18 novembre, 2019

AMÉRIQUE LATINE. UNE CHAPE DE PLOMB S’ABAT SUR LA BOLIVIE


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Vingt personnes sont mortes depuis la démission d’Evo Morales. Jeanine Añez, qui s’est proclamée chef d’État, invite l’armée à réprimer.

« COUP D’ÉTAT EN BOLIVIE »
Le départ d’Evo Morales ne fait que donner des ailes aux putschistes. Selon un dernier bilan de la Cour interaméricaine des droits humains (Cidh), pas moins de 23 personnes étaient mortes, dimanche en début d’après-midi, depuis le début de la crise. Celle-ci a éclaté du fait de la contestation, par la droite libérale – appuyée par Washington –, de la victoire au premier tour de l’élection présidentielle, le 20 octobre, du président sortant, le socialiste Evo Morales. Sur ces 23 victimes, 20 sont décédées depuis la démission de celui-ci, départ motivé par sa volonté d’« éviter un bain de sang ». Vendredi, neuf personnes ont été tuées. Parmi elles, cinq paysans, réprimés alors qu’ils manifestaient, avec des milliers d’autres, au cri d’« Evo reviens ! ». Et samedi, la Cidh a recensé quatre nouvelles victimes. Au total, 122 personnes ont été blessées sur les seules journées de vendredi et samedi. « Les premiers décès étaient dus surtout à des affrontements violents entre manifestants rivaux, mais les plus récents semblent être le résultat d’un usage inutile et disproportionné de la force par la police et l’armée », a dénoncé Michelle Bachelet, la haut-commissaire de l’ONU pour les Droits de l’homme.

Un mandat d’arrêt contre le président sortant


 « LA BIBLE EST DE RETOUR AU PALAIS PRÉSIDENTIEL  »
DESSIN MIKE FLUGENNOCK
La putschiste Jeanine Añez, qui s’est autoproclamée mardi dernier chef d’État par intérim, a pris un décret, jeudi, qui autorise l’armée à participer aux opérations de maintien de l’ordre… sans avoir à affronter une quelconque responsabilité pénale. Evo Morales a dénoncé ce texte, y voyant une «carte blanche et (une) impunité pour massacrer le peuple ».

Le président sortant est sous le coup d’un mandat d’arrêt et Jeanine Añez a prévenu que s’il revenait à La Paz il devrait « répondre devant la justice » d’irrégularités lors du déroulement de l’élection du 20 octobre. Elle-même ne s’est pourtant pas embarrassée des règles en s’autoproclamant, sans même avoir l’appui de la majorité du Parlement, présidente intérimaire. Elle a informé qu’Evo Morales n’aurait pas le droit de se présenter lors de l’élection présidentielle qui doit être réorganisée avant le 22 janvier et a même invité son parti, le Mouvement vers le socialisme, à « se trouver un candidat ».

L’approbation ou le silence coupable


 «  UNE AUTRE ÉTOILE POUR LEUR DRAPEAU  »DESSIN MIKE FLUGENNOCK
Les ressortissants des pays latino-américains, qui ont dénoncé le coup d’État, sont dans le viseur des nouvelles autorités. Cuba a commencé à procéder au rapatriement de ses 725 médecins et coopérants. Six membres de la brigade médicale cubaine ont été arrêtés, sous le prétexte fallacieux de financer la mobilisation contre Jeanine Añez…

Ce coup d’État se déroule avec l’approbation ou le silence coupable des grandes puissances. Washington et Brasilia ont reconnu, jeudi, Jeanine Añez comme présidente. La France, elle, ne dénonce pas l’illégalité de cette prise de pouvoir, renvoyant tout le monde dos à dos. « Le président Evo Morales a annoncé sa démission. La France prend acte de cette décision et des annonces qui ont été faites sur l’organisation de la transition. Elle appelle toutes les parties à la retenue. » La Russie s’est démarquée. Son ministre adjoint des Affaires étrangères, Sergei Ryabkov, a déclaré à Ria Novosti que « la Russie considérera Jeanine Añez comme la dirigeante de Bolivie, mais seulement jusqu’aux élections », précisant que, pour son pays, « qui prend en compte qu’il n’y avait pas le quorum au Parlement » pour désigner Jeanine Añez présidente, les événements qui ont mené au départ de Morales s’apparentent à un coup d’État.
Gaël De Santis
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