. Le gouvernement développera l’implantation partout, y compris en Judée-Samarie (le terme biblique pour la Cisjordanie). » C’est la première fois que le terme exclusif apparaît dans la formation d’une majorité de gouvernement. Le message qu’envoie ainsi Benyamin Netanyahou à la communauté internationale est clair : il n’est pas question d’une solution à deux États, mais bel et bien d’annexion.

Déjà, le 19 juillet 2018, Benyamin Netanyahou avait fait adopter par la Knesset une loi fondamentale définissant Israël comme l’État-nation du peuple juif, discriminatoire pour les non-juifs.

Cette vision est à l’opposé de celle des pères fondateurs : de Théodor Herzl, qui envisageait un État dont le président serait juif et le vice-président arabe ; de Zeev Jabotinsky, adversaire du sionisme socialiste, qui avait proposé en 1940 un projet de Constitution selon lequel les communautés juives et arabes auraient des droits identiques ; de David Ben Gourion qui, le 14 mai 1948, avait proclamé la déclaration d’indépendance d’Israël définissant : « L’État assurera une complète égalité de droits sociaux et politiques à tous ses citoyens sans distinction de croyance, de race ou de sexe. Il garantira la pleine liberté de conscience de culte, d’éducation et de culture. »

Quel est le fondement de la mobilisation des Israéliens. Qui regroupe-t-elle ?

Les manifestations ont pris une ampleur surprenante, sans précédent dans l’histoire du pays. C’est le réveil d’une partie de la société israélienne, qui rassemble des laïcs mais aussi de nombreux observateurs qui tous rejettent le changement de régime antidémocratique mis en place par Netanyahou.

Les ONG qui luttent pour les droits de l’homme et contre l’occupation ne sont pas absentes des manifestations, loin de là. »

Ils se considèrent comme les dindons de la farce, selon la plaisanterie qui circule : « Israël est divisé en trois tiers. Un tiers travaille, un tiers paye ses impôts et un tiers fait l’armée. C’est toujours le même tiers ! » De fait, 40 des 64 députés de la coalition gouvernementale se sont dérobés au service militaire d’une manière ou d’une autre et n’ont jamais porté l’uniforme. Selon le bureau des statistiques, les contribuables séculiers payent neuf fois plus d’impôts directs que les ultraorthodoxes.

Les ONG qui luttent pour les droits de l’homme et contre l’occupation ne sont pas absentes des manifestations, loin de là. Le pogrom commis par des colons dans le village palestinien de Hawara, en Cisjordanie, a renforcé l’opposition aux annexionnistes du gouvernement.

D’ailleurs, on commence à voir dans les manifestations des Arabes israéliens très inquiets de la politique de Ben Gvir et Smotrich. Il n’y a pas de politiciens à la tête de ce mouvement, mais un comité de volontaires venus du high-tech, de l’économie, de la société civile et des juristes. Après les grands rassemblements à Tel-Aviv et à Jérusalem du premier mois, des comités locaux ont vu le jour dans 122 localités, du nord au sud, y compris dans des villes traditionnellement à droite.

Au sein du gouvernement, outre Netanyahou, deux figures se détachent. Elles sont d’extrême droite : Bezalel Smotrich et Itamar Ben Gvir. De quoi sont-ils le nom ? Est-ce une revanche, voire une victoire, de cette branche du sionisme qui n’était pas arrivée à imposer sa définition de l’État lors de la création d’Israël en 1948 ?

Ils viennent du sionisme religieux, qui a pris son essor après la conquête des territoires palestiniens, en juin 1967. Cette théologie messianique rejette la notion de démocratie libérale. Simcha Rothman, l’actuel président de la commission parlementaire des Lois, qui prépare la refonte du système judiciaire, a déclaré en décembre 2021: « La démocratie, c’est faire ce que Dieu commande ! » Il appartient à la liste de trois partis nationalistes messianiques dont Netanyahou a parrainé l’alliance.

Bezalel Smotrich, homophobe assumé, raciste anti-arabe, habite la colonie de Kadoumim près de Naplouse. Il est ministre des Finances et aussi ministre délégué à la Défense, où il a la responsabilité de l’administration civile de la Cisjordanie et de la liaison avec Gaza et l’Autorité autonome. Son but est de développer la colonisation en interdisant le développement palestinien en zone C, qui s’étend, rappelons-le, sur les 60 % de la Cisjordanie.

