30 août, 2023

LE CHILI ANNONCE UN PLAN NATIONAL DE RECHERCHE DES DISPARUS DE LA DICTATURE

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LE PRÉSIDENT CHILIEN GABRIEL BORIC SE TIENT PRÈS D'UNE
PROCHE  D'UN DISPARU PENDANT QUE LE GOUVERNEMENT
 ANNONCE UN PLAN NATIONAL DE RECHERCHE DES DISPARUS
DE LA DICTATURE, LE 30 AOÛT 2023 À SANTIAGO.
PHOTO PRÉSIDENCE CHILIENNE VIA REUTERS
Le Chili annonce un plan national de recherche des disparus de la dictature/ Le président chilien Gabriel Boric a lancé mercredi un Plan national pour la recherche de la vérité et de la justice, visant à retrouver plus de 1 000 personnes disparues pendant la dictature du général Augusto Pinochet. C'est la première fois que l'État prend part aux recherches.

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Par FRANCE 24 avec l'AFP

2 mn

L'État chilien va prendre en charge, pour la première fois, les recherches pour tenter de retrouver plus de 1 000 personnes disparues pendant la dictature du général Augusto Pinochet (1973-1990), a annoncé le président Gabriel Boric mercredi 30 août, à quelques jours du 50ème anniversaire du coup d'État militaire. 

LE CHILI LANCE UN PLAN NATIONAL DE RECHERCHE DES DISPARUS DE LA DICTATURE

Pendant des décennies, ces recherches ont presque exclusivement été du ressort des familles, et seules 307 dépouilles ont été retrouvées. Le sort de 1 162 autres reste inconnu.

"La justice a trop tardé", a déclaré le président Boric, en lançant le Plan national pour la recherche de la vérité et de la justice, première initiative officielle de ce type. "La seule façon de construire un avenir plus libre et plus respectueux de la vie et de la dignité humaine est de connaître toute la vérité", a-t-il ajouté lors d'une cérémonie organisée à l'extérieur du palais présidentiel, à laquelle les forces d'opposition de droite n'ont pas assisté. 

Reconstituer la trajectoire des victimes

Financé par l'État, ce plan vise à reconstituer la trajectoire des victimes après leur détention et leur disparition. La plupart des disparus étaient des ouvriers et des paysans âgés en moyenne d'une trentaine d'années.

"Aucun autre gouvernement n'a eu la volonté politique nécessaire pour faire en sorte que cette épreuve ne concerne pas seulement les proches, mais la société dans son ensemble et l'État qui a fait disparaître nos proches", a réagi Gaby Rivera, présidente de l'Association des proches des détenus et des disparus lors de la cérémonie. 

Le 11 septembre 1973, Augusto Pinochet a organisé avec le soutien de la CIA un coup d'État militaire au Chili contre le président socialiste Salvador Allende, démocratiquement élu trois ans plus tôt, et a imposé jusqu'en 1990 une dictature militaire marquée par une répression sanglante. Environ 40 000 personnes ont été torturées et 3 200 ont été assassinées ou sont toujours portées disparues.

Manque de coopération des forces armées

Jusqu'à présent, le principal obstacle à la recherche des disparus a été le manque de coopération des forces armées. Les associations des familles les accusent de détenir toutes les informations mais de refuser de les donner au nom d'un "pacte de silence". 

À la fin des années 1990, les militaires ont fourni des informations sur quelque 200 détenus dont les corps auraient été jetés à la mer. Cependant, certains de ces corps ont été retrouvés dans des fosses communes.

Augusto Pinochet est mort en 2006 sans jamais avoir été condamné pour les crimes commis par son régime.

FRANCE 24 avec l'AFP

Avec AFP

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CHILI : L’ÉTAT VA PRENDRE EN CHARGE LA RECHERCHE
DES DISPARUS DE LA DICTATURE LE PRÉSIDENT DU CHILI
GABRIEL BORIC A ANNONCÉ MERCREDI 30 AOÛT
 LE LANCEMENT DU PLAN NATIONAL DESTINÉ À PRENDRE
EN CHARGE LES RECHERCHES DES DISPARUS DE LA DICTATURE
 (PHOTO : DES PORTRAITS DE DISPARUS DE LA DICTATURE
 LORS D’UN HOMMAGE AU CHILI, EN SEPTEMBRE 2022).
PHOTO ELVIS GONZALEZ/EPA/ EFE/MAXPPP


