27 novembre, 2019

LE MÉTRO DE SANTIAGO, LIEN ENTRE LES QUARTIERS ET CIBLE DES MANIFESTANTS

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PLAN DU MÉTRO DE SANTIAGO
Réseau le plus moderne et le plus long d'Amérique latine, le métro de Santiago a subi d'importants dégâts depuis le début de la crise sociale au Chili. Il est pourtant un point de rencontre entre les habitants d'une capitale marquée par une forte ségrégation spatiale.
PHOTO AFP
Quelque 118 des 136 stations du réseau, qui relie 26 quartiers de la métropole tout au long de ses 140 km de réseau, ont subi des destructions depuis l'éclatement de la crise sociale le 18 octobre.

Ce jour-là, un appel à frauder dans le métro en raison d'une hausse du ticket aux heures de pointe se transforme en une explosion de colère qui s'abat notamment sur les infrastructures du réseau: sept stations sont réduites en cendres, 25 sont partiellement incendiées et plusieurs dizaines vandalisées, avec des distributeurs de billets, des tourniquets et même des escalators saccagés...

"Les destructions dans le métro m'affectent énormément, peu de gens passent désormais", se lamente Irma Monsalve, une vendeuse ambulante de friandises à l'entrée de la station Laguna Sur, dans la commune de Pudahuel, où vivent majoritairement des habitants de la classe populaire.

Dans cette station, les flammes ont dévoré le local de vente de tickets et les ascenseurs, et la remise en service totale ne devrait pas intervenir avant fin 2020.

La vendeuse de 70 ans reconnaît que les destructions ont "changé sa vie", mais elle soutient le mouvement de contestation sociale qui réclame une meilleure répartition de la prospérité économique que connaît le Chili depuis le retour de la démocratie en 1990.

"J'espère des lendemains meilleurs, qu'on augmente un peu les retraites, les salaires, que la santé et l'éducation s'améliorent", dit la septuagénaire qui a dû affronter les longues listes d'attente du système de santé public pour soigner son cancer.

Environ 2,9 millions, des 7 millions d'habitants de la capitale chilienne, empruntent quotidiennement le métro inauguré en 1975, en pleine dictature d'Augusto Pinochet (1973-1990).

"C'est une icône du développement que nous avons commencé à connaître dans la décennie 70 et sans aucun doute il a permis d'unir le grand Santiago", souligne Graciela Garcia, une chargée de relations publiques de 52 ans, rencontrée à la station du quartier de Las Condes, un des plus riches de la capitale.

Service crucial


Mais parmi les usagers fréquents du métro "une autre question surgit : pourquoi dois-je me déplacer de Maipu (un quartier populaire) à Las Condes pour trouver du travail ?", relève Francisco Vergara, un urbaniste et professeur à l'Université des Amériques.
"D'une certaine manière, le métro, par sa rapidité, fait perdurer la possibilité que le centre de Santiago reste proche des quartiers riches du "barrio alto" et qu'il n'existe pas de développement" des autres quartiers, souligne-t-il.

Les quartiers de Providencia, Las Condes et Vitacura forment le fameux "barrio alto", qui concentre une bonne partie du PIB du pays, avec les meilleurs emplois, les meilleures écoles privées et les logements les plus onéreux.

"Cela me fait de la peine de voir les dégâts dans le métro qui sert à tous", se lamente Ruth Ramirez, une femme de ménage de 52 ans, qui vient d'arriver par le métro dans le quartier de Las Condes pour un entretien d'embauche.

Le trajet qui dure normalement 40 minutes depuis La Florida, quartier de la classe moyenne où elle vit, s'est transformé en un périple de deux heures en raison de la destruction de stations proches de chez elle.

Felipe Bravo, qui gère la direction des projets au sein du métro de Santiago, reconnaît que cela a été douloureux de voir le métro devenir la cible de la rage des protestataires.

"Cela rompt avec tous les paramètres (...) Pour nous, le métro est un système de transport que les gens aiment, qui rend un service crucial pour la ville et nous n'aurions jamais imaginé que nous serions victimes de tout ce processus", explique M. Bravo qui évalue les dégâts à plus de 176 millions de dollars.

