18 mars, 2024

SOUTIEN MÉDIATIQUE À PRENSA LATINA FACE À LA CYBERATTAQUE CONTRE SA CHAÎNE YOUTUBE

  [ Cliquez sur l'image pour l'agrandir ]

CAPTURE D'ÉCRAN PRENSA LATINA

Soutien médiatique à Prensa Latina face à la cyberattaque contre sa chaîne YouTube / La Havane, 18 mars 2024. Des médias de presse, des journalistes et des intellectuels de plusieurs pays ont exprimé leur rejet de la cyberattaque contre la chaîne YouTube de l'agence latino-américaine d'information Prensa Latina (PL), condamnation qui se poursuit aujourd'hui.

Prensa Latina

Le soutien à ce média contre-hégémonique est également venu de Chine, de Russie, des pays du groupe des Brics et du monde arabe avec la solidarité de la multiplateforme Al Mayadeen, avec laquelle Prensa Latina partage son engagement au service de la vérité et à la défense des causes justes.

► À lire aussi :        DÉBUT DE L'INSURRECTION DE LA COMMUNE DE PARIS

Le président de la Casa de las Américas, Abel Prieto, a déclaré sur le réseau social X que cette action est la réponse typique du fascisme à ceux qui défendent la vérité et les causes populaires.

► À penser en dessin : FENÊTRE SUR COUR

Pour sa part, le président de Prensa Latina, Luís Enrique González, a confirmé que personne ne fera taire la voix du Sud global et que l’attaque informatique révèle la solidité du travail de l’agence, raison pour laquelle elle se trouve au centre d’attaques des groupes hégémoniques planétaires.

► À lire aussi :        INVITATION HOMMAGE À PABLO NERUDA À VILLEJUIF

Selon le communiqué de Prensa Latina, le compte de messagerie associé à sa chaîne YouTube a été piraté et modifié samedi dernier, à la place duquel apparaît désormais une société états-unienne.

L’entité plagiaire s’appelle MicroStrategy et conserve des données sur la date d’ouverture de la chaîne, les visites et les abonnés accumulés similaires à celles de Prensa Latina TV.

peo/livp/jf/lld  

#Cuba #Journalisme #Prensa Latina #presse

 [ Cliquez sur l'image pour l'agrandir ]

SUR LE MÊME SUJET :

PRENSA LATINA, UNE AGENCE DE PRESSE BASÉE À CUBA, DÉNONCE UNE CYBERATTAQUE VISANT SA CHAÎNE YOUTUBE

 [ Cliquez sur l'image pour l'agrandir ]

Prensa Latina, une agence de presse basée à Cuba, dénonce une cyberattaque visant sa chaîne YouTube / LA HAVANE, 17 mars 2023 -- L'agence de presse latino-américaine Prensa Latina, basée à Cuba, a signalé dimanche une cyberattaque visant sa chaîne YouTube Prensa Latina TV.
Selon un communiqué publié par le siège de l'agence à La Havane, l'attaque s'est produite samedi lorsque le compte e-mail associé à la chaîne a été "piraté" et que ses mots de passe ont été changés pour en empêcher l'accès.


La cyberattaque visait à réduire l'agence au silence sur les plateformes numériques, a confié à Xinhua Luis Enrique Gonzalez, président de Prensa Latina.

"Il s'agit d'une attaque contre la vérité défendue par Prensa Latina depuis près de 65 ans", a déclaré M. Gonzalez, faisant référence au rôle de l'agence depuis sa création.

La chaîne YouTube de Prensa Latina, ouverte en 2012, comptait 64.500 abonnés. Elle a connu une croissance dynamique l'année dernière, accumulant plus de 9,6 millions de vues, selon l'agence.

Plusieurs médias cubains ont fait état dimanche de cette cyberattaque.

Prensa Latina espère que Google "enquête sur ce qui s'est passé et adopte les mesures nécessaires" pour récupérer la chaîne "attaquée en violation des règles les plus élémentaires du fonctionnement d'Internet". Fin


ENTRETIEN / AU CHILI, « LE DÉCROCHAGE EST TOTAL AU SEIN DES CLASSES POPULAIRES »

LE PRÉSIDENT CHILIEN GABRIEL BORIC S'EXPRIME DEVANT LE
  PALAIS DE LA MONEDA À SANTIAGO DU CHILI, LE 16 MARS 2024.
PHOTO LUCAS AGUAYO ARAOS


Entretien / Au Chili, « le décrochage est total au sein des classes populaires » / À mi-mandat, le président Gabriel Boric n’a pas encore été en mesure de mener les profondes réformes attendues, nous explique Franck Gaudichaud, spécialiste de l’Amérique latine. / À la tête de l’État depuis mars 2022 et élu avec l’espoir de réorienter son pays sur la voie du progressisme, le jeune président Gabriel Boric (38 ans) semble plutôt avoir recentré sa politique, incapable de faire le poids face au bloc conservateur ni de fédérer la gauche autour de son gouvernement.

par Luis Reygada

À mi-mandat, quel est le bilan de celui qui avait promis de « rouvrir les grandes avenues » du président socialiste Salvador Allende ?