28 août, 2023

CHILI: SEPT EX-MILITAIRES CONDAMNÉS POUR LE MEURTRE DU CHANTEUR VICTOR JARA SOUS LA DICTATURE

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DES PROCHES DU CHANTEUR CHILIEN VICTOR JARA,
ASSASSINÉ  EN 1973, ET LEUR AVOCATE DEVANT LE
TRIBUNAL  FLORIDIEN À ORLANDO, LE 27 JUIN 2016.
PHOTO LES NEUHAUS / AFP
Chili: sept ex-militaires condamnés pour le meurtre du chanteur Victor Jara sous la dictature/ La Cour suprême vient de condamner définitivement sept anciens militaires pour le meurtre du chanteur populaire Victor Jara. Six d’entre eux écopent de 25 années de prison pour enlèvement et homicide. L’artiste, connu à l’international, avait été arrêté au lendemain du coup d’État mené par le général Augusto Pinochet en 1973 contre le président socialiste Salvador Allende.

Avec notre correspondante à Santiago, Naila Derroisné

2 mn

DESSIN ENEKO LAS HERAS

Le verdict de la justice chilienne tombe quelques jours avant les commémorations des 50 ans du coup d’État et marque la fin de plusieurs décennies d’impunité pour la famille du chanteur. C’est en 1978, en pleine dictature, que la veuve de Victor Jara dépose plainte pour la première fois. Mais à cette époque, aucune enquête n’est ouverte... 24 ans plus tard, l’avocat de la famille reprend le dossier et mène l’affaire devant les tribunaux.

ILLUSTRATION KATIA ODARTCHENKO

► À lire aussi :     50ème ANNIVERSAIRE DU COUP D'ÉTAT AU CHILI

► À lire aussi :     ARAUCARIA SOUTIENT TRÈS HAUT LE FILM «VICTOR JARA N° 2547»

Les accusés feront appel à plusieurs reprises mais ce n’est qu’hier, 50 après l’assassinat du chanteur, que les sept anciens militaires ont définitivement été condamnés.

LITTRÉ QUIROGA CARVAJAL, DIRECTEUR GÉNÉRAL DES PRISONS
SOUS LE GOUVERNEMENT DE SALVADOR ALLENDE.

Le corps d'un codétenu, Littre Quiroga, 33 ans, directeur national des prisons et militant du Parti communiste, a été retrouvé avec des traces de torture près de celui de Victor Jara et de trois autres prisonniers politiques lors de l'exhumation ordonnée en 2009. Victor Jara a ensuite été enterré au cours d'une cérémonie officielle rassemblant des milliers de Chiliens dont la présidente de l'époque, Michelle Bachelet.

Chanteur pacifiste dont les paroles parlaient d'amour et de protestation sociale, Victor Jara est une icône de la musique populaire latino-américaine avec des chansons comme Le droit de vivre en paix.(France Télévisions - Rédaction Culture)

Le 12 septembre 1973, un jour après le coup d’État, Victor Jara, membre du Parti communiste chilien et soutien du président Salvador Allende, avait été arrêté, puis torturé, avant d’être tué. Son corps sera retrouvé le long d’une voie ferrée, criblé de 44 balles et avec 56 fractures. 

Les juges de la Cour suprême ont considéré que le traitement qui lui avait été réservé était « étroitement lié à son activité artistique, culturelle et politique. Les coups les plus sévères qu’il avait alors reçus se situaient au niveau du visage et des mains. »

Son avocat Nelson Caucoto salue une décision quasi inespérée, après tant d'années :

« Au sein de la société chilienne, les avis sont partagés au sujet de ces condamnations. Mais je pense que personne ne pensait que nous arriverions à un tel résultat. Personne ne croyait que la justice ne parviendrait à ces condamnations exemplaires, même si, à mesure que les années passaient, on voyait bien que les différents tribunaux en appelaient fondamentalement au droit international. Ils ont fini par trouver le chemin pour arriver à cette issue et aujourd'hui, on ne pouvait pas espérer mieux, après tous les obstacles qu'ont rencontré les enquêtes pour la résolution de ces crimes auxquels l'État a lui-même participé. Et l'on peut considérer qu'en étant lui aussi coupable de ces crimes, l'État a pu se sentir contraint de ne pas participer à leur résolution. On a pu le constater dans d'autres affaires à l'échelle nationale ou internationale.