L’autre personnage est Itamar Ben Gvir, président du parti Puissance juive, issu du Kach, le parti fondé par le rabbin raciste Meir Kahana et qui est interdit. Avant la campagne électorale, Ben Gvir a retiré de son salon le portrait de Baroukh Goldstein, le terroriste qui a assassiné 29 musulmans en prière dans le caveau des Patriarches à Hébron, le 25 février 1994. Il est ministre de la Sécurité nationale et dirige, de ce fait, la police et les gardes-frontières.




28 mars, 2023

ISRAËL. CRISE POLITIQUE, DÉMOCRATIE, COLONISATION

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TEL-AVIV, 26 MARS 2023. RASSEMBLEMENT CONTRE
LA RÉFORME DE LA COUR SUPRÊME ISRAÉLIENNE
PHOTO AHMAD GHARABLI / AFP

Avec ce « focus Israël », Orient XXI commence la publication d’une série d’articles inédits qui traitent des conséquences du mouvement d’opposition aux projets du gouvernement de Benyamin Nétanyahou, provisoirement suspendus lundi 26 mars 2023. / Démocratie Colonisation Crise politique Israël-Palestine Israël
LE MINISTRE FASCISTE ITAMAR BEN GVIR
 LORS D’UN RASSEMBLEMENT AVEC SES
PARTISANS À SDEROT, LE 26 OCTOBRE 2022
PHOTO GIL COHEN-MAGEN / AFP
Les défilés sont impressionnants par leur nombre, leur durée, la détermination de celles et ceux qui y participent. Le mot d’ordre est clair et unificateur : stopper la réforme constitutionnelle promise par la coalition d’extrême droite suprémaciste juive au pouvoir en Israël. Des officiers et des soldats se sont engagés dans le mouvement. Des centaines de réservistes de l’armée de l’air ont annoncé qu’ils ne participeraient plus aux périodes d’entraînement qu’ils faisaient régulièrement jusque-là. Des vétérans des services de sécurité intérieure (Shin Beth) ont manifesté devant la résidence d’un de leurs anciens chefs, le ministre de l’agriculture Avi Dichter. Des membres des commandos d’élite de l’armée israélienne (Sayeret Matkal) se sont joints aux protestations. Même les travailleurs des industries de l’information, dans lesquelles Israël excelle, ont condamné les réformes en cours. Et Benyamin Nétanyahou a été forcé le 26 mars au soir de suspendre ses réformes judiciaires, non sans avoir accordé au ministre fasciste Itamar Ben Gvir le droit de créer une milice à sa botte. Mais, pour l’instant le mouvement se poursuit.

CEUX QUI TUENT SANS ÉTAT D’ÂME

Comment ne pas s’en réjouir ? Pourtant, pour qui prend un peu de distance, ce qui frappe aussi c’est l’aveuglement de ce mouvement et le refus de voir les causes de la dérive autoritaire à l’œuvre qui n’a pas commencé avec le gouvernement de Benyamin Nétanyahou. Ces pilotes ne sont-ils pas les mêmes que ceux qui bombardent Gaza sans aucun état d’âme ? Les recrues des Sayeret Maktal se sont illustrées avant tout par l’assassinat de cadres palestiniens à l’étranger, comme les trois dirigeants de l’Organisation de la libération de la Palestine (OLP) à Beyrouth en 1972 ou celui du numéro deux du mouvement à Tunis, Abou Djihad (Khalil Al-Wazir) en 1988. Quant au Shin Beth, il se consacre depuis des décennies à la chasse aux militants palestiniens dans les territoires occupés et à leur « neutralisation » et, comme l’armée, il « couvre » des pogroms, comme celui qui s’est déroulé à Huwara. Et que dire de ces travailleurs des industries de haute technologie qui ont affiné les instruments de contrôle des Palestiniens avant de les exporter pour aider les dictatures à travers le monde ?

Si demain la réforme était définitivement rejetée, ils se réjouiraient tous de continuer à « faire leur devoir » — on peut même penser que l’immense majorité continuera à le faire, même si Benyamin Nétanyahou impose ses vues. Quant à la Cour suprême, il est bon de rappeler que, si elle est une garantie pour la majorité juive, elle s’est dans l’essentiel des cas rangée du côté des autorités quand il s’agissait de la colonisation et des droits des Palestiniens.