Dans un pays très cloisonné socialement, où le nom de famille, l'école où on a été, l'adresse où l'on vit révèlent de quel côté de la barrière sociale on se situe, le métro semblait faciliter l'intégration. Même si une majorité de passagers va dans la même direction pour travailler, vers les quartiers riches de l'est de la ville. Et même si l'inverse est beaucoup moins vrai.
Par Paula BUSTAMANTE (AFP)
GRAFFITI DE GIOVA 

25 novembre, 2019

CUBA : FIDEL CASTRO TOUJOURS SYMBOLIQUEMENT PRÉSENT, TROIS ANS APRÈS SA MORT

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UNE AFFICHE DE FIDEL CASTRO DANS UNE RUE DE LA HAVANE À CUBA, EN NOVEMBRE 2019.
PHOTO YAMIL LAGE / AFP
Souriant ou combatif, pensif ou observateur, le leader de la révolution cubaine Fidel Castro reste symboliquement très présent sur l'île, trois ans après son décès, le 25 novembre 2016.
Outre-mer la 1ère avec l'AFP
PHOTO ARCHIVE DE GRANMA
Son image orne les murs d'une grande partie du pays, a pu constater un photographe de l'AFP lors d'un voyage à travers les routes de Cuba, jusqu'à la pointe orientale. Et c'est le cas non seulement à La Havane et à Santiago de Cuba, les deux plus grandes villes cubaines, mais aussi dans des petits villages comme San Luis (est) ou Jatibonico (centre), ainsi qu'à Guantanamo (est), où se trouve une base navale américaine contestée par le gouvernement cubain.
           
Au-delà de cette présence sur les murs, Fidel Castro, décédé le 25 novembre 2016, reste l'homme qui déchaîne les passions sur l'île, considéré par certains comme un bienfaiteur et par d'autres comme le coupable des maux du pays. "Nous sommes la continuité" : c'est la devise du président Miguel Diaz-Canel, au pouvoir depuis avril 2018, qui n'a de cesse de citer Fidel Castro dans ses discours et ses tweets.
« Sous Fidel, il y avait une grande centralisation : il était président, Premier ministre, commandant en chef »      
Multipliant les déplacements pour aller à la rencontre des Cubains, le chef d'État, désigné par les députés du Parti communiste, seul autorisé sur l'île, a d'ailleurs repris ainsi le style de Fidel, mais avec une différence: il veut donner l'image d'une direction plus collégiale.
           
"Sous Fidel, il y avait une grande centralisation : il était président, Premier ministre, commandant en chef", confirme l'analyste politique Carlos Alzugaray. Son frère "Raul a hérité de cela mais il a commencé à décentraliser le pouvoir, et aujourd'hui il y a un effort pour que le gouvernement fonctionne de manière collégiale".
           
Le troisième anniversaire du décès de Fidel Castro survient à un moment de grandes tensions diplomatiques entre l'île et les États-Unis, qui ont renforcé leur embargo en vigueur depuis 1962, accusant le gouvernement cubain d'opprimer son peuple et de soutenir militairement le président Nicolas Maduro au Vénézuéla.

URUGUAY : UNE ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE TROP SERRÉE

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ILLUSTRATION RAMIRO ALONSO
Les résultats du scrutin électoral uruguayen ne seront annoncés qu'en fin de semaine. Un nouveau décompte doit être effectué, selon le tribunal électoral. 
CAPTURE D'ÉCRAN
LUIS LACALLE POU AURAIT UNE COURTE TÊTE
 D’AVANCE SUR SON ADVERSAIRE.
PHOTO SANTIAGO MAZZAROVITCH / AP 
L'Uruguay n'a pas encore de nouveau président. Alors que les résultats de l'élection présidentielle devaient déterminer, dimanche, qui de Luis Lacalle Pou (centre droit) ou de Daniel Martinez (gauche) serait le nouveau chef de l'État, le tribunal électoral du pays a fait savoir que les résultats étaient trop serrés pour être annoncés. Il va donc attendre un nouveau décompte afin de se prononcer « d'ici à vendredi ».