Nous assistons aujourd'hui à la réalisation du destin de tous les procès concernant les droits humains avec ces peines très lourdes, à la hauteur de la gravité des faits commis, condamnation de l'homicide mais aussi des enlèvements. Et de ce point de vue, les familles sont satisfaites.  » 

Au Chili, l’affaire Victor Jara est un exemple de la lenteur des procédures judiciaires en ce qui concerne les cas de violation des droits de l’homme commis sous la dictature.

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UNE AFFICHE AVEC UNE PHOTO DU CHANTEUR VICTOR JARA
LORS DE LA COMMÉMORATION DU 49E ANNIVERSAIRE
DU COUP D'ÉTAT MILITAIRE DE 1973.
PHOTO JAVIER TORRES / AFP 

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25 août, 2023

UN ENREGISTREMENT DE LETELIER CONFIRME QU’ALLENDE ALLAIT CONVOQUER UN PLÉBISCITE

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L’ANCIEN MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
CHILIEN, ORLANDO LETELIER
PHOTO PRENSA LATINA
LOGO
PRENSA LATINA
Un enregistrement de Letelier confirme qu’Allende allait convoquer un plébiscite/ Santiago du Chili, 25 août 2023.  Un audio inédit de l’ancien ministre des Affaires étrangères chilien, Orlando Letelier, confirme que le président Salvador Allende allait convoquer un plébiscite le 11 septembre 1973 afin de stopper la tentative de coup d’État en cours.

Prensa Latina 

Sur l’enregistrement de près d’une heure, diffusé hier soir par CNN Chili, Letelier révèle des détails d’un déjeuner au Palais de La Moneda (siège de l’exécutif), où le mandataire a évoqué cette possibilité de trouver une solution démocratique à un soulèvement militaire imminent.

ILLUSTRATION KATIA ODARTCHENKO

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► À lire aussi :     41ème ANNIVERSAIRE DE LA MORT D'ORLANDO LETELIER 

L’objectif du référendum était de permettre au peuple de se prononcer et d’éviter une guerre civile.

Selon l’audio, parallèlement à la consultation populaire, un groupe de généraux des forces armées, impliqués dans des actions de sédition ou soupçonnés de mutinerie, serait appelé à la retraite.

La bande sonore a été envoyée à l’ancien ministre de l’Unité Populaire Sergio Bitar par le ministre des Affaires étrangères à sa sortie de la prison de l’île Dawson, où il a été détenu après la rupture de l’ordre institutionnel.

Le 11 septembre 1973, le général Augusto Pinochet a mené un coup d’État contre le gouvernement d’Allende, à la suite duquel s’est imposée une dictature de 17 ans qui a fait plus de 40 000 victimes, dont des exécutés, des détenus disparus et des torturés.

Letelier a été assassiné le 21 septembre 1976 à Washington DC, où il vivait en exil, lorsque des agents de la Direction du renseignement national (DINA) chilien et la police secrète de Pinochet ont posé une bombe dans son véhicule. peo/npg/car

«ORLANDO LETELIER :
TÉMOIGNAGE ET
JUSTIFICATION
HISTOIRE IMMÉDIATE)»

Pour écouter cliquez ici ! ]

L'audio -Ñ- que CNN a publié hier de manière non autorisée et incomplète.



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#Allende #Coup d'État #enregistrement #Orlando Letelier #Pinochet #Référendum

23 août, 2023

CHILI / EN 50 ANS LA DROITE N’A PAS CHANGÉ.

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EL PRESIDENTE SALVADOR ALLENDE EN UN CAMBIO MINISTERIAL.
FOTO ARCHIVO BIBLIOTECA DEL CONGRESO.

CHILI/ En 50 ans la droite n’a pas changé./ 
En 1973, le 22 aout, la Démocratie-Chrétienne et le Parti National signaient un texte commun et le faisait voter par le Parlement. 

 par Pierre Cappanera

PIERRE CAPPANERA
PHOTO FACEBOOK


C’était une accusation d’inconstitutionnalité du gouvernement de Salvador Allende. Ce texte faisait directement appel aux militaires. Il reçut la majorité des voix mais pas la majorité qualifiée pour ce type de texte. En effet aux élections législatives de mars 1973, la gauche avait recueilli 43% des voix. La droite au Parlement était très loin d’avoir les deux tiers des voix nécessaires (même avec l’apport des démocrates-chrétiens) pour réaliser une accusation anticonstitutionnelle. Même s’il n’avait pas de valeur légale, politiquement cet accord et ce vote ont été utilisés par les putschistes pour justifier leur coup d’État. 

