12 juin, 2025

EN ARGENTINE, LA CONDAMNATION DE CRISTINA KIRCHNER BOUSCULE L’ÉCHIQUIER POLITIQUE

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« Au Mexique, le peuple a décidé quels candidats seront juges... /
 Et ici, ce sont les juges qui décident qui ne sera pas candidat. »
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Le Monde

INTERNATIONAL / ARGENTINE / En Argentine, la condamnation de Cristina Kirchner bouscule l’échiquier politique / La confirmation par la Cour suprême de la condamnation de l’ancienne cheffe de l’État, principale figure de l’osition au président Javier Milei, à six ans de détention et à l’inéligibilité à vie contraint les forces politiques à repenser leurs stratégies, alors que plusieurs échéances électorales prévues dans les prochains mois.[Soutien à Cristina Kirchner face au lawfare]

Par Anaïs Dubois (Buenos Aires, correspondance)

Temps de Lecture 2 min.

L’ANCIENNE PRÉSIDENTE ARGENTINE,
CRISTINA KIRCHNER,  DEPUIS LE BALCON
DE SON DOMICILE,  À BUENOS AIRES,
LE 11 JUIN 2025.
PHOTO CRISTINA SILLE

le verdict était attendu depuis plusieurs jours. Pourtant, un véritable séisme politique secoue l’Argentine depuis la confirmation, mardi 10 juin au soir, de la condamnation de l’ex-présidente Cristina Kirchner à six ans de prison et à l’inéligibilité à vie, pour « fraude au préjudice de l’administration publique » durant sa présidence (2007-2015).

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Quand les trois juges de la Cour suprême argentine ont annoncé, après neuf années de procédure, leur décision de rejeter à l’unanimité le recours présenté par la leader péroniste, figure centrale du paysage politique argentin depuis deux décennies et présidente du Parti justicialiste (PJ), la principale force d’opposition au président d’extrême droite, Javier Milei, les réactions n’ont pas tardé.

 PHOTO PÁGINA|12

« Justice. Fin. », a immédiatement posté Javier Milei sur le réseau social X. L’ancien président de droite Mauricio Macri (2015-2019), rival historique de Cristina Kirchner, a salué le « travail impeccable de la justice » et une « décision historique ». À l’opposé de l’arc politique, la dirigeante du Frente de Izquierda (Front de gauche, gauche non péroniste), Myriam Bregman, a dénoncé « une avancée antidémocratique », alors que Cristina Kirchner avait annoncé, le 2 juin, sa candidature aux élections législatives dans la province de Buenos Aires, bastion historique du péronisme. « C’est un acte clair de proscription », a-t-elle estimé, bien qu’elle ait « toujours été une opposante politique à Cristina Fernandez de Kirchner ».

 « TENIR BON »
UNE DE PÁGINA|12
DU 17 022025

La sentence particulièrement rapide de la Cour suprême, saisie fin mars, fait planer le doute sur les motivations des magistrats et l’indépendance du pouvoir judiciaire. Certains voient dans ce jugement une décision plus politique que juridique, alors que la Cour a rompu avec la tradition d’éviter de se prononcer sur ce type de cas pendant une année électorale et que la date limite du dépôt des candidatures est fixée au 19 juillet.

« La sentence était écrite d’avance »

Cette lecture est partagée par nombre de dirigeants syndicaux. Le syndicat des travailleurs de l’État (ATE) appelle à la grève afin d’accompagner l’ex-présidente au tribunal, lorsqu’elle s’y rendra pour formaliser sa détention, probablement à domicile, avant le dimanche 15 juin. Dans les heures qui ont précédé l’annonce de la décision de la Cour suprême, des accès à la capitale ont été coupés par des manifestants en signe de protestation. Des étudiants ont également occupé plusieurs universités de Buenos Aires. De son côté, Cristina Kirchner a dénoncé de nombreuses irrégularités et s’est dite victime de lawfare, une instrumentalisation de la justice à des fins politiques. Déjà cible d’une tentative d’assassinat en septembre 2022, elle assure que ses opposants veulent la voir « soit prisonnière, soit morte ».

Mardi soir, sur le trottoir devant la porte du siège de son parti, l’ex-présidente, âgé de 72 ans, a fustigé les magistrats face à une foule de militants, certains en larmes, venus la soutenir. « La sentence était écrite d’avance », a-t-elle affirmé sans montrer le moindre signe d’abattement, qualifiant les juges de « trio de marionnettes répondant à des ordres bien au-dessus d’eux, le pouvoir économique de l’Argentine ».

« En Argentine, depuis des années, la justice est l’institution qui a la pire image auprès de l’opinion publique. Cristina Kirchner a installé l’idée, partagée par une bonne partie de la population, que la justice est la garde prétorienne de l’establishment économique », explique Sebastian Halperin, sociologue et politiste, spécialiste de l’opinion.

À l’approche des législatives de mi-mandat, prévues le 26 octobre et des élections dans la province de Buenos Aires, la plus peuplée du pays, le 7 septembre, la décision de la Cour suprême rebat les cartes et oblige l’ensemble des partis à revoir leurs stratégies.

Dès mardi soir, les quelques milliers de militants qui ont accompagné Cristina Kirchner jusqu’aux portes de son appartement du centre-ville de Buenos Aires ainsi que les cadres du parti nourrissaient l’espoir de voir le péronisme, atone et divisé depuis l’élection de Javier Milei en 2023, se réveiller et s’unir après ce qu’ils estiment être une injustice et une atteinte à la démocratie.

De l’autre côté, « le gouvernement fait face à un problème car il se renforce en grande partie grâce à la polarisation. Il cherchait à accroître sa légitimité en affrontant Cristina Kirchner dans les urnes. Or, cela ne va pas être le cas », souligne Sebastian Halperin, pour qui l’opposition péroniste « passe d’un rôle d’opposition à un rôle de résistance ».

Anaïs Dubois (Buenos Aires, correspondance)


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