26 juillet, 2022

CHILI: LES OPPOSANTS À LA NOUVELLE CONSTITUTION SE MOBILISENT

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PHOTO ESTEBAN FELIX / AP

Au Chili, la campagne pour le référendum du 4 septembre sur la nouvelle Constitution, bat son plein. 15 millions de Chiliens seront appelés aux urnes pour un vote obligatoire. Et selon des derniers sondages, le « non » à la nouvelle Constitution pourrait l’emporter. C’est d’ailleurs cette option que la coalition de droite a choisie. Tout comme un ex-président de centre-gauche qui a annoncé qu’il votera « contre ».

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Dans le centre de la capitale, une soixantaine de personnes se sont réunies et agitent des drapeaux chiliens. Une grande banderole a été déployée sur laquelle il est écrit : « Rechazo Popular » (rejet populaire, en français).

« Ce mouvement est pour le Chili, pour la patrie avant tout », lance un des participants au mégaphone. Un rassemblement d’extrême droite auquel Jessica a participé. Elle votera « contre » la nouvelle Constitution, car elle veut conserver celle actuellement en vigueur écrite sous la dictature du général Augusto Pinochet en 1980.

 
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« Ce n’est plus la Constitution des généraux, car beaucoup de réformes y ont été apportées et la signature de Pinochet n’est plus sur le document. Cette Constitution nous a fait grandir économiquement et c’est le général qui nous a sorti de la "merde" dans laquelle nous avait mis le président Allende. »

Jessica pense que si la nouvelle Constitution est approuvée, ce sera la porte ouverte au régime communiste : « Le communisme, c'est un cancer. Je ne veux pas que mon pays devienne comme le Venezuela ou Cuba. Je veux être libre dans mon pays!».
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Des peurs face à certains concepts de la nouvelle Constitution

À côté d’elle, Pamela fait danser son drapeau chilien dans les airs. Elle aussi rejettera la nouvelle Constitution pour plusieurs raisons, mais il y a un article en particulier qui a retenu son attention. « L’éducation sexuelle intégrale, c'est un endoctrinement des jeunes enfants et ça porte atteinte à leur sexualité. Un enfant de 5 ans n’a pas besoin d’entendre parler de sexualité. Il doit vivre sa vie normalement et librement comme n’importe quel autre enfant. »

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Mais la nouvelle Constitution ne détermine pas d’âge précis en ce qui concerne l’éducation sexuelle intégrale. Elle garantit simplement ce droit à toutes les personnes. Beaucoup de fausses informations comme celle-ci circulent à propos du nouveau texte comme par exemple la notion d’état « plurinational ».

Dans sa chanson, le rappeur Fos One, rejette la « plurinationalité » qui reconnaît les peuples indigènes et leur garantit des droits, mais le chanteur ne le voit pas de cette façon. « Il y aura des règles différentes entre les peuples indigènes et les autres Chiliens, pense le rappeur. Même si le pays n’est pas divisé territorialement, il y aura quand même des divisions, car les peuples indigènes auront leur propre système de justice. »
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Ces dernières semaines, plusieurs ténors de partis de centre-gauche et centre-droit ont annoncé qu’ils voteront « contre » la nouvelle Constitution. Jaime Arancibia est professeur de droit à l’université conservatrice de Los Andes : « Je pense qu’il a une validité démocratique et populaire, mais il ne remplit pas l’autre condition, selon moi très importante pour une constitution, qui est la légitimité technique du texte. L’Assemblée constituante et son côté révolutionnaire, refondateur et assez populiste, je dirais aussi, n’a pas beaucoup prêté attention à l’opinion des experts. »

Vers un nouveau processus ?

Jaime reconnaît l’importance des droits sociaux inscrits dans la nouvelle Constitution : le logement, la santé ou encore l’éducation, mais il craint que le nouveau texte ne puisse pas garantir leur financement. « Tous ces droits ne vont pas pouvoir se concrétiser car, selon moi, le système politique qui a été défini n’est pas bon et le nouveau texte ne permettra pas une croissance économique suffisante. »

Si la nouvelle Constitution est rejetée, plus de deux Chiliens sur trois seraient favorables à un nouveau processus constitutionnel pour écrire un autre texte. Le président Gabriel Boric a lui-même envisagé cette option, soulignant que le pays s’était largement prononcé en faveur d’une nouvelle Constitution il y a deux ans, enterrant ainsi le texte actuel écrit sous la dictature.