« QUEL MALHEUR C’EST POUR UN PEUPLE QUE D’EN ASSERVIR UN AUTRE ! »

Réfléchissant sur l’oppression de l’Irlande par la Grande-Bretagne et sur le fait que la classe ouvrière britannique avait sombré dans le chauvinisme, Karl Marx écrivait : « Quel malheur c’est pour un peuple d’en asservir un autre. » Il notait que la libération des ouvriers britanniques ne serait possible qu’une fois l’Irlande libre et indépendante. Ce que ne voit pas la grande majorité des Israéliens qui manifestent — et cet aveuglement frappe aussi les gouvernements américain et européens — c’est que la dérive actuelle n’est que l’aboutissement logique de décennies d’occupation, de spoliation, de négation des Palestiniens. Mais, pour la première fois, cette dérive autoritaire se retourne contre les Israéliens juifs. C’est ce qui s’est passé durant la guerre d’indépendance du peuple algérien : on peut facilement imaginer ce que serait aujourd’hui la France si l’armée avait écrasé le Front de libération nationale (FLN) et si l’Organisation armée secrète (OAS), en collusion avec l’armée, s’était emparée du pouvoir.
 
Certes, une frange très minoritaire du mouvement en Israël s’oppose à l’occupation et brandit le drapeau palestinien, bien que cela soit interdit non seulement par les autorités, mais aussi par la majorité des manifestants. Alors qu’un seul État domine dans les faits tout le territoire qui s’étend de la mer Méditerranée au Jourdain, et impose sa loi — illégale au regard du droit international —, il n’est plus possible de rêver une démocratie pour les seuls Juifs, une démocratie qui exclurait la moitié de la population et qui dans la réalité est synonyme d’apartheid comme le reconnaissent désormais nombre d’organisations de défense des droits humains.

C’est une nouvelle fois l’éditorialiste du quotidien Haaretz (23 mars 2023) Gideon Levy qui a le mieux saisi la nature du mouvement en cours. S’adressant à ses concitoyens, il les exhorte :

Continuez à protester vigoureusement, faites tout ce que vous pouvez pour renverser ce mauvais gouvernement, mais ne prononcez pas le nom de la démocratie en vain. Vous ne vous battez pas pour la démocratie. Vous vous battez pour un meilleur gouvernement à vos yeux. C’est important, c’est légitime et c’est impressionnant. Mais si vous aviez été des démocrates, vous vous seriez battus pour un État démocratique, ce qu’Israël n’est pas — et ce que vous n’êtes pas.



27 mars, 2023

LE PRÉSIDENT VIETNAMIEN REÇOIT UNE ANCIENNE PRÉSIDENTE DU CHILI

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LE PRÉSIDENT VIETNAMIEN VO VAN THUONG ET L’ANCIENNE
PRÉSIDENTE DU CHILI, MICHELLE BACHELET, LE 27 MARS À HANOÏ.
PHOTO : VNA/CVN

Le chef de l'État, Vo Van Thuong, a reçu, lundi 27 mars, l’ancienne présidente du Chili, Michelle Bachelet Jeria, en visite au Vietnam à l'occasion du 52ème anniversaire de l'établissement des relations diplomatiques entre le Vietnam et le Chili (25 mars 1971 - 25 mars 2023).

VNA/CVN

Lors de la rencontre, le président Vo Van Thuong a déclaré que le maintien des échanges de délégations, notamment des délégations de haut niveau, était important pour promouvoir la coopération entre les deux pays et les deux peuples.

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Le dirigeant vietnamien a hautement apprécié Mme Bachelet, en tant que haut-commissaire des Nations unies aux droits de l'homme, pour avoir apporté de nombreuses contributions positives au travail commun des Nations unies et de la communauté internationale.

De son côté, l'ancienne présidente chilienne a indiqué que dans le cadre de sa visite au Vietnam, la délégation se rendra dans les provinces de Nghê An (Centre) et de Binh Duong (Sud) pour promouvoir la coopération entre les localités et les activités d'échange entre les peuples des deux pays.

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Soulignant l'importance de l'événement célébrant le 52ème anniversaire des relations diplomatiques entre le Vietnam et le Chili, Mme Bachelet a rappelé les étapes clés de l'histoire des relations diplomatiques entre les deux pays.

Concernant le potentiel de coopération bilatérale, elle a déclaré que le Vietnam et le Chili sont tous deux membres du Conseil des droits de l'homme des Nations unies et de l’Accord de partenariat transpacifique global et progressiste (CPTPP).