ILLUSTRATION KATIA ODARTCHENKO

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MARZO DE 1973, SANTIAGO, CHILE, UN HOMBRE VENDE PERIÓDICOS
 QUE INFORMAN SOBRE LOS RESULTADOS DE LAS ELECCIONES
LEGISLATIVAS DE 1973 EN CHILE. ESTAS FUERON LAS ÚLTIMAS
ELECCIONES LIBRES EN CHILE ANTES DEL GOLPE.
PHOTO OWEN FRANKEN

Ce 22 août 2023, à la Chambre des députés, la droite a lu le texte d’août 1973. Elle a demandé un vote de validation de ce texte. La majorité des députés a fort heureusement voté contre.

50 ans après, la droite en est toujours à justifier le coup d’État. La droite chilienne reste profondément pinochetiste et n’accorde aucune valeur aux principes démocratiques.

Du même auteur  :

CHILI: SIX EX-MILITAIRES CONDAMNÉS POUR L'ASSASSINAT D'UN ESPAGNOL PENDANT LA DICTATURE

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CARMELO SORIA ESPINOZA
PHOTO ARCHIVE DE FAMILLE
Chili: six ex-militaires condamnés pour l'assassinat d'un Espagnol pendant la dictature/ La Cour suprême du Chili a condamné mardi 22 août à des peines de 10 à 15 ans de prison six militaires à la retraite pour l'assassinat du diplomate et économiste espagnol Carmelo Soria en 1976, sous la dictature d'Augusto Pinochet. Cet arrêt alourdit les peines prononcées en première instance contre les six anciens membres de la Direction nationale du renseignement (DINA), la redoutable police politique du régime de Pinochet (1973-1990).

Par Le Figaro avec l'AFP

L'ÉPOUSE DE CARMELO SORIA,
LAURA GONZÁLEZ, EN 1998.

Carmelo Soria, militant du Parti communiste espagnol exilé au Chili en 1971, travaillait pour la Commission économique pour l'Amérique latine (Cepal), un organisme de l'ONU basé à Santiago du Chili. Il avait mis à profit son immunité diplomatique pour aider plusieurs opposants à se réfugier dans des ambassades. Selon l'arrêt de la Cour suprême, le 14 juillet 1976, le diplomate de 54 ans a été enlevé par les agents au cours d'un faux contrôle routier, puis interrogé et torturé à mort. Les coupables avaient mis en scène le meurtre pour simuler un accident de la route dû à la consommation d'alcool et glissé dans les vêtements du cadavre «un mot laissant entendre qu'il était infidèle à son épouse», explique l'arrêt.

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Des peines «misérables»

Parmi les condamnés figurent Pedro Espinoza Bravo, 91 ans, et Raul Iturriaga Neumann, 85 ans, les principaux chefs de la DINA qui se sont vu infliger 15 ans et un jour de prison. Un troisième ex-militaire, Juan Morales, a été condamné à dix ans et un jour de prison. Les trois hommes sont déjà incarcérés dans le pénitencier spécial pour les auteurs de violations des droits humains à Punta Peuco, dans la banlieue de Santiago, où ils purgent plusieurs longues peines pour d'autres crimes. Les trois autres condamnés, Guillermo Salinas (15 ans et un jour de prison), René Quilhot et Pablo Belmar (10 ans et un jour de prison chacun), qui se trouvent en liberté sous caution, devront se constituer prisonniers dans les prochains jours, ajoute l'arrêt.

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CARMEN SORIA, LA FILLE DE CARMELO SORIA,
N'A CESSÉ DE SE BATTRE POUR QUE JUSTICE
SOIT RENDUE POUR L'ASSASSINAT DE SON
PÈRE PAR LES MILITAIRES DE PINOCHET
 EN 1976. 
PHOTO SANTIAGO LLANQUIN/AP/SIPA
En première instance, en 2019, le tribunal avait prononcé des peines allant jusqu'à six ans de prison. «Le 16 juillet 1976 (deux jours après l'assassinat), ma mère m'a dit que c'était un crime politique. Le 22 août 2023, le pouvoir judiciaire nous donne raison», a réagi auprès de l'AFP Carmen Soria, la fille du diplomate assassiné, tout en jugeant «misérables» les peines infligées.