CHILI
GABRIEL BORIC 

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24 juillet, 2022

CHILI RÉFÉRENDUM DU 4 SEPTEMBRE / LE SOUTIEN FORT DE MICHELLE BACHELET

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MICHELLE BACHELET ET GABRIEL BORIC
PHOTO FUNDACIÓN CIUDADANA.

Référendum du 4 septembre pour une nouvelle Constitution : J-42 jours / Le soutien fort de Michelle Bachelet.

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par Pierre Cappanera

L’ex-présidente du Chili, Michelle Bachelet, et l’actuel président Gabriel Boric se sont longuement réunis. Michelle Bachelet lui a réaffirmé son soutien à l’Apruebo (le oui à la nouvelle constitution). Elle a déclaré à l’issue de la rencontre qu’elle lui avait dit aussi, d’une façon symbolique, qu’elle se souvenait d’une chanson de Pablo Milanés (un chanteur cubain) qui disait « elle n’est pas parfaite mais elle se rapproche le plus de ce que j’ai toujours rêvé ».

► À lire aussi : ABUS SEXUELS : AU CHILI, L’ÉGLISE CATHOLIQUE A PERDU DE SON CRÉDIT

« Je préfère une Constitution écrite démocratiquement avec des erreurs?
 à une Constitution écrite avec du sang et pleine d'horreurs
»
DESSIN JVC

Référendum du 4 septembre pour une nouvelle Constitution J-43 jours 

Et si ? 

Et si, comme le déclarent les instituts de sondages, le refus de la proposition d’une nouvelle Constitution l’emportait, que se passerait-il ? Le Président Gabriel Boric a annoncé qu’il relancerait immédiatement un nouveau processus de rédaction d’une nouvelle Constitution. Ce serait du temps de perdu, mais le Chili ne peut continuer à vivre avec la constitution de Pinochet. Sur le dessin, il est écrit "je préfère une Constitution écrite démocratiquement avec des erreurs à une Constitution écrite avec du sang et pleine d'horreurs". par Pierre Cappanera

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CHILI : VERS UNE CONSTITUTION D’INSPIRATION COMMUNISTE ?

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Le projet chilien de nouvelle Constitution est en rupture avec l’histoire récente du pays et les tentatives de conciliation mises en place depuis 1990. Pour le géopoliticien Jean-Baptiste Noé, ce retour au communisme des années 1970 fait entrer le pays dans une zone de turbulence pour le référendum d’approbation. [Aleteia, page catholiques d’extrême droite]. 

par Jean-Baptiste Noé

DESSIN COCO

La réforme de la Constitution est l’un des sujets politiques majeurs du Chili, nombreux étant ceux qui veulent revenir sur le texte de 1990. Un processus long et compliqué a été mis en place après les très violentes émeutes de 2019. Un premier texte vient d’être présenté par le nouveau président chilien, qui doit désormais être approuvé par le peuple lors d’un référendum prévu pour le 4 septembre prochain. Les Chiliens ont donc deux mois pour débattre du texte présenté. La campagne s’annonce houleuse, d’autant que le vote sera obligatoire. Une donnée importante, sachant que l’abstention avait dépassé les 50% lors du référendum sur la création d’une assemblée constituante. 

► À lire aussi : ABUS SEXUELS : AU CHILI, L’ÉGLISE CATHOLIQUE A PERDU DE SON CRÉDIT

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Près de 400 articles

Les débats politiques seront d’autant plus passionnés que le texte proposé est un retour au communisme des années 1970, ce qui va raviver les vieilles fractures raccommodées durant les trente dernières années. Alors que le Chili est entré depuis cette date dans la voie de la démocratie parlementaire, avec un bicaméralisme, un président aux pouvoirs limités et qui ne peut faire plus de deux mandats consécutifs, le projet de Constitution, qui contient 388 articles, propose notamment la fin de la Chambre haute avec l’établissement du monocaméralisme. Une bien mauvaise idée quand l’histoire politique de l’Occident a toujours démontré que ce type de régime parlementaire a toujours conduit à des fonctionnements dictatoriaux du fait de l’absence de contre-pouvoirs et donc de discussions raisonnées des textes. 