« Le tribunal ne va pas annoncer de vainqueur ce soir », a déclaré à l'Agence France-Presse le président de l'institution, José Arocena. Avec plus de 99,5 % des bulletins dépouillés, la différence de quelque 30 000 voix entre les deux candidats est inférieure au nombre de bulletins litigieux. L'autorité électorale va donc procéder à un décompte total. L'Uruguay n'a pas encore de nouveau président. Alors que les résultats de l'élection présidentielle devaient déterminer, dimanche, qui de Luis Lacalle Pou (centre droit) ou de Daniel Martinez (gauche) serait le nouveau chef de l'État, le tribunal électoral du pays a fait savoir que les résultats étaient trop serrés pour être annoncés. Il va donc attendre un nouveau décompte afin de se prononcer « d'ici à vendredi ».

« Le tribunal ne va pas annoncer de vainqueur ce soir», a déclaré à l'Agence France-Presse le président de l'institution, José Arocena. Avec plus de 99,5 % des bulletins dépouillés, la différence de quelque 30 000 voix entre les deux candidats est inférieure au nombre de bulletins litigieux. L'autorité électorale va donc procéder à un décompte total.

Une heure après la fermeture des bureaux de vote, à 22 h 30 GMT, le candidat de centre droit de 46 ans, héritier d'une dynastie politique uruguayenne, était donné en tête devant l'ancien maire de Montevideo de 62 ans et représentant du parti au pouvoir, le Frente Amplio (Front élargi), selon des sondages réalisés à la sortie des urnes.

Des étapes constitutionnelles et légales à respecter


Mais au fil des heures et du dépouillement officiel, le résultat s'est resserré. « Ils ont essayé de nous enterrer, mais ils ne savaient pas que nous étions des graines », a déclaré devant des milliers de militants Daniel Martinez, qui s'est exprimé en premier sur un ton enjoué et en refusant de reconnaître sa défaite.

« Malheureusement, le candidat du gouvernement ne nous a pas appelés et n'a pas reconnu un résultat que nous croyons irréversible », a regretté ensuite Luis Lacalle Pou face à ses partisans, indiquant que l'actuel président de la République, Tabaré Vazquez, l'avait, lui, appelé. Les deux candidats ont appelé à l'« unité » et à la « patience » jusqu'au résultat final. Hormis quelques concerts de klaxons et des pétards, les rues de Montevideo étaient calmes et aucun incident majeur n'avait été signalé dans la soirée.

Le nouveau président, qui succédera à Tabaré Vazquez, prendra ses fonctions en mars pour cinq ans. L'actuel chef de l'État a assuré que l'Uruguay respecterait « toutes les étapes constitutionnelles et légales », faisant allusion aux crises qui secouent plusieurs pays de la région.

« Aujourd'hui, nous pouvons choisir, que l'on gagne ou que l'on perde. C'est un droit et un devoir, et vu l'état de la région, tout le monde n'a pas cette possibilité. Il faut savoir l'apprécier », déclare Juan Pablo Abella, 40 ans, venu voter avec sa compagne et leur fils de 9 ans. « On est nés tous les deux sous la dictature » militaire dans les années 1970, souligne-t-il.

Luis Lacalle Pou en tête des sondages


« On veut que le Frente Amplio gagne, car on sent qu'avec la gauche nos droits sont garantis », espère-t-il, mais, « quoi qu'il arrive, il faudra l'accepter, car nous voulons la démocratie avant tout, c'est ce qu'on explique à notre fils ». Au premier tour, Luis Lacalle Pou était arrivé deuxième derrière Daniel Martinez, ingénieur franco-uruguayen de 62 ans. Mais il a ensuite mis en place une coalition avec les autres prétendants battus, allant de la droite aux sociaux-démocrates et lui permettant de caracoler en tête des sondages.

Alors que plusieurs pays latino-américains connaissent de graves crises politiques et sociales, « l'Uruguay continue d'être cité comme un exemple de démocratie qui fonctionne dans la région, tout en rejetant les issues populistes extrémistes », souligne Paul Webster Hare, ex-ambassadeur britannique qui a été en poste à Cuba et au Venezuela, et qui est désormais professeur à l'université de Boston (États-Unis).