Gabriel Boric est arrivé au pouvoir en incarnant l’espoir d’un tournant postnéolibéral, dans un contexte très particulier puisqu’il fait suite à l’explosion sociale de 2019. Il était porté par des demandes très fortes, sociales notamment, et à la tête d’une coalition incluant des partis bien plus à gauche que lui (comme le Parti communiste chilien) et fondamentalement critique des vingt années de gouvernement de la période post-dictature, la Concertation (entre 1990 et 2010), marquée par des compromissions, voire une gestion néolibérale du pouvoir par les gouvernements de gauche durant cette période.

► À lire aussi :        INVITATION HOMMAGE À PABLO NERUDA À VILLEJUIF

Boric arrive donc avec des promesses de réformes profondes dans un pays où le privé représentait le socle structurant de la société, avec une mainmise sur d’amples secteurs largement libéralisés (éducation, santé, retraites, etc.). De façon générale, c’est donc l’espoir d’un « nouveau Chili » dans lequel le public réussirait à reprendre le dessus sur les forces du marché que Boric avait laissé entrevoir. Sur tous ces aspects, le bilan est extrêmement décevant.

Faute de majorité au Congrès ?

Oui mais pas seulement. Le gouvernement n’est pas en position de force au sein des institutions, il doit donc négocier en permanence et finit par gouverner très au centre, voire au centre droit. Mais le président n’a pas su tirer profit de la lune de miel des six premiers mois de son mandat : il a tout misé sur l’approbation du premier projet de Constitution pour consolider une dynamique politique d’orientation progressiste. Son rejet (à 62 %, en septembre 2022 – NDLR) a été une douche froide. Le gouvernement est apparu comme neutralisé, incapable de reprendre l’initiative politique.

Par ailleurs, le manque de capacité à mobiliser les bases sociales et les mouvements sociaux fait que le gouvernement ne compte pas sur un soutien large et structuré qui lui permette de faire le poids face aux forces de l’opposition. Encore moins de défier l’oligarchie chilienne, qui elle peut compter sur les partis les plus conservateurs et traditionnels pour représenter ses intérêts.

Des avancées ont tout de même été réalisées, et les sondages donnent au président un taux d’approbation entre 26 et 30 % ?

Tout à fait, ce qui est plus que ses prédécesseurs. Au bout de deux ans, il peut toujours compter sur un socle et il est indéniable qu’il dispose d’un certain ancrage au sein des classes moyennes progressistes diplômées. Mais le décrochage est total au sein des classes populaires.

Il y a eu des avancées en matière sociale (baisse à 40 heures de la durée hebdomadaire du travail, hausse des salaires minimaux, accès à la santé primaire gratuite facilité…) mais les grandes réformes structurelles n’ont jamais pu voir le jour, et le cadre dominant reste totalement capitaliste et dominé par la même oligarchie. La déception est très grande et renforce l’extrême droite.

Une montée aussi favorisée par un contexte sécuritaire défavorable, avec une hausse de la criminalité ?

Il est vrai que, en à peu près six ans, le Chili a vu multiplier par deux son taux de crimes les plus violents. Toutefois, les chiffres montrent une amélioration depuis l’arrivée de Gabriel Boric, mais il est face à un autre problème difficile à surmonter : la capacité des médias dominants à imposer dans le débat public des thématiques qui lui sont défavorables, voire à manipuler.

Pour autant, la réponse au problème de la violence a aussi beaucoup déçu certains secteurs à gauche. La réforme du corps des carabiniers, responsable de graves violations des droits de l’homme, notamment en 2019, n’a jamais eu lieu. Boric avait toujours refusé de militariser la question de l’ordre public, c’est désormais chose faite.

Nous sommes bien loin du président « de gauche radicale » que la droite aime présenter ?

Dans les faits, le président Boric a multiplié les actions gestes symboliques qui ont montré une évolution de son positionnement idéologique vers le centre droit, au point de revendiquer l’héritage du président démocrate-chrétien Patricio Aylwin (1990-1994). Boric s’était pourtant construit politiquement en opposition à cette période historique.

► À penser en dessin : FENÊTRE SUR COUR

À ce jour, nous pouvons dire que son mandat s’inscrit plus dans une continuité de ce qu’a représenté l’époque de la transition et si l’on doit faire une comparaison, c’est plus à Michelle Bachelet que son administration pourrait ressembler plutôt qu’à celle du gouvernement de l’Unité populaire des années 1970.

#Chili #Gabriel Boric


SUR LE MÊME SUJET :

 


17 mars, 2024

THOMAS PIKETTY : « LES LEÇONS DE LA CONSTITUTION DE WEIMAR POUR AUJOURD’HUI »

 [ Cliquez sur l'image pour l'agrandir ] 

MUR D'UNE ÉCOLE DE LA RÉPUBLIQUE DE WEIMAR :
AFFICHES ÉLECTORALES 1930-32. (SPD, CENTRE, KPD
PHOTO DEUTSCHER BUNDESTAG

DÉBATS / HISTOIRE / Thomas Piketty : « Les leçons de la Constitution de Weimar pour aujourd’hui » CHRONIQUE / Il y a cent ans, la gauche allemande se lançait dans une vaste opération de redistribution des richesses de la famille régnante. Un épisode riche d’enseignements pour notre époque, estime l’économiste dans sa chronique. 

par Thomas Piketty

Temps de Lecture 3 min.

