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PHOTO JAVIER TORRES / AFP Après un an de travaux, l’Assemblée constituante née du mouvement social de 2019 a remis au président Gabriel Boric un projet ambitieux, qui tranche avec la Constitution néolibérale héritée du dictateur Augusto Pinochet.
RÉFÉRENDUM SUR LA NOUVELLE CONSTITUTION CHILI 4S 2022 « J'APPROUVE » |
Un nouveau visage pour le Chili. C’est ce que proposent les 154 membres de l’Assemblée constituante qui a remis ses travaux ce lundi au président Gabriel Boric, un an jour pour jour après la naissance de cet organe dont la création avait été massivement approuvée par référendum, fin 2020, dans la foulée du puissant mouvement social de 2019. Leur projet dessine un système politique plus démocratique, plus écologiste, et plus soucieux des droits des femmes et des populations autochtones. Il devra être validé par le peuple chilien, appelé à retourner aux urnes, le 4 septembre prochain, pour un nouveau référendum.
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Une victoire du «oui», dans deux mois, représenterait un tournant majeur dans l’histoire de ce pays de la côte ouest de l’Amérique latine, longtemps considéré comme un laboratoire des politiques néolibérales dans le sous-continent, avec ses systèmes de retraites et d’éducation privatisés. Et pour cause : la Constitution actuellement en vigueur, qui date de 1980, est héritée du dictateur Augusto Pinochet, chantre de la dérégulation de l’économie et accessoirement accusé avant sa mort de multiples violations des droits humains, parmi lesquels des actes de torture. Elu en fin d’année dernière dans une nouvelle répercussion de «l’estallido», la vague de manifestations qui a ébranlé le Chili en 2019, le nouveau chef d’Etat de gauche Gabriel Boric ne s’y est pas trompé. «Nous devons être fiers qu’au moment de la crise la plus profonde […] que notre pays ait connue depuis des décennies, les Chiliens et les Chiliennes aient opté pour plus de démocratie et non pour moins», a salué l’ancien leader étudiant lors d’une cérémonie officielle organisée à Santiago.
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«État social et démocratique»
Contrairement à la loi fondamentale qui régit présentement le pays, le projet de nouvelle Constitution garantit le droit à la santé physique et mentale, à l’éducation et à la sécurité sociale. Dès son premier article, le texte définit le Chili comme «un Etat social et démocratique», mais aussi «plurinational, interculturel, régional et écologique». Les conventionnels réclament la reconnaissance d’au moins onze peuples autochtones, dotés de droits spécifiques. Une véritable ligne rouge pour les groupes les plus conservateurs, qui sont vent debout contre ces dispositions.
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«Le Chili est une économie minière, centrée sur l’exportation de matières premières. Une bonne partie de la droite redoute que les propositions de l’Assemblée constituante remettent en cause certains grands projets d’extraction. Mais cela relève surtout du fantasme», juge Antoine Maillet, politologue à l’université du Chili, basée à Santiago. Bien qu’ils l’aient un temps envisagée, les conventionnels n’ont par exemple pas retenu l’idée d’interdire l’extraction minière, bannie depuis quelques mois du Salvador et du Honduras. En revanche, ils accordent des «droits à la nature» et définissent l’eau comme un «bien commun inappropriable».
Garantir et sanctuariser le droit à l’avortement
En matière d’égalité de genre, l’Assemblée constituante se veut également pionnière, et prolonger «l’estallido», au cours duquel les mouvements féministes ont joué un rôle moteur. L’institution propose que «tous les organes collégiaux de l’Etat», ainsi que les organes de gestion de l’administration ou les conseils d’administration des services publics soient paritaires. Avec 77 hommes et 77 femmes dans ses rangs, elle respecte elle-même parfaitement ce principe. Les conventionnels veulent aussi constitutionnaliser le droit à l’avortement, ce qui serait une première mondiale. Et un symbole fort, à l’heure où la Cour suprême des Etats-Unis réduit en miettes toutes les garanties fédérales concernant l’IVG.
Sa mission désormais achevée, l’Assemblée constituante a été dissoute. La conclusion de douze mois de débats âpres et intenses, au sein d’un organe composé en majorité d’indépendants et où dix-sept sièges avaient été réservés à des représentants des peuples autochtones, comme la Mapuche Elisa Loncon, première présidente de l’Assemblée. Si la droite ne disposait pas de la minorité de blocage, fixée à un tiers, qu’elle avait espérée, les discussions ont parfois été ternies par la circulation massive de fausses nouvelles.
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«Une véritable campagne de dénigrement»
«Dans les médias détenus par la droite et sur les réseaux sociaux, il y a eu une véritable campagne de dénigrement, déplore Antoine Maillet. Par exemple, un sénateur de droite, membre de la famille de l’ancien candidat d’extrême droite à l’élection présidentielle José Antonio Kast, répète que l’Assemblée constituante veut autoriser l’avortement jusqu’à neuf mois. C’est absolument faux». Pour autant, les travaux des 155 conventionnels sont allés au bout, et Pierre Lebret, ancien conseiller de l’ex-présidente socialiste du Chili Michelle Bachelet, y voit «un processus hyper démocratique et très innovant». «C’est un exemple pour le monde entier», salue le chercheur franco chilien.
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S’ouvre désormais une nouvelle bataille, qui se jouera sur le terrain électoral. La droite est farouchement opposée au projet de la nouvelle Constitution, que le gouvernement soutient discrètement, par peur d’associer son destin à celui du texte. Car les sondages sont mauvais, qui donnent pour l’heure une victoire - certes serrée - du «rechazo», le non au référendum. Mais nombre de Chiliens se déclarent encore indécis. «Je vous invite à débattre intensément de la portée du texte, mais pas des mensonges, déformations ou interprétations catastrophistes qui sont déconnectées de la réalité», a averti le président Gabriel Boric. Et d’ajouter : «Une nouvelle fois le peuple aura le dernier mot sur son destin».
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