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Référendum, réforme constitutionnelle, excuses présidentielles... le chef de l’État et la coalition de droite tentent de faire céder le mouvement social.
SANTIAGO, LE 15 NOVEMBRE. POINT PRESSE DE PARLEMENTAIRES
APRÈS L’ACCORD POUR UNE NOUVELLE CONSTITUTION.
PHOTO J. SALVO/AFP
Par Vadim Kamenka
« PAIX, JUSTICE »
« PLAZA ITALIA», DEVENUE L'ÉPICENTRE
DU MOUVEMENT DE CONTESTATION
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La loi fondamentale de 1980 vit-elle ses derniers jours au Chili ? Vendredi, au bout de plusieurs heures de négociation, la coalition gouvernementale qui rassemble la droite autour du président Sebastian Piñera et les principaux partis de l’opposition politique ont conclu un « accord pour la paix et la nouvelle Constitution ». Celui-ci prévoit d’organiser un référendum en avril 2020 sur un éventuel remplacement du texte fondamental (1).
C’est une première victoire pour le mouvement social qui a éclaté le 18 octobre dernier, à la suite d’une hausse du ticket de métro à Santiago. Si une nouvelle Constitution et une Assemblée constituante font partie des principales revendications, cette révolte remet également en cause le système économique et social instauré sous Augusto Pinochet (1973-1990). À l’époque, l’administration et le gouvernement qui accueillent à bras ouverts les idéologues de l’École de Chicago vont transformer le pays en champion du néolibéralisme (privatisations, transformation du système de retraites, coupes budgétaires…).
Malgré une cote de popularité de 17 %, Sebastian Piñera n’entend pas démissionner
Quel impact aura cet accord historique sur les mobilisations ? Hier, des manifestations devaient encore se tenir dans la capitale. Le 15 novembre, ils sont encore descendus par milliers dans les rues de Santiago pour dénoncer la cherté de la vie, les faibles pensions et les inégalités (1 % des Chiliens possèdent 25 % du PIB). Sebastian Piñera l’a bien compris. Le 18 novembre, le chef de l’État a évoqué, dans une allocution télévisée depuis le palais présidentiel de La Moneda, la nécessité de conclure plusieurs accords sociaux et en priorité sur le régime des retraites. Avec ce système totalement privé, une grande majorité de Chiliens ont des pensions en dessous du salaire minimum. Les retraites comme l’éducation et la santé font donc partie des revendications. Interrogé par l’AFP, Marcelo Mella, politologue à l’université de Santiago, estime que «l’accord représente l’occasion de construire un processus participatif pour la rédaction d’une nouvelle Constitution, mais (il) doute de l’impact à court terme de cet accord, notamment pour les quartiers défavorisés ».
Avec une cote de popularité de 17 %, le président chilien, qui n’entend pas démissionner, veut faire basculer l’opinion publique. Après sa proposition de référendum constitutionnel accueillie favorablement par 67 % des personnes interrogées, selon un sondage de l’institut Cadem publié dimanche, il a condamné la répression policière. « Il y a eu un recours excessif à la force, des abus ou des délits ont été commis et les droits de tous n’ont pas été respectés », a déclaré Sebastian Piñera, qui a promis « d’aider les victimes ». Il a également assuré qu’il n’y aura pas d’impunité pour des « actes d’une violence exceptionnelle » et pour « des abus »… Selon plusieurs enquêtes menées par l’Institut national des droits humains (INDH, organisme indépendant), l’ONU ou Amnesty International, plus de 22 personnes ont été tuées, 2 000 blessées (dont 1 000 par armes à feu) et 4 200 détenues. Ces rapports évoquent de nombreux cas de violences sexuelles, de tortures, d’enlèvements, de tabassages et condamnent de graves violations des droits de l’homme par la police. Le président est d’ailleurs visé par une plainte pour délit de lèse-humanité.
(1) La Constitution actuelle a été approuvée en 1980 lors d’un référendum largement contesté, organisé en pleine dictature.
Vadim Kamenka