 THOMAS PIKETTY LE 23 AVRIL 2014
 À BERKELEY , EN CALIFORNIE.
PHOTO DE JUSTIN SULLIVAN

Il y a tout juste un siècle, au printemps 1924, la gauche allemande se lançait dans un combat difficile pour redistribuer les richesses des Hohenzollern, la famille régnante qui venait de perdre le pouvoir outre-Rhin avec l’abdication de Guillaume II et la création de la République de Weimar, en 1919. Riche de leçons pour aujourd’hui, cet épisode méconnu mérite d’être rappelé. Il illustre la capacité des élites à utiliser le langage du droit pour perpétuer leurs privilèges, quelles que soient l’ampleur de leur fortune et l’importance des besoins collectifs : hier la reconstruction des sociétés européennes meurtries par les guerres, aujourd’hui les nouveaux défis sociaux et climatiques.

L’épisode est d’autant plus intéressant que la Constitution de Weimar est considérée comme l’une des plus avancées sur le plan social et démocratique. En particulier, le texte constitutionnel de 1919 comme la Loi fondamentale de 1949 adoptent une définition novatrice de la propriété, envisagée dans sa finalité sociale, et non pas comme un droit strictement individuel et sans limites, indépendamment des besoins matériels et des groupes sociaux concernés. Le texte de 1919 prévoit ainsi que la loi fixe le régime de propriété immobilière et la répartition des sols en fonction d’objectifs sociaux, comme le fait d’assurer « une habitation saine à toutes les familles » et « un foyer d’activité économique correspondant à leurs besoins » (article 155). Adopté dans un contexte quasi insurrectionnel, le texte a permis d’importantes redistributions de terres et de nouveaux droits sociaux et syndicaux.

Le texte de 1949 affirme, pour sa part, que le droit de propriété n’est légitime que dans la mesure où il « contribue au bien-être général de la collectivité » (article 14). Il mentionne explicitement que la socialisation des moyens de production et la redéfinition du régime de propriété entrent dans le domaine de la loi (article 15). Les termes utilisés ouvrent la possibilité de réformes structurelles telles que la cogestion. La loi de 1951 décide que les représentants des salariés disposent de 50 % des sièges dans les organes dirigeants (conseils d’administration ou de surveillance) des grandes entreprises de l’acier et du charbon, indépendamment de toute participation au capital. La loi de 1952 étend le système à tous les secteurs d’activité. La loi de 1976 fixe le régime en vigueur actuellement, avec un tiers des sièges pour les salariés dans les entreprises comprenant entre cinq cents et deux mille salariés, et la moitié des sièges pour celles de plus de deux mille salariés.

Système révolutionnaire

C’est aussi dans ce contexte que le Parlement allemand adopte, en 1952, un ambitieux dispositif de Lastenausgleich (« partage du fardeau »), consistant en un prélèvement allant jusqu’à 50 % sur les plus hauts patrimoines financiers, professionnels et immobiliers (quelle que soit leur nature). Le système conduit à lever des sommes considérables (environ 60 % du revenu national allemand de 1952, avec des paiements s’étalant sur trente ans). Cela permet de financer des compensations importantes pour les petits et moyens patrimoines amputés par les destructions et la réforme monétaire de 1948 (1 nouveau mark a remplacé 100 anciens marks, ce qui permet de se débarrasser sans inflation de l’immense dette publique), et de rendre politiquement acceptable cette mesure essentielle pour redonner de l’air aux finances publiques. De l’avis général, ce système révolutionnaire a joué un rôle central pour reconstruire le pays sur la base d’un nouveau contrat social et démocratique (Shouldering the Burdens of Defeat. West Germany and the Reconstruction of Social Justice, « supporter le fardeau de la défaite », de Michael L. Hughes, The University of North Carolina Press, 1999, non traduit).

Pourtant, dans le cadre des luttes politiques de 1924-1926, cette modernité constitutionnelle ne va pas suffire. En Autriche, les biens impériaux des Habsbourg sont devenus des biens collectifs, sans compensation. Mais, en Allemagne, les Hohenzollern sont parvenus à conserver leurs propriétés (plus de 100 000 hectares de terres, une dizaine de châteaux, des œuvres d’art à foison, etc.). Aucune mesure fédérale de redistribution n’a été adoptée. Plusieurs jugements en 1924-1925 invalident, en outre, des décisions de gouvernements régionaux pour limiter l’usage privé et ouvrir l’accès public aux châteaux et aux œuvres d’art. À l’issue de l’hyperinflation de 1923, les princes Hohenzollern vont jusqu’à exiger une revalorisation de leurs pensions, alors que le pays est à genoux.