LORS DE LA RENCONTRE, LE 27 MARS À HANOÏ. 
PHOTO VNA/CVN

Il s'agit d'un point commun important pour les deux pays à dynamiser leurs relations de coopération dans les temps à venir, tant lors des forums multilatéraux que bilatéraux à s'unir pour réaliser les objectifs communs de la communauté internationale en matière de paix et de développement, en particulier en réponse au changement climatique.

Saluant les bons sentiments de Mme Bachelet pour le pays et le peuple du Vietnam, le président Vo Van Thuong a estimé que sa visite contribuera positivement au renforcement des relations de coopération entre les deux peuples, notamment dans les localités où l'ancienne présidente chilienne et sa suite visiteront pendant leur séjour au Vietnam. 

Le président Vo Van Thuong a hautement apprécié les contributions de Mme Bachelet durant son mandat de présidente du Chili au développement des relations entre les deux pays.

Il s'est félicité des réalisations obtenues par les deux pays au cours des dernières années dans la coopération commerciale et économique, cependant il a estimé que ses acquis ne sont pas encore à la hauteur des potentiels de chaque partie.

Le président vietnamien a espéré que les deux parties devraient prêter attention et mettre en œuvre davantage de mesures pour promouvoir la coopération économique, au profit des entreprises et des habitants des deux pays.

Parallèlement, les deux pays devraient renforcer les échanges et la coopération lors des forums multilatéraux, coordonner et organiser plus souvent des activités d'échanges entre localités et entre les deux peuples, contribuant à booster des relations bilatérales à l'avenir, a-t-il souligné. VNA/CVN


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26 mars, 2023

1973: IL Y A CINQUANTE ANS, LE RETOUR DU FASCISME D'ÉTAT

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LE GÉNÉRAL AUGUSTO PINOCHET AVEC
DES OFFICIERS À SANTIAGO DU CHILI,
LE 18 SEPTEMBRE 1973
PHOTO CHAS GERRETSEN
L’année 1973 a été celle d’un traumatisme. Celui du renversement sanglant d'un régime démocratique et social par un coup d'Etat militaire. Celui d’une catastrophe politique que nous croyions voué aux gémonies d’un passé, certes encore récent, mais définitivement enterré, d’autant que les blessures qu’il avait laissées étaient encore ouvertes chez ses survivants encore nombreux. [Témoignage d'une époque]

par Patrice Herait 

Nés dans l’immédiat après-guerre, nous avions grandi dans les 30 glorieuses, dans le sentiment rassurant que le monde s’étant relevé douloureusement des horreurs infligées par les idéologies fascistes, nationalistes, racistes, suprémacistes anticommunistes et antidémocratiques, la cuisante leçon allait empêcher à tout jamais le retour de la bête immonde. Nos parents nous rabâchaient les horreurs de l’occupation, la traque des juifs, les exécutions d’otage, les camps, le travail obligatoire, le rationnement , la mise à genou de l’économie, la veulerie des dirigeants vichystes comme les parangons de l’horreur absolue. Et encore mes parents n’étaient ils pas des résistants, des personnes engagées. Elles n’avaient fait qu’attendre en espérant que ça se passe. Alors, ça voulait vraiment dire que le rejet du système fasciste était universel et empêcherait à jamais son retour. La leçon avait porté. Même les populations civiles  allemande et japonaise, supposées sinon avoir été fauteuses de guerre, avoir soutenu leur gouvernement fauteurs de guerre, après avoir été écrasées sous des déluges de bombes, n’étaient pas près de se laisser prendre une nouvelle fois. Le monde avait été à genoux, mais il était en train de se relever et se dirigeait vers un avenir radieux.