Pour Diego Lujan, politologue de l'université de la République, la plus grande d'Uruguay, ce second tour s'apparentait à un référendum pour ou contre la gauche. « Quand il y a un parti qui est au gouvernement depuis trois mandats, avec la majorité au Parlement et qui peut appliquer son programme, les résultats sont de la responsabilité de ce parti », explique-t-il.

La criminalité en tête des préoccupations des électeurs


Lors des dernières élections, en 2014, l'économie était en croissance et le programme était incarné par Tabaré Vazquez, premier président de gauche de l'Uruguay (2005-2010) et l'un des dirigeants historiques du Frente Amplio. Tabaré Vazquez avait battu Luis Lacalle Pou, fils de l'ancien président Luis Alberto Lacalle (1990-1995) et candidat pour la première fois.

La coalition de gauche avait alors « des réussites à mettre à son actif », mais « ce troisième gouvernement du FA a peu de succès à faire valoir », relève Diego Lujan. En 15 ans, la coalition au pouvoir a notamment approuvé l'avortement (2012), le mariage homosexuel (2013) et a été pionnière dans la légalisation du cannabis (2013).

Dans ce pays réputé pour être l'un des plus sûrs d'Amérique latine, la criminalité arrive en tête des préoccupations des électeurs. L'Uruguay a connu une hausse de 45 % des homicides entre 2017 et 2018. Dans le domaine économique, le taux de chômage se rapproche des 9,5 % et le coût de la vie ainsi que la pression fiscale reviennent souvent parmi les récriminations des chefs d'entreprise et des commerçants.
ILLUSTRATION LA DIARIA

TRIBUNE LIBRE UN COUP D’ÉTAT OCCULTÉ DANS LES MÉDIAS. EN BOLIVIE, LA BÊTE IMMONDE EST DE RETOUR


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 « LA BIBLE EST DE RETOUR AU PALAIS PRÉSIDENTIEL  »
DESSIN MIKE FLUGENNOCK
Jamais, dans sa carrière de journaliste, Tom Phillips n’avait vécu cela. Arrivé à El Alto, près de La Paz, le lendemain du massacre devant la raffinerie de Senkata, le correspondant du Guardian en Amérique latine a été accueilli par les applaudissements d’une haie d’honneur. L’image circule sur les réseaux sociaux. Elle cloue au pilori les grands médias.
PHOTO L’HUMANITÉ
PHOTO MAÏTÉ PINERO
Deux jours après le coup d’État, le nouveau ministre du Gouvernement, Arturo Murillo, et sa ministre des Communications annonçaient que les journalistes « séditieux » seraient arrêtés, leur nom publié. Le jour même, tous les journalistes et techniciens argentins étaient agressés par les comités civiques de Santa Cruz, les milices fascistes. Ils étaient contraints de se regrouper, puis de se réfugier à l’hôtel, avant d’être exfiltrés par leur ambassade.

Telesur a pu émettre pendant quelques jours, ses reporters sur le terrain (Marco Teruggi et Willy Morales) multipliant les précautions, parlant de « gouvernement de facto », tandis que, dans les studios, le présentateur évoquait clairement « le coup d’État ». La chaîne a informé sur les massacres à Cochabamba puis à Senkata. Après les derniers reportages, celui à l’hôpital d’El Alto, où l’on entend des cris de douleur, où l’on voit des cadavres, où un médecin désespéré, Aiver Guarana, arrêté depuis, pleure devant la caméra, les transmissions ont été coupées.

À Senkata, en direct de la tuerie, un journaliste latino-américain se désolait : « Nous sommes deux. Où est la presse internationale ? » Il filmait le massacre. Depuis, il se cache parmi la population d’El Alto.

De nouveaux « journalistes » sont apparus. Ils portent des masques et des casques estampillés « prensa ». Sur une vidéo, ils agressent un étudiant en cinéma et documentaire, qui leur lance : « Je fais le travail que la presse ne fait pas ! » Les prétendus « journalistes » le désignent aux policiers, qui l’arrêtent aussitôt.