Impossible union de la gauche

Les communistes du KPD, finalement suivis par les sociaux-démocrates (SPD), déposent alors une proposition de loi visant à exproprier les princes au bénéfice des plus démunis. Ils rassemblent plus de douze millions de signatures en 1925, dans ce qui reste à ce jour la plus vaste pétition de l’histoire allemande. La loi est en passe d’être adoptée, mais le flou des formulations constitutionnelles sur les compensations permet au président Hindenburg d’exiger au préalable une révision constitutionnelle. Le référendum de juin 1926 rassemble seize millions d’électeurs (dont 90 % en faveur de l’expropriation). Toutefois, la participation est légèrement inférieure au seuil de 50 % requis pour modifier la Constitution.

En appelant à l’abstention et en dénonçant les risques qu’une victoire communiste ferait peser à terme sur la petite et moyenne propriété, la droite allemande et les grands propriétaires (très influents dans l’est du pays), alliés au centre et aux nazis (qui s’opposent à la lutte des classes et préconisent d’exproprier les juifs entrés dans le pays depuis 1914), sont parvenus à bloquer le processus et à empêcher l’union de la gauche qui pouvait alors se mettre en place.

L’épisode est fondamental, car il illustre l’importance des batailles constitutionnelles dans la marche historique vers l’égalité – un processus toujours en cours et qui, sans nul doute, connaîtra de nouveaux développements dans les décennies à venir.

Thomas Piketty(Directeur d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales, Ecole d’économie de Paris ) 


SUR LE MÊME SUJET :

16 mars, 2024

AU BRÉSIL, BOLSONARO A PROPOSÉ À DES MILITAIRES DE PARTICIPER À UN COUP D’ÉTAT APRÈS SA DÉFAITE EN 2022.

  [ Cliquez sur l'image pour l'agrandir ] 

IVES GANDRA MARTINS,
LE CERVEAU THÉORIQUE DU COUP D'ÉTAT

ATTAQUE CONTRE LA DÉMOCRATIE
L'ancien chef de l'armée affirme que le coup d'État discuté avec Bolsonaro était basé sur la thèse d'Ives Gandra / Des conversations entre un général de réserve et un homme en contact avec le Cid évoquent également un avocat comme base d'un coup d'État.   / Au Brésil, Bolsonaro a proposé à des militaires de participer à un coup d’État après sa défaite en 2022. (folha)

Courrier international 

La publication de 27 déclarations faites à la police fédérale par des militaires, des hommes politiques et d’anciens conseillers de Jair Bolsonaro a renforcé les soupçons quant au rôle de l’ancien président dans un complot visant à le maintenir au pouvoir et à empêcher Lula de prendre ses fonctions à la fin de l’année 2022. 

► À lire aussi :        LULA ET GAZA : GÉNOCIDE, LE MOT POUR LE DIRE

Deux témoignages en particulier, celui des commandants de l’armée de l’air et de terre, détaillent les pressions exercées sur eux et laissent entrevoir l’existence de discussions au sommet pour soutenir un putsch et adopter des mesures exceptionnelles, “incluant l’arrestation de plusieurs hommes de pouvoir, comme le président de la Cour suprême, Alexandre de Moraes”, rapporte La Folha de São Paulo.

14 mars, 2024

ANNIVERSAIRE DE LA MORT DE KARL MARX

 [ Cliquez sur l'image pour l'agrandir ] 

ANNIVERSAIRE DE LA MORT DE  KARL MARX
PHOTO ANDREW BECRAFT

 1883 - 14 mars - 2024
CENT-QUARANTE-ET-UNIÈME ANNIVERSAIRE
 DE LA MORT DE  KARL MARX

Le 14 mars 1883, il y a 141 ans, Karl Marx s’endormit paisiblement, dans son fauteuil, du dernier sommeil.
Engels écrivit : «
KARL MARX
PHOTO WIKIPÉDIA
Le 14 mars [1883], à trois heures moins un quart de l'après-midi, le plus grand des penseurs vivants a cessé de penser. Laissé seul deux minutes à peine, nous l'avons retrouvé, en entrant, paisiblement endormi dans son fauteuil, mais pour toujours.
 » (*)

► À penser en dessin : FENÊTRE SUR COUR

 [ Cliquez sur l'image pour l'agrandir ] 

 «Le 14 mars 1883, Karl Marx décède à Londres »
FLYER PCCH





13 mars, 2024

BOLIVIE : LA LUTTE ENTRE PARTISANS D'EVO MORALES ET DE LUIS ARCE FRACTURE LE MAS

 [ Cliquez sur l'image pour l'agrandir ]  

PHOTO  AIZAR RALDES / AFP

La lutte fratricide, au sein du Mouvement vers le socialisme, entre les partisans d’Evo Morales et ceux de l’actuel président Luis Arce, offre une chance à la droite de reprendre le pouvoir en 2025.

par Luis Reygada

Caïn tue Abel,
 par Peter Paul Rubens

Quatre ans après le retour inespéré de la gauche au pouvoir en Bolivie, le Mouvement vers le socialisme-Instrument politique pour la souveraineté des peuples (MAS) – est plus fracturé que jamais. Fer de lance de la révolution portée par l’ancien président Evo Morales (2006-2019), le parti est en effet scindé en deux avec une aile « eviste » (pro-Morales) à couteaux tirés avec les partisans de l’actuel président, Luis Arce, dont tout indique qu’il souhaiterait briguer un second mandat.