Je me souviens d’un grand sentiment de sécurité ayant entouré mon enfance et mon adolescence. Un sentiment qui me permettait d’envisager l’avenir sereinement. Le Conseil National de la Résistance avait mis en place un système solide de solidarité : La sécu et ses branches Maladie et Retraite. L’avenir était assuré dans l’indépendance et la dignité et chacun pouvait bénéficier des progrès rapides de la médecine. L’habitat s’améliorait. La construction des cités HLM était vue objectivement comme un grand progrès par rapport aux bidonvilles et aux logement insalubres des grandes villes. Bien entendu, j’ai conscience que ce sentiment de sécurité était d’autant plus grand que j’appartenais à un milieu relativement aisé quoique modeste. La stabilité de l’emploi et la facilité de retrouver du travail en cas de licenciement y était pour beaucoup. Mais même dans les milieux plus modestes, la stabilité et la dignité sociales étaient là et faisaient espérer un avenir nécessairement meilleur. L’omniprésence de l’URSS jouait un rôle stabilisateur considérable. Même pour ceux qui n’étaient pas dupes de la situation soviétique, du goulag et des conséquences de l’absence de démocratie, le sentiment n’était pas rare de penser que l’URSS encore jeune ne pouvait que s’améliorer sous la pression populaire et les aspirations démocratiques et que tout cela arriverait immanquablement quand les pressions de la guerre froides diminueraient. Là aussi il ne pouvait en être autrement. Le monde avait échappé à l’apocalypse nucléaire après la crise des fusées de Cuba. C’était bien la preuve que l’intelligence et la sagesse des dirigeants de tout bord, poussés par la dissuasion nucléaire, permettraient de contrôler les crises. Les grandes fortunes , qui avaient soutenu le nazisme pour anéantir le communisme, faute d’y être parvenues, poussaient aujourd’hui les démocraties capitalistes à aménager des réformes sociales, pour prévenir une révolution socialiste mondiale. L’horreur du stalinisme était tempérée par la gloire dont s’était parée l’URSS dans sa contribution majeure à l’anéantissement du Reich.


Non vraiment tout irait vers le mieux maintenant, lentement mais surement. Les idées progressistes allaient l’emporter, comme le droit à l’avortement. Les luttes populaires allaient être victorieuses et contagieuses : la Chine, Cuba, le Vietnam, et imposer les volontés populaires. Le monde s’ouvrait vers la gauche et, à l’orée de mes 20 ans, tout ce que je voyais, y compris et surtout mai 68 me confortait dans cet espoir. Bien sûr mai 68 avait échoué à faire une révolution mais avait changé la société et cela allait continuer…En France, l’Union de la Gauche se construisait peu à peu et nous avions confiance (à raison) en son aboutissement final.


Et puis il y avait Israël, fondé au début sur des principes de solidarité, dont le Mossad traquait au fin fond de l’Amérique du sud les derniers fantômes nazis passés à travers les mailles du filet de Nuremberg, jusque dans leur tanière pour ne leur laisser aucun repos. Ils avaient capturé Eichmann et l’avaient jugé publiquement et exécuté.


Bien sûr, il persistait des foyers fascistes mis en place par le nazisme, comme l’Espagne et le Portugal. Mais ils étaient au ban des nations, leur entrée dans l’Union Européenne était conditionnée à un rétablissement de la démocratie et l’on attendait la mort des dictateurs pour balayer ces scories de l’Histoire. Et puis, il y avait l’Union Européenne, cette promesse que sa construction progressive allait définitivement abolir la guerre en Europe et obliger un ordre démocratique intransigeant exemplaire pour le reste du monde et indépendant des USA. La preuve en était justement faite avec l’exemple de l’exclusion temporaire de l’Espagne et du Portugal.


Bien sûr il y avait eu l’OAS, le putsch des généraux et la menace du coup militaire d’extrême droite. Il y avait des ambiguïtés inquiétantes au sein du pouvoir gaulliste. Le Service d’Action Civique (SAC), une organisation mafieuse agissant en coulisse et illégalement aux ordres du pouvoir. Le massacre de centaines d’Algériens manifestant pacifiquement par la police française mené par un Préfet ancien collaborateur zélé et grand déporteur de Juifs. Le massacre au métro Charonne de manifestants contre la guerre d’Algérie. Bien sûr il y avait « Occident » puis « Ordre Nouveau » groupuscules paramilitaires fascistes, qui cherchaient la bagarre aux sorties des universités et des lycées en se revendiquant du nazisme. Mais encore une fois on pouvait assimiler ces faits aux derniers spasmes d’un monde ancien moribond autant que nauséabond, qu’on allait bientôt pouvoir balayer comme les derniers détritus laissés par une tornade.


D’ailleurs pour confirmer cette impression le Front National avait fait 0,75% aux élections présidentielles pour sa première apparition l’année suivante en 1974. Son représentant, ancien tortionnaire issu de l’OAS et de la collaboration Vichyste s’était fait une tête caricaturale de méchant avec son bandeau sur l’œil pour recueillir les votes des « durs ». Non il ne pouvait pas être pris au sérieux et figurait l’agonie pitoyable des valeurs d’extrême droite.