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CARMELO LUIS SORIA ESPINOZA 
(MADRID, 5 DE NOVIEMBRE DE 1921 – 
SANTIAGO DE CHILE, 16 DE JULIO DE 1976) 

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21 août, 2023

ORDRE MONDIAL : CINQ QUESTIONS SUR UN SOMMET DES « BRICS » QUI S’ANNONCE HISTORIQUE

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LE CENTRE DE CONGRÈS SANDTON À JOHANNESBURG,
OÙ SE DÉROULERA LE SOMMET ENTRE LES PAYS BRIC.
PHOTO JAMES OATWAY / REUTERS

Monde - Afrique du Sud/ Ordre mondial : cinq questions sur un sommet des « Brics » qui s’annonce historique / Le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud (les Brics) se retrouvent, ce mardi à Johannesburg, pour un sommet qui s’annonce historique. / Cette rencontre vise à regrouper les pays du Sud global pour établir un nouvel ordre mondial pour en finir avec l’hégémonie des pays du Nord et la suprématie du dollar.

Pierre Barbancey

Johannesburg (Afrique du Sud), envoyé spécial.

LORS DE LA RÉUNION DES MINISTRES
DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES DES BRICS
AU CAP (AFRIQUE DU SUD),
 LE 1er JUIN 2023.
PHOTO ANADOLU AGENCY VIA AFP

Jamais un sommet des cinq pays composant les Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) n’avait autant attiré l’attention depuis la création de cette entité politico-administrative. Le thème de ce 15ème sommet s’intitule « Les Brics et l’Afrique : un partenariat pour une croissance mutuellement accélérée, un développement durable et un multilatéralisme inclusif ». Mais les débats attendus dépasseront largement la question du continent africain.

Les décisions qui seront prises pourraient affecter l’ordre mondial, notamment avec l’élargissement de cette structure à de nombreux pays, qui concernera très certainement le contrôle des voies maritimes, terrestres et certains détroits.

Lundi soir, à la veille de son ouverture, le président sud-africain, Cyril Ramaphosa, s’est adressé à la nation. Il a affirmé qu’être membre des Brics avait créé des opportunités positives pour l’Afrique du Sud et avait permis au pays d’avoir une relation stratégique avec la Chine. « Nous voulons construire un partenariat entre les Brics et l’Afrique afin que notre continent puisse ouvrir des opportunités pour accroître le commerce, les investissements et le développement des infrastructures », a-t-il insisté.  L’Humanité décrypte pourquoi il s’agit d’un événement mondial.

Comment ont été créés les Brics ?

Il y a d’abord eu des tentatives pour rassembler les pays du Sud et les structurer. En 2001, le président sud-africain Thabo Mbeki avait lancé une telle initiative en invitant les dirigeants de sept pays à venir en Afrique du Sud. Les discussions préparatoires se focalisaient sur le fait que les pays du Sud étaient marginalisés alors que le G7 semblait être le principal organe apte à établir un programme mondial. Cette réunion n’a pas eu lieu à cause des attentats du 11 Septembre.

L’Afrique du Sud s’est alors lancée dans une initiative de moindre envergure avec, en 2003, un partenariat trilatéral avec l’Inde et le Brésil, l’Ipsa. En 2006, les quatre pays Bric (Brésil, Russie, Chine et Inde) ont commencé à se réunir de manière informelle avec la même intention : coordonner les pays du Sud global afin de défendre leurs intérêts.

Les Bric ont été lancés en 2009 et l’Afrique du Sud en est devenue membre à la fin de 2010. Les Bric sont devenus Brics. Depuis, ceux-ci se sont concentrés sur trois piliers de la coopération : les défis politiques et sécuritaires mondiaux, l’architecture économique et financière et, enfin, le renforcement de la coopération entre les cinq pays fondateurs.

Qui participe au sommet ?

Le président brésilien Lula da Silva, le premier ministre indien Narendra Modi, le président chinois Xi Jinping et le président sud-africain Cyril Ramaphosa participeront au sommet qui se tient dans une banlieue huppée de Johannesburg : Sandton. En revanche, le président russe, Vladimir Poutine, n’y participera que de façon virtuelle car il est sous le coup d’un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale (CPI) pour des crimes de guerre présumés en Ukraine.