Une Constitution de près de 400 articles est impraticable dans les faits. En voulant tout régenter, prévoir, encadrer, elle annonce un blocage futur du pays et une soumission de la population à sa loi fondamentale. À titre de comparaison, l’actuelle Constitution française est composée de 89 articles, même si certains sont subdivisés. La constitution de la IIIème République, l’une des plus courtes connue par la France et celle qui dura le plus longtemps, est composée de 3 lois constitutionnelles pour un total de 34 articles. Le texte présenté au Chili est donc, dans sa forme même, éloigné de ce que doit être une Constitution. 

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Retour de la Révolution

Il est également éloigné dans le fond. Une Constitution doit veiller à rassembler les populations et à créer les conditions d’une vie commune, objectifs de bien commun d’autant plus urgent dans un pays qui connait des fractures intellectuelles et sociales majeures. Tout autre est le texte présenté qui renoue avec les passions révolutionnaires des années 1970. Nationalisation des ressources naturelles, rôle majeur donné aux syndicats sur les entreprises, extension de l’État providence dans tous les domaines de la vie privée, avec notamment la constitutionnalisation de l’avortement et de l’euthanasie, droits accordés à la nature, expropriation des terres agricoles. 

Le nouveau président Gabriel Boric s’est fait élire sur une ligne d’extrême gauche, en rupture avec le Parti socialiste chilien.

Si cette politique était mise en place et appliquée, le Chili, aujourd’hui pays le plus riche d’Amérique latine, suivrait la route du Venezuela voisin. Une route qui s’est déjà croisée en 2002, en faveur de Santiago. En 1990, le PIB par habitant du Venezuela était le double de celui du Chili (4.500 $ de parité de pouvoir d’achat-PPA). Quand le premier stagne, le second croit. Le PIB chilien par habitant est désormais de 29.000 $ de PPA, quand celui du Venezuela n’est plus comptabilisé par la Banque mondiale depuis 2011. Entre famines, pénuries de produits de base et exils, le voisin des Caraïbes a connu une décennie noire dont il est loin d’être remis. 

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Un pays violemment divisé

Le nouveau président Gabriel Boric s’est fait élire sur une ligne d’extrême gauche, en rupture avec le Parti socialiste chilien qui se partageait jusqu’à présent le pouvoir avec le parti de droite. Le texte constitutionnel proposé est conforme à sa ligne politique et à l’attente de ses électeurs. Mais il heurte violemment les convictions et les pensées de l’autre moitié de la population chilienne. Les deux mois d’hiver qui arrivent vont donc être particulièrement intenses au Chili, avec un risque non négligeable de violences et de confrontations politiques. De quoi faire ressurgir les plaies et les fractures que tous les présidents depuis 1990 ont tenté d’apaiser. De quoi rappeler aussi qu’une Constitution n’a pas pour nature de flatter un électorat, mais d’apporter la stabilité à un pays, de lui permettre de vivre sereinement sa vie politique et, in fine, d’être un moyen, et non pas une fin, pour parvenir au bien commun.

19 juillet, 2022

CUBA FÉLICITE LE NICARAGUA POUR LE 43ème ANNIVERSAIRE DE SA RÉVOLUTION

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CUBA FÉLICITE LE NICARAGUA POUR LE
43ème ANNIVERSAIRE DE SA RÉVOLUTION
La Havane, 19 juillet 2022. Le général d'armée Raúl Castro et le président cubain Miguel Díaz-Canel ont félicité le Nicaragua à l'occasion du 43ème anniversaire du triomphe de la révolution populaire sandiniste (1979).

Prensa Latina

RÉFÉRENDUM 4S 2022 
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«En ce jour si significatif pour le peuple frère nicaraguayen, nous vous envoyons nos plus chaleureuses félicitations, à l’occasion de la célébration du 43ème anniversaire du triomphe de la révolution sandiniste », signale le message.

► À lire aussi : CHILI : DIVERGENCES PUBLIQUES ENTRE COMMUNISTES SUR LE NICARAGUA.

Le texte ratifie la volonté de la nation caribéenne de continuer à renforcer les liens d'amitié et de solidarité avec la patrie d'Augusto César Sandino (1895-1934).