Et puis…


Comme un coup de tonnerre dans un ciel serein, dans la soirée du 11 septembre 1973, on apprend qu’au Chili, un général factieux et corrompu, cachant lâchement son regard aux yeux du monde ébahi dernière d’épaisses lunettes noires venait de déclencher et de réussir un coup d’Etat d’une violence extrême contre le gouvernement d’Union Populaire légalement élu du Président Salvador Allende, qui avait lui-même perdu la vie dans le putsch. L’Union Populaire avait mis en place en trois ans une série de mesures visant à lutter contre la précarité en faveur des plus démunis. Il avait financé ces mesures en utilisant les richesses nationales spoliées comme les mines de cuivre qu’elle venait de nationaliser aux dépends des industriels américains. Le gouvernement des USA ne pouvait tolérer ni cette incartade, ni la traînée de poudre qui venait d’être allumée si d’autres pays sous la coupe de l’impérialisme yankee venaient à suivre l’exemple et réclamer leurs biens. Car c’était bien le problème, Allende redressait fièrement la tête du peuple chilien et montrait un exemple contagieux aux pays pauvres. Alors la CIA était intervenue. Elle s’était immiscée dans l’histoire démocratique d’un pays. Elle avait renversé l’action soutenue par une majorité pour l'intérêt d’une extrême minorité.


Ainsi l’Histoire se répétait. Les industriels américains et européens n’avaient pas hésité dans les années 1930 à financer Hitler et ses sbires pour lutter contre le communisme. Cette fois les industriels américains n’hésitaient pas à ouvrir une nouvelle fois la boîte de Pandore du fascisme pour détruire les aspirations populaires.


Car le cauchemar ne faisait que recommencer. Dans les rues de Santiago et des grandes villes, l’armée, investie de tous les pouvoirs tirait à la mitrailleuse sur les rares résistants pris au dépourvu et désarmés. Aucune résistance populaire ne fut possible. Les gens étaient déportés dans des stades, torturés et disparaissaient en grand nombre dans des exécutions sommaires. Les premières vagues de réfugiés chiliens racontaient des horreurs qu’on avait peine à croire tandis que le général aux lunettes noires pérorait impunément dans les actualités internationales. Il affirmait être un grand admirateur de Franco (pas encore décédé) et d’Hitler. Et le monde se taisait. A part l’Italie, aucun pays européen n’a émis la moindre protestation, surtout pas la France pompidolienne. Et le général félon, criminel multirécidiviste resté impuni et en place pendant plusieurs dizaines d’années, avait au passage détruit les lois sociales au profit d’ un néolibéralisme effréné.


Alors oui 1973 fut une année de grand traumatisme. Le fascisme était revenu en force, avait vaincu les forces populaires, se maintenait au pouvoir devant le silence des autres nations. Non seulement ce qu’on croyait impossible tant l’image du nazisme était un repoussoir, était de nouveau possible, mais les acteurs de cette horreur se revendiquaient sans vergogne des valeurs du nazisme. En peu de temps, le fascisme s’étendit comme une tache d’encre brune sur l’Amérique du Sud, le Chili étant suivi ou précédé par l’Argentine, le Paraguay l’Uruguay, le Brésil, où les coups militaires se succédaient. Où les anciens nazis cachés jusque là étaient devenus conseillers militaires, spécialisés dans la lutte antiguérilla « marxiste » (Marxiste désignant dans la bouche des militaires tout ce qui n’était pas ouvertement pro-militaire et pro-fasciste). Où l’ « Opération Condor », une alliance coopérative entre dictatures militaires se proposait d’éradiquer le « marxisme » d’Amérique du Sud. Où des médecins, aidés par d’anciens « médecins» SS se proposaient de « traiter » le « marxisme », considéré comme une maladie.


Alors oui, nous avons sûrement été naïfs avant 1973, au sortir de l’adolescence, d’avoir cru que grâce à l’horreur passée toute proche (les survivants des camps pouvaient encore nous montrer leurs matricules tatoués sur l’avant-bras) le monde avait compris et allait inéluctablement évoluer vers le meilleur. Mais c’était après tout une option possible.


Reste que j’ai pleuré presque tous les soirs de septembre 1973 sur ce retour jugé impossible et que, depuis, je n’ai fait que constater l’extension malfaisante du cancer fasciste, notamment dans un pays où les électeurs des partis de la haine réunis approchent 30% des inscrits, maintenant que les derniers survivants des camps ont disparu et ne peuvent plus témoigner.