Selon la ministre sud-africaine des Relations internationales et de la Coopération, Naledi Pandor, 67 dirigeants des pays du Sud global ont été invités. Parmi les invités figure le président iranien Ebrahim Raïssi. Mais Pandor a tenu à insister : la participation probable de Raïssi au sommet des Brics ne signifie pas que le bloc devient pro-russe ou anti-occidental.

Cyril Ramaphosa a également invité les dirigeants de 20 organisations internationales, dont le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, et le président de l’Union africaine, Moussa Faki Mahamat.

Pourquoi cela pourrait-être un tournant ?

Cette réunion se déroule alors qu’un certain nombre de pays en développement entendent désormais peser sur les grandes orientations mondiales qui les affectent. Bien qu’invités par les pays occidentaux aux sommets du G7 et du G20, ils veulent se libérer de la mainmise des principales puissances sur les instruments économiques et financiers ainsi que sur les monnaies avec la domination du dollar dans les échanges commerciaux.

Actuellement, le bloc des Brics représente plus de 42% de la population mondiale, 30 % de son territoire, 23 % du PIB mondial et 18 % du commerce mondial. Néanmoins, seulement environ 6 % du commerce total des cinq pays Brics se fait entre eux. Selon le Fonds monétaire international (FMI), ils pourraient représenter un tiers de l’économie mondiale d’ici à 2028.

De fait, c’est bien le concept de « Sud global » qui s’est imposé ces dernières années en faisant référence à des pays relativement pauvres, décrits comme en développement ou émergents. À opposer au « Nord global » composé des États-Unis, de l’Europe et de certains pays riches d’Asie et du Pacifique. Ces évolutions commencent à marquer la géopolitique mondiale. En toute logique, de nombreux pays veulent devenir membres des Brics. De plus, la question du dépassement du dollar ne se fait pas sans contradiction.

Quelle devise pour les échanges ?

L’une des principales réalisations du groupe a été la création de la Nouvelle Banque de développement (NDB), créée en 2015 pour soutenir les projets d’infrastructure et de développement dans les cinq pays et d’autres en développement. Elle est aujourd’hui dirigée par l’ancienne présidente brésilienne, Dilma Rousseff.

De nombreuses rumeurs ont avancé l’idée qu’ une nouvelle monnaie de réserve des Brics, adossée à l’or, était à l’étude et serait annoncée lors du sommet. Anil Sooklal, le conseiller de Cyril Ramaphosa, l’a démentie. Lors de la réunion des ministres des Affaires étrangères du bloc, les sujets de discussion comprenaient la nécessité pour les Brics d’effectuer des transactions commerciales et financières dans leur propre monnaie.

Il s’agirait donc plutôt d’un nouveau système de paiement commun, qui aurait pour avantage de contourner le dollar tout en développant les échanges entre pays membres.

Qui veut rejoindre les Brics ?

Vingt-trois pays, dont l’Indonésie, l’Arabie saoudite, l’Iran, l’Argentine, Cuba, le Nigeria, le Venezuela, la Thaïlande et le Vietnam, ont officiellement exprimé leur désir d’y adhérer. Plusieurs autres États, dont les Comores, le Gabon et la République démocratique du Congo (RDC), ont manifesté une volonté informelle de le faire. Les Brics deviendraient alors les Brics +. 

Cependant, l’intérêt de cette expansion n’est pas vu de la même manière par les cinq dirigeants, sans parler des critères d’acceptation des candidats. Selon certains diplomates, la Chine et la Russie veulent maintenant élargir le nombre de leurs membres (ce qui n’était pas le cas il y a quelques années), tandis que le Brésil et l’Inde se méfient.

L’Afrique du Sud, elle, se veut prudente comme l’a déclaré Naledi Pandor : « Je me garderai certainement de tout critère d’expansion qui nous mènerait sur une voie où nous contribuerions à accroître le conflit dans la communauté mondiale ou dans n’importe quelle partie du monde. »

La Russie y voit aussi un moyen d’alléger son isolement après l’invasion de l’Ukraine, tandis que la Chine cherche à renforcer son influence géopolitique dans un contexte de tensions croissantes avec les États-Unis au sujet de Taïwan.