Les médias français et européens sont absents. Un rideau de fer médiatique s’est abattu sur le pays. La Fédération internationale des journalistes, le SNJ et le SNJ-CGT ont eu beau dénoncer le coup d’État, silence !

À l’exception de l’Humanité, la presse censure la tragédie : pas un mot ou presque sur la maire indigène enduite de peinture rouge et tondue, pas un mot sur les paysans conduits au bord d’une lagune, forcés de s’agenouiller puis emmenés vers une destination inconnue, pas un mot ou presque sur l’incendie et le pillage des maisons d’Evo Morales, de sa sœur, des élus et responsables du Mouvement vers le socialisme (MAS), le parti politique du président, pas un mot ou presque sur la répression des manifestants, partis jeudi d’El Alto avec leurs martyrs dont les cercueils ont été abandonnés dans les rues, sous les tirs.

Les riches blancs donnent libre cours au racisme et à leur soif de vengeance : ils ne supportaient pas qu’un Indien, un Aymara, nationalise les richesses du pays pour créer des écoles et des universités, rendre la santé gratuite, donner des pensions de retraite, réduire de moitié la pauvreté, le chômage et l’analphabétisme. Et donne à la majorité du pays, les « peuples premiers », leur place dans la société et au pouvoir. À commencer par leur drapeau, le Wiphala, dont le nom signifie la victoire qui ondoie, qui était le second drapeau du pays. Du jamais-vu.

Français et Européens, vous ne saurez rien de la tragédie. Éditorialistes et « experts » patentés sont de sortie. Au mieux, vous aurez un débat : c’est un coup d’État ou de la barbe à papa ?

La vérité, obstinée et sanglante, fait son chemin. Ce coup d’État a suivi le scénario du Golpe Blando (Lawfare), élaboré par Gene Sharp, théoricien de la CIA.

La vérité ? Les accusations de fraude aux élections sont un montage de la droite et de la CIA.

La vérité ? L’Organisation des États américains (OEA), « ministère des Colonies » financé à 60 % par les États-Unis, a joué le rôle déclencheur du coup d’État. Deux centres d’études, dont le Center For Economic And Policy Research de Washington, ont critiqué le rapport de l’OEA, affirmant que, même si les votes contestés étaient reportés sur la liste de l’opposition, Evo Morales arrivait largement en tête.

La censure prolonge l’implication de l’Union européenne et de la France. Le Parlement européen a refusé d’inscrire le terme de « coup d’État » à l’ordre du jour du débat sur la situation en Bolivie. Federica Mogherini, responsable de la politique étrangère de l’UE a reconnu le putsch en arguant de la nécessité d’éviter « le vide du pouvoir ».

Depuis, le représentant de l’UE, Léon de la Torre se trouve au chevet de la dictature. André Chassaigne, député communiste, a adressé une question écrite au gouvernement, lui demandant si les interventions de l’UE et de la France ont pour but de « participer et aider au rétablissement d’un État de droit ou de faire pression sur les élus majoritaires pour qu’ils se soumettent ». Il lui réclame « d’informer immédiatement la représentation nationale sur le sens réel, le contenu et les démarches effectuées par la France et l’Union européenne en Bolivie ».

Quant à l’administration Trump, organisatrice en coulisse du coup d’État, elle laisse ses complices faire le sale boulot.

Dénigrés et menacés, les députés et sénateurs du MAS, majoritaires à 70 % à l’Assemblée plurinationale, ont voté pour de nouvelles élections que l’UE, compromise dans la reconnaissance du coup d’État, était pressée de pouvoir annoncer. Quelles garanties alors que l’armée ratisse les campagnes pour y semer la terreur ? Que les arrestations et les disparitions se multiplient ?