► À lire aussi :        ALTIPLANO

PHOTO AIZAR RALDES / AFP

Si les turbulences au sein du parti remontent à très loin, la personnalité de l’ancien syndicaliste cocacolero – notamment critiqué pour avoir instauré un modèle bâti autour de sa personne – n’y est pas pour rien. « Nombre de dissidents considèrent Evo Morales comme coresponsable du coup d’État de 2019 en raison de son entêtement à vouloir rester au pouvoir », analyse le latino-américaniste Patrick Guillaudat 1. « Dans un pays où le caudillisme est très présent, poursuit-il, le camp Arce représente, à tort ou à raison, une possibilité pour certaines organisations sociales de s’affranchir de la soumission à Morales qui leur était parfois imposée. »

► À lire aussi :       LA JUSTICE BOLIVIENNE CONDAMNE ÁÑEZ À 10 ANS DE PRISON

450 blessés lors d’un congrès en août 2023

La division du MAS a tourné à la guerre ouverte entre les deux camps après la tenue, en août 2023, du congrès de la principale force organisée du parti – la Confédération unique des syndicats paysans de Bolivie –, qui s’est soldé par une scission après une bataille rangée… faisant 450 blessés.

► À lire aussi :       AVEC « EVO » OU SANS « EVO » ?

Suivirent l’officialisation unilatérale de la candidature de Morales en tant que représentant du MAS pour les prochaines présidentielles, l’exclusion de son rival dudit parti, une décision judiciaire inhabilitant Morales pour l’élection de 2025, une tentative – de la part des evistes – de paralyser les principales routes du pays. Le tout sur fond d’accusations extrêmement graves contre le gouvernement d’Arce : supposés liens avec le narcotrafic, compromissions avec la droite, voire soumission aux intérêts nord-américains, etc.

Allié de toujours de Morales, l’ancien vice-président Álvaro García Linera s’est récemment attiré les foudres de celui-ci pour avoir proposé un compromis qui puisse réunir les deux camps : la candidature pour 2025 de l’actuel président du Sénat, le jeune syndicaliste indigène Andrónico Rodríguez (35 ans).

Ce début de semaine, ce sont les anciens présidents Alberto Fernández (Argentine), Ernesto Samper (Colombie) et José Luis Zapatero (Espagne) qui devaient profiter d’une réunion du Groupe de Puebla à Santa Cruz pour tenter de rapprocher les deux bords. « Il y a pourtant très peu de divergences politiques entre les deux camps, déplore Patrick Guillaudat, il s’agit uniquement d’une crise autour de l’exercice du pouvoir. »

► À penser en dessin : FENÊTRE SUR COUR

Seule certitude : si la crise ne se résout pas, la droite aura une chance inespérée de reconquérir la présidence en 2025. « Dans cette hypothèse, les deux camps seront perdants, mais surtout le peuple bolivien en subira collectivement les conséquences… »


(1) Patrick Guillaudat est membre du comité directeur de l’association France Amérique latine (www.franceameriquelatine.org).  

  [ Cliquez sur l'image pour l'agrandir ]  
DESSIN CARLOS AMORIM


 SUR LE MÊME SUJET :

12 mars, 2024

VENEZUELA : NICOLÁS MADURO CANDIDAT À UN TROISIÈME MANDAT

  [ Cliquez sur l'image pour l'agrandir ] 

ÉLECTIONS AU VENEZUELA / LE CHAVISME 
CHOISIT MADURO COMME CANDIDAT
PHOTO EFE

Élections au Venezuela / Le chavisme choisit Maduro comme candidat / Venezuela : Nicolás Maduro candidat à un troisième mandat. Nicolás Maduro briguera bien un troisième mandat à la tête du Venezuela lors de la présidentielle du 28 juillet, son parti ayant décidé lundi de son investiture pour ce scrutin. 
UNE DU JOURNAL 
 « EL UNIVERSAL »,
DU 9 MARS 2024
Le président “était déjà considéré comme le candidat naturel du chavisme”, observe Página 12. Le journal argentin relève que “M. Maduro fait campagne depuis des semaines et multiplie les apparitions publiques, ce qui n’est pas habituel, ainsi que les annonces de programmes sociaux de ‘nouvelle génération’.” 

► À penser en dessin : FENÊTRE SUR COUR

 Courrier international

YANICK LAHENS, ROMANCIÈRE : « TROUVER UN CRAN D’ARRÊT À CETTE CHUTE DANS L’ABÎME D’HAÏTI »

PHOTO ODELYN JOSEPH / ASSOCIATED PRESS 

TRIBUNE / Yanick Lahens Romancière haïtienne / Alors que le pays, délaissé par la communauté internationale, sombre dans le chaos, l’écrivaine haïtienne dénonce, dans une tribune au « Monde », la légèreté des politiques. / Nous avons connu ces derniers jours un effondrement brutal de nos assises dans la capitale haïtienne : l’incendie de l’ensemble des commissariats de Port-au-Prince et de sa banlieue, le saccage, le pillage et l’incendie de marchés, d’hôpitaux, de tribunaux, de commerces, d’installations portuaires, de banques et l’évasion spectaculaire de prisonniers des deux principaux centres pénitentiaires, etc. Une opération de terreur menée par des hommes lourdement armés au nom d’une révolution dont la finalité paradoxale serait un projet pour le « vivre-ensemble ».