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LULA EN CHINE
DESSIN THIAGO LUCAS


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    CHILI / TOUT UN EXIL DANS UN SAC À MAIN

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    LA MINISTRE DU TOURISME DU CANADA,
    SORAYA MARTINEZ FERRADA
    PHOTO OLIVIER JEAN 

    CHRONIQUES / 50ème anniversaire du coup d’État contre Salvador Allende au Chili Tout un exil dans un sac à main / Quand Soraya Martinez Ferrada est partie au Chili au printemps avec le plus précieux héritage de son grand-père, elle l’a gardé sur ses genoux, dans son sac à main, pendant tout le vol. Mettre ça en soute ? Jamais !
    Dans ce sac, des exemplaires des revues mensuelles intitulées Comentarios que son aïeul, René Ferrada, a produites pendant 10 ans à partir de sa ville d’adoption, Montréal. Avec sa famille, il a fait partie des quelque 3000 réfugiés politiques qui ont fui le Chili d’Augusto Pinochet pour le Québec entre 1973 et 1980.

    ► À lire aussi :     CHILI : 11 SEPTEMBRE 1973

    Très actif politiquement, M. Ferrada a vu son monde s’écrouler après le coup d’État de 1973 qui a renversé Salvador Allende, le premier président socialiste élu en 1970. Au cours des années qui ont suivi, la gauche du pays a été décimée. À ce jour, le Chili reconnaît que plus de 40 000 personnes ont été tuées, torturées ou emprisonnées pour des raisons politiques pendant les 17 ans de dictature.

    L’ANCIEN PRÉSIDENT DU CHILI SALVADOR ALLENDE (AU CENTRE, CASQUÉ),
    PEU DE TEMPS AVANT SA MORT, DURANT LE COUP D’ÉTAT DU 11 SEPTEMBRE 1973
    PHOTO LEOPOLDO VÍCTOR VARGAS

    Aujourd’hui députée fédérale d’Hochelaga et ministre du Tourisme dans le gouvernement de Justin Trudeau, Soraya Martinez Ferrada n’avait que 8 ans quand sa famille a pris le chemin de l’exil. « Je me souviens du départ. De ne pas comprendre ce qu’il se passait, mais aussi du sentiment de déracinement », m’a-t-elle raconté sur la terrasse du Barros Luco, un des premiers cafés chiliens qui a ouvert ses portes à Montréal et où elle est aujourd’hui reçue avec fierté.
    Sa famille ne l’a pas laissée dans le noir par rapport aux évènements tragiques qui défiguraient son pays de naissance.
    ILLUSTRATION KATIA ODARTCHENKO

    ► À lire aussi :     50ème ANNIVERSAIRE DU COUP D'ÉTAT AU CHILI


    J’avais une famille militante. J’ai participé très jeune à des rencontres, à des manifestations. 

    Soraya Martinez Ferrada, ministre du Tourisme

    Quand la sœur d’une de ses tantes a été assassinée, elle l’a su. Enfant, elle a aussi été impliquée dans la production des journaux de son grand-père, distribués au sein de la diaspora chilienne canadienne. Avec ses petites mains, Soraya Martinez Ferrada coupait les articles et les mettait en page. Le mensuel était imprimé dans le sous-sol de son aïeul.

    Son grand-père est mort en 1987 et avec lui, le journal. Il n’a pas vécu assez longtemps pour voir la fin de la dictature militaire du général Pinochet en 1990.
    PHOTO CRIS BOURONCLE, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE 

    À cette époque, avec le retour de la démocratie au Chili, Soraya Martinez Ferrada, alors âgée de 18 ans, a décidé de s’installer dans son pays de naissance. « Pour être chilienne au Chili, pour y étudier et y vivre», raconte-t-elle.

    Ce retour a été de courte durée. Tombée enceinte, elle a réalisé avec tristesse qu’elle devait rentrer au Canada pour mettre fin à la grossesse non désirée. Une loi adoptée pendant le régime Pinochet interdisait toute forme d’avortement au Chili jusqu’à tout récemment.

    Elle aura mis 30 ans avant d’y remettre les pieds, en 2022. Entre-temps, la Montréalaise a fait de la politique municipale, participé au lancement de la Tohu – la cité de l’art du cirque du quartier Saint-Michel – et rejoint les troupes du Parti libéral fédéral. Élue dans Hochelaga en 2019, elle vient tout juste d’accéder au Conseil des ministres lors du remaniement de juillet. « Je ne saurai jamais ce qu’aurait été ma vie au Chili », dit-elle.