L’intervention de la porte-parole MAS de l’Assemblée, Sonia Brito, dont la gestuelle traduit la véhémence, a été censurée sur Twitter. Au Sénat, sa collègue, dans une déclaration alambiquée et précipitée, souligne : « Des médias annoncent que le groupe radical aurait pacté avec l’opposition. C’est faux. Cela n’est pas un pacte… Je ne vais pas contredire la couverture du gouvernement de transition. (…) Je ne pense pas qu’un gouvernement de transition expulse ses concitoyens, cause 32 morts, plus de 780 blessés, arrête plus de 1 000 personnes, accuse les journalistes de sédition. »

Les putschistes menaçaient de promulguer, lundi, un décret pour annoncer le nouveau scrutin, si le Parlement n’acceptait pas leurs conditions.

Quelles conditions ? Il suffit de voir le cabinet fantoche faisant le signe du WP (White Power) de la « suprématie blanche » lors de leur prestation de « serment » pour comprendre son objectif : installer durablement un régime raciste et fasciste.

« Si nous laissons passer ce qui se passe en Bolivie, cela risque de se passer partout », a déclaré José Luis Zapatero, l’ex-président du gouvernement espagnol. L’avertissement rappelle celui lancé par les antifascistes, les artistes et intellectuels des années 1930. Le voile noir médiatique, le silence des élites, le rôle de l’UE nous préparent des lendemains cauchemardesques, car c’est de nous qu’il s’agit aussi. La bête immonde est de retour. L’histoire enseigne qu’il est impossible de l’apprivoiser.


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24 novembre, 2019

CHILI : PILLAGE D’UNE BANQUE, ATTAQUES DE COMMISSARIATS

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CETTE JOURNÉE DE SAMEDI S’EST SOLDÉE PAR 127 BLESSÉS, 
PARMI LES CIVILS ET LES MEMBRES DES FORCES DE L’ORDRE, 
ET PRÈS DE 300 ARRESTATIONS AU 
NIVEAU NATIONAL, SELON LA POLICE. 
PHOTO PHOTO GORAN TOMASEVIC, REUTERS
Les violences ont continué samedi au Chili, en pleine crise sociale depuis plus d'un mois, avec le pillage d'une banque près de Santiago, le saccage de commerces et l'attaque de commissariats, et des dizaines de blessés et arrestations, a annoncé la police.
PHOTO MARTIN BERNETTI
Une manifestation vendredi à Maipu, dans la banlieue de la capitale, a dégénéré en violences toute la nuit. Un groupe en a profité pour prendre d'assaut une banque et en repartir avec 150 millions de pesos (environ 190.000 dollars), 16.000 dollars, 3.800 euros et deux armes, a précisé le lieutenant Cristobal Lillo à des médias locaux.

À la suite d'une nouvelle manifestation massive sur la plaza Italia à Santiago, épicentre du mouvement social, des commerces, supermarchés et bureaux ont été mis à sac dans le centre-ville. Deux centres commerciaux et un centre culturel ont été incendiés par des personnes portant des capuches, selon le bilan transmis par la police.

Des manifestants ont également attaqué sept commissariats à travers le pays, dans la capitale et dans les villes de La Calera (centre), Bulnes et Los Angeles (sud).


Cette violente journée de samedi s'est soldée par 127 blessés, parmi les civils et les membres des forces de l'ordre, et près de 300 arrestations au niveau national, selon la police.

Le gouvernement avait pourtant lancé vendredi un appel au calme après une recrudescence de violences. La protestation, déclenchée le 18 octobre par une augmentation du prix du ticket de métro à Santiago, s'est vite étendue à des revendications plus larges, débouchant sur la plus grave crise sociale que le Chili ait connue en trois décennies.

Sur les plus de 2.000 blessés enregistrés depuis le début de la crise, plus de 200 ont subi des lésions oculaires graves dues à des munitions spéciales employées par les forces de l'ordre. La police avait annoncé mardi qu'elle suspendait l'utilisation de ces munitions.

Entre le 18 octobre et le 15 novembre, 17.434 personnes ont été poursuivies en justice pour des délits commis durant les manifestations. Il s'agit d'une hausse de 72 % par rapport à la même période de l'année dernière, a noté le parquet chilien.
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«NOUVELLE 
CONSTITUTION»

AU CHILI, DES ASSEMBLÉES CONSTITUANTES FICTIVES EN ATTENDANT LE VRAI CHANGEMENT

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LA RÉDACTION D'UNE NOUVELLE CONSTITUTION
 FAIT PARTIE DES REVENDICATIONS
DES MANIFESTANTS CHILIENS.
En avril prochain, les Chiliens pourront dire oui ou non à une nouvelle Constitution. C’est l’une des revendications du mouvement de contestation. En attendant, des assemblées de quartier ont lieu à travers tout le pays, et même des simulations d'Assemblée constituante.

