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PLAN DU MÉTRO DE SANTIAGO |
Réseau le plus moderne et le plus long d'Amérique latine, le métro de Santiago a subi d'importants dégâts depuis le début de la crise sociale au Chili. Il est pourtant un point de rencontre entre les habitants d'une capitale marquée par une forte ségrégation spatiale.
PHOTO AFP |
Ce jour-là, un appel à frauder dans le métro en raison d'une hausse du ticket aux heures de pointe se transforme en une explosion de colère qui s'abat notamment sur les infrastructures du réseau: sept stations sont réduites en cendres, 25 sont partiellement incendiées et plusieurs dizaines vandalisées, avec des distributeurs de billets, des tourniquets et même des escalators saccagés...
"Les destructions dans le métro m'affectent énormément, peu de gens passent désormais", se lamente Irma Monsalve, une vendeuse ambulante de friandises à l'entrée de la station Laguna Sur, dans la commune de Pudahuel, où vivent majoritairement des habitants de la classe populaire.
Dans cette station, les flammes ont dévoré le local de vente de tickets et les ascenseurs, et la remise en service totale ne devrait pas intervenir avant fin 2020.
La vendeuse de 70 ans reconnaît que les destructions ont "changé sa vie", mais elle soutient le mouvement de contestation sociale qui réclame une meilleure répartition de la prospérité économique que connaît le Chili depuis le retour de la démocratie en 1990.
"J'espère des lendemains meilleurs, qu'on augmente un peu les retraites, les salaires, que la santé et l'éducation s'améliorent", dit la septuagénaire qui a dû affronter les longues listes d'attente du système de santé public pour soigner son cancer.
Environ 2,9 millions, des 7 millions d'habitants de la capitale chilienne, empruntent quotidiennement le métro inauguré en 1975, en pleine dictature d'Augusto Pinochet (1973-1990).
"C'est une icône du développement que nous avons commencé à connaître dans la décennie 70 et sans aucun doute il a permis d'unir le grand Santiago", souligne Graciela Garcia, une chargée de relations publiques de 52 ans, rencontrée à la station du quartier de Las Condes, un des plus riches de la capitale.
Service crucial
Mais parmi les usagers fréquents du métro "une autre question surgit : pourquoi dois-je me déplacer de Maipu (un quartier populaire) à Las Condes pour trouver du travail ?", relève Francisco Vergara, un urbaniste et professeur à l'Université des Amériques.
"D'une certaine manière, le métro, par sa rapidité, fait perdurer la possibilité que le centre de Santiago reste proche des quartiers riches du "barrio alto" et qu'il n'existe pas de développement" des autres quartiers, souligne-t-il.
Les quartiers de Providencia, Las Condes et Vitacura forment le fameux "barrio alto", qui concentre une bonne partie du PIB du pays, avec les meilleurs emplois, les meilleures écoles privées et les logements les plus onéreux.
"Cela me fait de la peine de voir les dégâts dans le métro qui sert à tous", se lamente Ruth Ramirez, une femme de ménage de 52 ans, qui vient d'arriver par le métro dans le quartier de Las Condes pour un entretien d'embauche.
Le trajet qui dure normalement 40 minutes depuis La Florida, quartier de la classe moyenne où elle vit, s'est transformé en un périple de deux heures en raison de la destruction de stations proches de chez elle.
Felipe Bravo, qui gère la direction des projets au sein du métro de Santiago, reconnaît que cela a été douloureux de voir le métro devenir la cible de la rage des protestataires.
"Cela rompt avec tous les paramètres (...) Pour nous, le métro est un système de transport que les gens aiment, qui rend un service crucial pour la ville et nous n'aurions jamais imaginé que nous serions victimes de tout ce processus", explique M. Bravo qui évalue les dégâts à plus de 176 millions de dollars.
Dans un pays très cloisonné socialement, où le nom de famille, l'école où on a été, l'adresse où l'on vit révèlent de quel côté de la barrière sociale on se situe, le métro semblait faciliter l'intégration. Même si une majorité de passagers va dans la même direction pour travailler, vers les quartiers riches de l'est de la ville. Et même si l'inverse est beaucoup moins vrai.
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