Yanick Lahens 

Temps de Lecture 7 min. 

PORTRAIT DE YANICK LAHENS
PHOTO PHILIPPE MATSAS
Au moment où j’entame cet article, une nouvelle ronde de négociations sous l’égide de la Communauté des Caraïbes et la vigilance inquiète des États-Unis est lancée entre certains acteurs politiques afin de trouver un cran d’arrêt à cette chute dans l’abîme.

► À lire aussi :        POUR COMPRENDRE LA RÉVOLTE DES HAÏTIENS

Un constat mérite d’être dressé d’entrée de jeu. C’est bien l’incapacité de ces mêmes acteurs politiques (pouvoir en place, oppositions haïtiennes et communauté internationale) à dénouer, depuis juillet 2021, la crise par un accord négocié, qui a laissé le temps et l’espace à la mafia transnationale de la région, et à leurs alliés locaux du secteur des affaires et du secteur politique, de transformer ces assaillants en une « armée de libération nationale » autoproclamée.

► À penser en dessin : FENÊTRE SUR COUR

Certains rappels de l’histoire récente se révèlent indispensables. Ce sont bien les élections de l’année 2010 qui ont ouvert ce nouveau cycle d’instabilité, de déroute économique, de désastre social et de violence. Les États-Unis ont en effet imposé comme vainqueur de ces élections le candidat arrivé en troisième position [Michel Martelly]. Le Canada et la France très vite ont entériné cette forfaiture. Durant les deux mandats de cette force politique, Haïti a vu la dilapidation par des nationaux et des non-nationaux du fonds PetroCaribe octroyé par Hugo Chavez [ancien président du Venezuela, mort en 2013] après le séisme de 2010, la dépréciation de sa monnaie, la vassalisation des institutions, la dégradation de son économie et le renforcement de sa position géographique comme point de passage-clé des trafics de la zone latino-américaine et caribéenne.

Cette descente aux enfers a conduit à une forte hausse de la migration clandestine vers les pays voisins et à une accélération de l’exode vers les grandes villes, et particulièrement vers Port-au-Prince. L’urbanisation s’est faite sans aucune structure d’accueil pour cette population jeune qui ne se reconnaît pas vraiment dans les codes de la ville, qui a perdu les solides références du monde rural et se nourrit des impulsions à consommer des réseaux sociaux et des stimulants imaginaires violents des jeux vidéo. Les déportés, anciens prisonniers aux États-Unis, renvoyés en nombre en Haïti, ont apporté un supplément de culture violente apprise au contact des gangs dans les prisons américaines. Cette jeunesse livrée à elle-même a fini par forger, à partir de ces ingrédients, une sous-culture propre.

Dislocation de la société

Pour qui connaît l’histoire, si de tels événements et de tels indicateurs rappellent qu’Haïti est un des premiers « impensés » du monde moderne, il nous oblige, nous, Haïtiens, à questionner notre impensé interne : nous n’avons jamais su réussir l’intégration de cette majorité jadis essentiellement rurale et aujourd’hui urbaine. Or, le maintien durable des inégalités flagrantes apporte tout sauf la paix et la tranquillité. Nous en payons aussi le prix.

Durant ces vingt-cinq dernières années, la dislocation de la société a été telle que la représentativité de ce qu’on appelle la société civile est d’une faiblesse inouïe et que la dérisoire participation aux élections devrait interpeller les partis politiques sur leur poids réel. Sociétés civiles et partis politiques en ont-ils conscience ? Il est permis d’en douter. A écouter leur discours, rien ne semble les ébranler. Certaines propositions de sortie de crise sont un appel à tout détruire sur son passage pour une reconstruction future, d’autres remettent en selle des programmes avec si peu de relief qu’ils se ressemblent tous. Un regroupement de la société civile a travaillé pour tenter de mobiliser des jeunes, des troupes et a proposé une belle construction intellectuelle qui malheureusement a raté le réel et l’époque.

Au Chili, sujet à une crise politique comparable, Daniel Jadue, maire communiste de la ville de [Recoleta à] Santiago, a justifié son soutien au candidat à la présidence, le socialiste Gabriel Boric : « Le dialogue avec la réalité est la chose la plus pertinente pour avancer en politique. C’est ce dialogue qui empêche nos décisions tactiques de se fonder uniquement sur nos principes, car souvent la focalisation excessive sur les principes conduit à l’incapacité d’aller en avant. » [Jacobin]

Quant au pouvoir en place dont la responsabilité est première, il a géré, de la manière la plus traditionnelle qui soit, une crise qui demandait, par la nouveauté de sa nature, une rupture radicale avec une certaine manière de faire. Il n’a pas su opérer ce changement de paradigme. Son mutisme, son opacité, que beaucoup ont vécu comme une désinvolture, un cynisme, lui ont été fatales et ont ouvert la porte à toutes sortes de spéculations sur ses capacités et son honnêteté. Il aura creusé sa propre tombe.