► À lire aussi : CHILI: L'ÉCRIVAIN NICARAGUAYEN SERGIO RAMIREZ À L'INVESTITURE DE BORIC

Le 19 juillet 1979, la troisième et dernière révolution armée en Amérique latine et dans les Caraïbes a triomphé dans le pays d'Amérique centrale, après la mexicaine, en 1910, et la cubaine en 1959. 

► À lire aussi : L’ARGENTINE PORTERA LA VOIX DES EXCLUS AU SOMMET DES AMÉRIQUES

Avec le triomphe du Front sandiniste de libération nationale, il a été mis fin à 45 ans de pillage sous le joug de la dictature militaire de Somoza.  peo/livp/acl/ybv

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CHILI: EN CAS DE «NON» À LA NOUVELLE CONSTITUTION, IL FAUDRA «TOUT RECOMMENCER À ZÉRO», ANNONCE GABRIEL BORIC

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DESSIN ALEN LAUZÁN     

Au Chili, il reste un mois et demi avant le référendum obligatoire du 4 septembre : « oui » ou « non » à la nouvelle Constitution. Selon les derniers sondages, le « non » pourrait l’emporter et le pays pourrait alors conserver la Constitution actuelle, écrite sous la dictature. Le président Gabriel Boric qui, lui, est favorable au nouveau texte constitutionnel, se prépare à cette éventualité. Lors d’une interview à la télévision, il a déclaré cette semaine que si la nouvelle Constitution était rejetée, il faudrait « tout recommencer à zéro ».
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Gabriel Boric anticipe et se projette après le référendum. Si la nouvelle Constitution est rejetée, « il faudra de nouvelles élections, pour élire une nouvelle assemblée qui rédigera un nouveau texte constitutionnel », a-t-il dit. Et son argument est que le Chili a voté de façon très claire lors du premier référendum d’octobre 2020 en faveur d'une nouvelle Constitution écrite par des personnes élues par les citoyens. 


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Plusieurs membres de son secteur ont critiqué son annonce, eux qui n’envisagent qu'une issue possible au référendum : l’approbation du nouveau texte constitutionnel. Selon une députée de la coalition présidentielle, « ce qu’il faut faire aujourd’hui, c’est concrétiser la mise en place de la nouvelle Constitution au lieu d’envisager des scénarios encore fictifs », s’est-elle agacée.
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L’opposition, quant à elle, a plutôt bien accueilli les paroles du président, puisqu’en effet la droite rejette la nouvelle Constitution et considère alors comme «raisonnable » et « réaliste » que le gouvernement se prépare à cette éventualité. 

Les deux camps ont encore sept semaines pour tenter de convaincre les indécis car trois Chiliens sur 10 ne savent pas encore ce qu’ils voteront le 4 septembre prochain.

13 juillet, 2022

RÉFÉRENDUM CONSTITUTIONNEL AU CHILI: «CONTRE LE FASCISME, NOUS VOULONS FAIRE GAGNER DU TERRAIN AU FÉMINISME, À L’ÉCOLOGIE ET À LA JUSTICE SOCIALE»

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PHOTO DE MARCELO HERNANDEZ
LOGO DU QUOTIDIEN
 LIBÉRATION
Apruebo ou rechazo ? Approbation ou rejet ? Le 4 septembre, le peuple chilien sera appelé à se prononcer sur le projet de nouvelle Constitution proposé par l’Assemblée constituante, qui a remis sa version finale au président de gauche Gabriel Boric le 4 juillet, après un an de travaux. Le texte est l’aboutissement d’un processus entamé au lendemain de l’«Estallido», un puissant mouvement social né en 2019 et qui portait, parmi ses revendications principales, la volonté de débarrasser le Chili de sa Constitution actuelle, datée de 1980 et héritée du dictateur Augusto Pinochet. Présentée par ses partisans comme démocratique, sociale, écologiste et féministe, la nouvelle loi fondamentale mettrait le pays sur la voie d’un «tournant radical», juge Manuela Royo, députée de l’Assemblée constituante. De passage à Paris, où elle est notamment auditionnée ce mercredi par l’Assemblée nationale, l’avocate et militante pour l’environnement et les peuples autochtones promet de faire des deux mois à venir «un moment d’éducation politique», alors que le rechazo est pour l’heure donné gagnant dans les urnes.

par Samuel Ravier-Regnat

Vous êtes en visite en Europe pour parler du projet de nouvelle Constitution au Chili. Quel est l’objectif de votre démarche ?