« NOUVELLE CONSTITUTION OU RIEN »

Les manifestations se poursuivent cinq semaines après le début du mouvement social historique pour demander des réformes sociales profondes et protester contre les inégalités. Parmi les revendications, une nouvelle Constitution pour remplacer celle adoptée sous la dictature du général Pinochet et toujours en vigueur aujourd'hui.

Vote à main levée


À l'ombre des arbres, une petite trentaine de personnes, surtout des étudiants, sont assis en cercle sur les pelouses du parc O'Higgins, l'un des plus grands de Santiago. Ils débattent ensemble du modèle politique qu'ils souhaitent voir établi par leur future Constitution, si les Chiliens votent oui au référendum prévu en avril prochain. « Concernant le pouvoir législatif, qui souhaite qu'il y ait une seule chambre parlementaire ? »

Après que des étudiants en droit ont expliqué brièvement les principales questions qui doivent ou peuvent être tranchées par la Constitution, les participants votent à main levée : pour ou contre un régime présidentiel, pour ou contre un État décentralisé, pour ou contre la reconnaissance des peuples indigènes dans la Constitution.

« Je pense qu'il est très important que les députés et sénateurs qui seront élus à l'avenir soient réellement représentatifs de la population, estime Emilio Miranda, étudiant ingénieur. Et pour ça, la seule option qui me vient, c'est de mettre en place des quotas de femmes par exemple, ou des quotas pour les peuples indigènes. »

Certains participants souhaitent aussi plus de démocratie directe, par exemple que les citoyens puissent organiser des référendums sur certaines questions.

Des propositions 


Ils espèrent que leurs propositions et celles d'autres assemblées citoyennes organisées depuis le début du mouvement seront prises en compte par les partis politiques. Lors du référendum prévu en avril prochain, les Chiliens pourront non seulement dire si oui ou non ils veulent une nouvelle Constitution, mais aussi définir qui devra la rédiger.

La plupart des partis d'opposition de gauche ont proposé ce samedi d'imposer la parité et d'ouvrir le vote aux jeunes à partir de 16 ans si les Chiliens choisissent d’élire une Assemblée constituante l'année prochaine. Des propositions qui doivent être examinées dès ce lundi par le gouvernement.


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22 novembre, 2019

CHILI : NOUVEAUX INCIDENTS VIOLENTS LORS DE MANIFESTATIONS.

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« LE PRÉSIDENT PIÑERA JOUE À «PIN PON» » 
DESSIN ALEN LAUZAN
“De graves incidents dans diverses régions” ont marqué “une nouvelle journée de manifestations” jeudi au Chili, résume La Tercera
LES ÉTUDIANTS DU SECONDAIRE ONT APPELÉ À
FRAUDER LE MÉTRO DE SANTIAGO AFIN DE PROTESTER
STATION D
E MÉTRO « MONEDA »
PHOTO AGENCIA UNO
Alors que la crise sociale dure depuis plus d’un mois, le quotidien fait notamment état de l’incendie et du saccage d’un centre commercial à Quilicura, au nord de Santiago, après un rassemblement pour protester contre des tortures que des policiers auraient infligées à de jeunes manifestants. Et fait part de l’arrêt d’un service de train à Valparaiso, où des “manifestations massives” se sont “soldées par des troubles”. Le mouvement de protestation sociale qui a débuté le 18 octobre est le plus important que le Chili ait connu en trois décennies. Vingt-deux personnes ont été tuées pendant ces manifestations.