Bataille serrée

C’est dans ce vide que se sont engouffrés ceux et celles que la destruction des institutions, dont les forces de police, arrange. Des personnalités politiques et du monde des affaires ont instrumentalisé les gangs dans les quartiers populaires pour la tenue d’élections, l’organisation de manifestations intempestives ou pour garantir un monopole sur des installations portuaires, sécuriser des entreprises, assurer la contrebande, les trafics en tous genres, s’enrichir sur la décote vertigineuse de la monnaie, sans oublier la pègre transnationale.

Mais, face à une telle urgence, le pouvoir et les oppositions ont investi toute leur énergie dans une bataille serrée, l’un pour se maintenir au pouvoir en comptant sur le soutien international, les autres pour accéder au pouvoir en comptant sur l’appui d’autres courants internationaux, tout en prônant publiquement une solution nationale à la crise. Nous avons assisté à des prises publiques de parole souvent affligeantes.

Mais qu’en est-il du poids de la police ? Est-elle capable seule, sans l’appui de forces internationales, de faire face à l’assaut répété d’hommes de plus en plus équipés ? Je pense que non car ce corps au salaire de misère a été affaibli par le maintien d’un embargo par les États-Unis pour l’acquisition des armes et des munitions, par des formations insuffisantes, par la corruption (certains policiers étant de collusion avec les gangs), par le départ récent de nombre d’entre eux par le biais du programme d’ouverture migratoire de Joe Biden. Ceux, honnêtes, parce qu’il en existe, quoi qu’on dise, qui continuent de défendre les vies, les biens et les rares positions stratégiques restantes, devraient avoir toute notre considération.

Le pouvoir n’a cessé de réclamer un appui international sans se montrer suffisamment proactif sur place. Les oppositions, sans proposer de plan de sécurité qui tienne la route, se sont toujours opposées à cet appui qui, d’après elles, viendrait uniquement renforcer le pouvoir actuel et ont joué la corde du nationalisme qui en Haïti trouve toujours un écho sur notre fond d’affect autour de 1804 [proclamation de l’indépendance et de la République].

Les opinions, surtout en dehors d’Haïti et dans la diaspora haïtienne, ont été travaillées par ce discours nationaliste qui a fait l’affaire de la communauté internationale, lui permettant de mettre en avant ces signaux contradictoires pour se dérober, demeurer en mode valse-hésitation, fournir contre paiement du matériel défaillant (mais quel manque de respect !) et surtout regarder ailleurs (en Ukraine par exemple, loin des chicanes des Nègres).

Sursaut de lucidité

Mais qu’il est facile quand on habite un quartier préservé de la violence, que ses enfants sont à l’étranger à l’abri ou que ceux sur place peuvent continuer leur scolarité à distance, et qu’on peut encore soi-même fréquenter boutiques et restaurants, ou quand on vit à l’étranger, de refuser toute aide extérieure à la police nationale. Or, réclamer un appui international pour un renforcement de la police, c’est renvoyer l’international à son imputabilité dans la crise depuis 2011. En détruisant l’ensemble des infrastructures policières autour de Port-au-Prince à l’annonce de la signature de l’accord entérinant l’aide du Kenya à la police haïtienne, les gangs armés s’alignaient eux aussi sur ce discours nationaliste.

Qu’est-ce qui sortira de cet énième tour de négociation ? Nous, citoyens et citoyennes, espérons une attention plus manifeste aux malheurs de la population, un sursaut de lucidité, moins d’avidité pour le pouvoir, plus de modestie et une meilleure écoute de ceux et celles qui, tout au long de ces négociations, se sont gardés de déclarations intempestives. Un nouvel émiettement serait plus que désolant. Mais fait nouveau : certains feront désormais valoir leur droit de s’asseoir aussi autour de la table, ayant gagné le statut d’acteur légitime au bout de leur fusil.

Je reprendrai ces mots d’Edgar Morin : « Comment restaurer l’espérance ? » Phrase essentielle en ce moment où les discours créés à dessein, à côté des nouvelles fabriquées, tournent principalement sur la Toile et dans la presse, en direction d’une population victime d’une désinformation propre à nourrir la haine, le désespoir, voire le goût du sang.

Moment d’isolement extrême

Je tenterai d’y répondre en deux temps. D’abord l’insécurité sévit principalement à Port-au-Prince et dans une partie [du département] de l’Artibonite. Port-au-Prince est le monstre qui dévore et cache le reste du pays. Ensuite, je voudrais souligner un événement dont beaucoup, localement et à l’international, n’ont pas mesuré l’importance : la construction sur la rivière Massacre d’un canal à la frontière avec la République dominicaine. Cette construction nous confirme qu’il existe encore dans l’île des forces vitales profondes et agissantes. Malgré le veto tout à fait illégal posé par le président dominicain, dont le pays en est à son onzième canal le long de la frontière, et la pusillanimité de l’État haïtien, des regroupements citoyens ont entamé la construction de ce canal. En représailles, la République dominicaine voisine a décidé unilatéralement de fermer sa frontière.