PHOTO PÚBLICO

Nous voulons raconter au monde le processus constituant qui a vu le jour au Chili pour solliciter un soutien international. Nous pensons aussi que le projet élaboré par l’Assemblée constituante peut être une source d’inspiration pour les pays étrangers, car il répond aux problématiques contemporaines majeures. En matière de droits des femmes, par exemple, nous proposons la première Constitution féministe du monde. Nous voulons établir une démocratie paritaire, qui réserverait au moins 50 % des emplois de son administration à des femmes, et protéger le droit à l’avortement. Ce dernier point est particulièrement important, compte tenu des événements survenus ces dernières semaines aux États-Unis [où la Cour suprême a annulé la jurisprudence garantissant le droit fédéral à l’IVG]. Nous proposons de passer d’un État néolibéral à un État de droit et à un État social. Il s’agirait d’un tournant radical, au regard du poids du néolibéralisme dans l’histoire de notre pays.

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La Convention constituante était constituée en majorité d’indépendants qui n’avaient jamais été élus avant, vous par exemple. Comment avez-vous vécu cette année de travaux, jusqu’à la remise du projet de Constitution la semaine dernière ?

Ça a été très difficile, très exigeant. Nous avons été exposés, dans les médias ou sur les réseaux sociaux notamment. En même temps, ça a été un processus riche, grâce auquel nous avons pu discuter avec des personnes que nous n’avions jamais rencontrées auparavant. La présence d’autant de conventionnels indépendants a permis de générer une force supplémentaire pour pousser les revendications du peuple dans le projet de Constitution.

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En tant qu’avocate et militante, vous vous êtes battue pour les droits des autochtones du Chili, comme les Mapuches. Que pensez-vous de la proposition formulée par l’Assemblée constituante de reconnaître officiellement onze de ces peuples ?

C’est une étape importante dans l’histoire compliquée des relations entre le pouvoir central et les peuples autochtones, dont les terres ont été massivement usurpées, par la violence, notamment au XIXe siècle. Nous voulons reconnaître des droits spécifiques aux peuples autochtones, sur le plan territorial, culturel ou linguistique. Ainsi, le Chili se mettrait à jour de ses obligations juridiques internationales, notamment dans le cadre de l’Organisation internationale du travail (OIT), et remplirait enfin la vieille promesse du premier président post-Pinochet, Patricio Aylwin, qui s’était engagé à accorder une reconnaissance constitutionnelle aux peuples autochtones. Nous proposons un chemin vers le dialogue, en reconnaissant l’importance de l’interculturalité et du lien spécifique qui unit les peuples autochtones et la nature.

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Au sein de l’Assemblée constituante, 17 sièges étaient réservés aux peuples autochtones. La première présidente, Elisa Loncón, était Mapuche. S’agit-il aussi d’un tournant en matière de participation politique des autochtones ?

La présidence d’Elisa Loncon a été un moment symbolique très fort, car les femmes et les peuples autochtones ont longtemps été exclus des structures de pouvoir au Chili. Ici comme dans le reste du monde, les décisions sont le plus souvent prises par des hommes blancs, hétérosexuels, propriétaires. D’ailleurs, Elisa Loncón a subi beaucoup de critiques de certaines franges de la droite, qui l’ont attaquée avec des arguments racistes et coloniaux. Nous pensons que dans une démocratie, la vie politique doit être plus inclusive, que ce soit en matière de genre ou en matière ethnique.

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Sur la protection de l’environnement, trouvez-vous que le projet de nouvelle Constitution aille assez loin ?

Si le texte est adopté, ce sera la première Constitution au monde à consacrer un chapitre entier à la protection de l’environnement. Il propose de nombreuses mesures importantes et définit, dès l’article premier, l’État chilien comme écologique. Il établit l’existence d’une relation d’interdépendance entre les êtres humains et la nature, ce qui rompt avec le paradigme moderne dans lequel la nature est seulement un territoire d’exploitation au service de l’économie humaine. La nature dispose de droits qui doivent être protégés. L’eau, par exemple, est un enjeu crucial. Le Chili est le seul pays au monde où la Constitution consacre la propriété privée de la ressource hydrique. Nous proposons, à rebours de la logique extractiviste, de reconnaître l’eau comme «bien commun inappropriable». Sans eau, sans air, on ne peut pas vivre. C’est pourquoi nous pensons qu’il faut conférer une protection juridique à ces biens, qui sont aussi importants que la sécurité économique ou l’ordre public. Après, bien sûr, il y a de nombreux aspects qui devront être approfondis avec le temps. Je pense par exemple à la protection des glaciers, qui sont de véritables réservoirs d’eau.