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LES NEW-YORKAIS PROTESTENT CONTRE
L’INÉGALITÉ AU CHILI ET SON PRÉSIDENT
LE 28 OCTOBRE 2019  À NEW YORK
PHOTO LISA COCHRAN

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CHILI. LA CONSTITUTION HÉRITÉE DE PINOCHET ENFIN ÉBRANLÉE


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SANTIAGO, LE 15 NOVEMBRE. POINT PRESSE DE PARLEMENTAIRES
APRÈS L’ACCORD POUR UNE NOUVELLE CONSTITUTION.
PHOTO J. SALVO/AFP
Référendum, réforme constitutionnelle, excuses présidentielles... le chef de l’État et la coalition de droite tentent de faire céder le mouvement social.
Par Vadim Kamenka
« PAIX,  JUSTICE »
« PLAZA ITALIA», DEVENUE L'ÉPICENTRE
DU MOUVEMENT DE CONTESTATION

La loi fondamentale de 1980 vit-elle ses derniers jours au Chili ? Vendredi, au bout de plusieurs heures de négociation, la coalition gouvernementale qui rassemble la droite autour du président Sebastian Piñera et les principaux partis de l’opposition politique ont conclu un « accord pour la paix et la nouvelle Constitution ». Celui-ci prévoit d’organiser un référendum en avril 2020 sur un éventuel remplacement du texte fondamental (1).

C’est une première victoire pour le mouvement social qui a éclaté le 18 octobre dernier, à la suite d’une hausse du ticket de métro à Santiago. Si une nouvelle Constitution et une Assemblée constituante font partie des principales revendications, cette révolte remet également en cause le système économique et social instauré sous Augusto Pinochet (1973-1990). À l’époque, l’administration et le gouvernement qui accueillent à bras ouverts les idéologues de l’École de Chicago vont transformer le pays en champion du néolibéralisme (privatisations, transformation du système de retraites, coupes budgétaires…).

Malgré une cote de popularité de 17 %, Sebastian Piñera n’entend pas démissionner


Quel impact aura cet accord historique sur les mobilisations ? Hier, des manifestations devaient encore se tenir dans la capitale. Le 15 novembre, ils sont encore descendus par milliers dans les rues de Santiago pour dénoncer la cherté de la vie, les faibles pensions et les inégalités (1 % des Chiliens possèdent 25 % du PIB). Sebastian Piñera l’a bien compris. Le 18 novembre, le chef de l’État a évoqué, dans une allocution télévisée depuis le palais présidentiel de La Moneda, la nécessité de conclure plusieurs accords sociaux et en priorité sur le régime des retraites. Avec ce système totalement privé, une grande majorité de Chiliens ont des pensions en dessous du salaire minimum. Les retraites comme l’éducation et la santé font donc partie des revendications. Interrogé par l’AFP, Marcelo Mella, politologue à l’université de Santiago, estime que «l’accord représente l’occasion de construire un processus participatif pour la rédaction d’une nouvelle Constitution, mais (il) doute de l’impact à court terme de cet accord, notamment pour les quartiers défavorisés ».

Avec une cote de popularité de 17 %, le président chilien, qui n’entend pas démissionner, veut faire basculer l’opinion publique. Après sa proposition de référendum constitutionnel accueillie favorablement par 67 % des personnes interrogées, selon un sondage de l’institut Cadem publié dimanche, il a condamné la répression policière. « Il y a eu un recours excessif à la force, des abus ou des délits ont été commis et les droits de tous n’ont pas été respectés », a déclaré Sebastian Piñera, qui a promis « d’aider les victimes ». Il a également assuré qu’il n’y aura pas d’impunité pour des « actes d’une violence exceptionnelle » et pour « des abus »… Selon plusieurs enquêtes menées par l’Institut national des droits humains (INDH, organisme indépendant), l’ONU ou Amnesty International, plus de 22 personnes ont été tuées, 2 000 blessées (dont 1 000 par armes à feu) et 4 200 détenues. Ces rapports évoquent de nombreux cas de violences sexuelles, de tortures, d’enlèvements, de tabassages et condamnent de graves violations des droits de l’homme par la police. Le président est d’ailleurs visé par une plainte pour délit de lèse-humanité.
(1) La Constitution actuelle a été approuvée en 1980 lors d’un référendum largement contesté, organisé en pleine dictature.
Vadim Kamenka