Contre toute attente, un mouvement migratoire à l’opposé de ce qui se passe dans le monde s’est fait durant des jours, beaucoup d’Haïtiens rentrant volontairement chez eux et laissant le secteur agricole, celui du bâtiment et du commerce frontalier en situation économique difficile en République dominicaine. Les tensions se sont apaisées depuis et le canal aujourd’hui existe. C’est une victoire, à une échelle très réduite il est vrai, sur le modèle monde dominant qui veut que la raison du plus fort économiquement soit toujours la meilleure et que les localités n’aient pas leur mot à dire. Depuis, des initiatives similaires ont vu le jour ailleurs et des expériences agricoles et communautaires novatrices ont été dévoilées par les réseaux sociaux.

L’espérance ne consiste pas à prendre d’assaut le pouvoir, mais à construire une offre politique qui ait un ancrage d’abord dans les localités et qui puisse permettre un pays plus juste et plus solidaire. Dans ce moment d’isolement extrême où se trouve Haïti, ce chemin sera long, très long, semé d’embûches et connaîtra des avancées et des échecs. Mais c’est encore le seul chemin qui vaille.

Yanick Lahens, romancière, autrice de « Douces déroutes » (éd. Sabine Wespieser, 2018), lauréate du prix Femina pour son roman « Bain de lune » (éd. Sabine Wespieser) en 2014.


Yanick Lahens  (Romancière haïtienne)


SUR LE MÊME SUJET :

11 mars, 2024

PORTUGAL : LE MONSTRE DE LA TROÏKA

  [ Cliquez sur l'image pour l'agrandir ] 

DESSIN ANDRÉ CARRILHO
L'éditorial de Cathy Dos Santos / Portugal : le monstre de la troïka / « Fascisme, plus jamais. » Le slogan phare de la révolution des œillets de 1974 a pris une claque monumentale. À l’heure où le Portugal s’apprête à célébrer le 50ème anniversaire de la chute de la vieille dictature et le retour de la démocratie, l’extrême droite s’est imposée, dimanche, comme la troisième force au sein de l’Assemblée de la République. C’est une catastrophe.

[ Cliquez sur la flèche pour visionner la vidéo ]

INSTAGRAM ANDRE_CARRILHO

« Cette caricature fut réalisée pour les dernières élections présidentielles, mais elle reste quelque peu actuelle. Apparemment, nous vivons dans un pays qui, s'il ne compte pas un tiers de fascistes, compte au moins un million de «fascistes-curieux». Ils sont prêts à l’essayer pour voir s’ils l’aiment. Je dis aussi à mes enfants d'essayer ce qu'il y a dans l'assiette, même si le plat est servi par les familles Champalimaud et Mello [riches familles du Portugal], le ministère public, les médias et le président Marcelo Rebelo de Sousa. Il y a quelques années, Salazar a été élu le plus grand Portugais du XXème siècle dans une émission télévisée, ce n'est donc pas une surprise. / Le vote de protestation en faveur de la troisième force politique est compréhensible. Par exemple, si les poules sont gouvernées par des coqs corrompus, il est parfois judicieux de confier la responsabilité du poulailler à une bande de renards car ils peuvent avoir des solutions nouvelles et intéressantes.  »

L’ascension fulgurante de Chega est inquiétante à plus d’un titre, alors que Lisbonne était hier encore épargnée par la vague brune qui dévore l’Europe. Ce mouvement populiste créé il y a à peine cinq ans n’avait réuni que 1,29 % aux législatives de 2019, contre 18 % aujourd’hui. André Ventura et ses acolytes ont joué à fond la carte de l’antisystème où l’alternance sans alternative entre la droite et Parti socialiste a rythmé la vie politique de ces quarante dernières années.


Ça suffit, de son nom français, a prospéré sur les ruines fumantes de la crise économique qui a ravagé le pays et l’humiliation de sa mise sous tutelle entre 2011 et 2015. Durant ces terribles années, avec l’assentiment du PSD de Pedro Passos Coelho, les hommes en noir de la troïka (FMI, Commission et Banque centrale européennes) ont imposé une violente cure d’austérité qui a contraint à l’exil plus de 340 000 Portugais et jeté dans la pauvreté plus de 2 millions de personnes.

La parenthèse qu’ont constituée les accords parlementaires entre les formations de gauche de 2015 à 2019 n’a jamais tout à fait permis de panser le traumatisme de la déflagration sociale subie. Chega est, en quelque sorte, le monstre de cette sinistre période.

L’extrême droite a désormais entre ses mains l’avenir du Portugal. Si l’alliance de droite devance d’une courte tête les socialistes, qui perdent leur majorité absolue en raison d’un trafic d’influence qui a conduit le premier ministre António Costa à démissionner, elle échoue à réunir une majorité à même de pouvoir légiférer seule.

Son chef de file, Luis Montenegro, assure qu’il ne conclura pas d’accord avec André Ventura, sauf à revenir sur sa parole et pactiser avec le diable. À moins de trois mois du scrutin européen, le signal envoyé est de bien mauvais augures.

 [ Cliquez sur l'image pour l'agrandir ] 

DESSIN ANDRÉ CARRILHO

Les mots-clés associés à cet article

Chega, élections portugaises,  Portugal