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Les propositions de l’Assemblée constituante sur l’environnement ou les peuples autochtones ont été critiquées par la droite, qui redoute qu’elles affaiblissent l’économie minière du Chili. Qu’en pensez-vous ?

C’est un argument absolument absurde. D’autres pays ont déjà reconnu l’existence et les droits des peuples autochtones, comme le Canada, la Nouvelle-Zélande ou la Bolivie, qui a longtemps joui d’une situation de croissance et de stabilité économique. Pour avoir un rapport plus équilibré avec la nature, nous devons nous débarrasser de la vision traditionnelle de l’économie et des dogmes du XIXe siècle. La croissance n’est pas illimitée. Il faut donc réfléchir à d’autres voies de développement pour notre pays. Les savoirs des peuples autochtones, par exemple en termes de préservation de la biodiversité, peuvent nous y aider.

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Comment comprenez-vous cette opposition très forte de la droite et des secteurs conservateurs au projet de Constitution ?

Le processus constituant est né du mouvement social de 2019, qui mettait profondément en cause la classe politique traditionnelle. C’était un mouvement de contestation d’un système néolibéral responsable de la privatisation du pays, de l’exclusion et de la précarisation de franges entières de la population. Ceux qui disposent de pouvoirs ou de privilèges ont participé à ce système, ils en sont complices et ils veulent le statu quo. L’administration néolibérale aussi. Au-delà de ça, une partie de la droite chilienne est en train de dévier dangereusement vers le fascisme, comme le montre l’accession au second tour du candidat d’extrême droite José Antonio Kast l’année dernière. C’est quelque chose qu’on peut voir dans le monde entier. Nous proposons d’aller dans le sens inverse : contre le fascisme, nous voulons faire gagner du terrain à la gauche, à l’écologie, au féminisme et à la justice sociale.

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Pour le moment, les sondages donnent une victoire du rechazo, le non, au référendum. Comment abordez-vous les deux mois à venir ?

Nous savons que cela va être une période très difficile. Les adversaires de notre projet de Constitution mobilisent des ressources économiques très importantes, qui leur viennent notamment des multinationales, des propriétaires d’eau ou des propriétaires terriens. Ceux-là s’opposent à une redistribution du pouvoir et des richesses. Ils utilisent les médias pour diffuser des fausses nouvelles et manipuler l’information, en disant par exemple que la Constitution permettra des expropriations et autorisera les femmes à avorter jusqu’à neuf mois de grossesse. Ils se servent aussi des enquêtes d’opinion pour propager l’idée selon laquelle le rechazo est sûr de gagner. Nous, nous savons que nos meilleures armes sont le texte constitutionnel que nous proposons et la vérité. Nous pouvons dire que tout ce que nous avions promis pendant la campagne électorale se retrouve dans le projet de Constitution : nous avions promis une Constitution féministe, écologiste, qui garantisse le droit à l’eau et reconnaisse les droits sociaux comme la santé ou l’éducation. Tout est là. Pendant deux mois, nous allons faire du porte-à-porte pour expliquer aux Chiliens quel est le contenu du projet. Et nous allons nous efforcer de démonter les mensonges de la droite. Nous voulons faire de ces deux mois un moment d’éducation politique, pour que le peuple puisse prendre une décision éclairée.

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Si le non l’emporte, la Constitution de Pinochet restera en vigueur, malgré le mouvement social de 2019 et l’élection de Boric. Qu’est-ce que cela signifiera pour le peuple chilien ?

Cela générerait une crise institutionnelle très grave. Pour tous les gens qui sont descendus dans la rue ces dernières semaines, ce serait le signal que la voie politique et institutionnelle ne permet pas de transformer la réalité. Aujourd’hui, nous portons donc une énorme responsabilité. Nous devons empêcher que la Constitution de Pinochet reste en vigueur encore trente années supplémentaires, jusqu’à la prochaine crise sociale.

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