    Quand elle a finalement mis les pieds à Santiago en mars 2022, une série de surprises l’attendait. Elle a rencontré pour la première fois sa demi-sœur, dont elle ignorait l’existence, ainsi que son cousin, le député Leonardo Soto Ferrada, un allié du président Gabriel Boric, élu l’an dernier.

    C’est aussi lors de cette visite qu’elle s’est rendue au Musée de la mémoire et des droits de la personne, mis sur pied par l’ancienne présidente Michelle Bachelet pour rendre hommage aux victimes de la dictature. « Il y avait toute une section sur les diasporas chiliennes, mais rien sur la contribution des Chiliens du Canada », note Soraya Martinez Ferrada. Lui est alors venue l’idée des journaux de son grand-père.
    C’est donc en avril cette année, alors qu’elle participait à une mission commerciale canadienne au Chili, que la députée a placé une trentaine d’éditions de Comentarios dans son sac à main.
    « Ma tante est rentrée au Chili avec les cendres de mon grand-père dans sa sacoche. Et moi, avec les revues. Je lui ai dit : tu as rapporté son corps au Chili, moi, sa tête », confie la politicienne.
    Symboliquement, le don au musée a eu lieu juste à temps pour le 50e anniversaire du coup d’État, mais aussi de la mort de Salvador Allende, que des millions de Chiliens souligneront autour du 11 septembre.

    Des évènements auront lieu au Chili, bien sûr, mais aussi dans la grande diaspora chilienne, dispersée dans 45 pays. On estime qu’un million de personnes ont quitté le Chili entre 1973 et 1980.

    Cette commémoration risque d’être particulièrement houleuse alors que des documents récemment déclassifiés démontrent d’autres facettes du rôle des États-Unis – et plus particulièrement du président Nixon – dans le renversement du président socialiste.
    Alors que je discutais avec Mme Martinez Ferrada dans le Mile End jeudi midi, Alexandria Ocasio-Cortez, célèbre élue démocrate à la Chambre des représentants des États-Unis, demandait au président Biden de lever le voile sur toute l’information que son pays détient à ce sujet.

    Il était trop tard pour aborder le sujet avec la nouvelle ministre, mais au cours de notre entretien, cette dernière a salué le courage qu’a eu le gouvernement de Trudeau père dans les années 1970 en acceptant des milliers de réfugiés politiques chiliens malgré le soutien américain à la junte du pays. « Ç’a été un geste d’émancipation politique », croit-elle.

    Un geste qui a mis le Canada du bon bord de l’Histoire et qui a tout changé pour sa famille.

    Rectificatif
    Cet article a été modifié. L’original affirmait que le journal Comentarios était imprimé dans le sous-sol de la tante de Soraya Martinez Ferrada, mais c’est plutôt dans la maison du grand-père que l’impression avait lieu.


    19 août, 2023

    AU CHILI, LA COUR SUPRÊME ESTIME QUE L’EX-PRÉSIDENT EDUARDO FREI MONTALVA N’A PAS ÉTÉ ASSASSINÉ PAR EMPOISONNEMENT SOUS LA DICTATURE

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    L'ANCIEN PRÉSIDENT CHILIEN EDUARDO FREI MONTALVA,
    PHOTOGRAPHIÉ EN NOVEMBRE 1979. PHOTO EL PAÍS

    INTERNATIONAL / CHILI / Au Chili, la Cour suprême estime que l’ex-président Eduardo Frei Montalva n’a pas été assassiné par empoisonnement sous la dictature. 
    La thèse ne reposait sur aucune preuve suffisante, les rapports d’expertise se caractérisant par « l’absence de certitude dans leurs affirmations concernant l’existence d’une intoxication comme cause de la mort », est-il expliqué dans un arrêt.

    Le Monde avec l'AFP

    La Cour suprême du Chili a définitivement estimé, vendredi 18 août, que la mort en 1982 de l’ex-président Eduardo Frei Montalva, opposant de la dictature d’Augusto Pinochet (1973-1990), n’était pas un assassinat par empoisonnement. La justice confirme ainsi l’acquittement des six personnes condamnées en première instance.

    La plus haute instance judiciaire du pays a considéré, dans son arrêt, que la thèse de l’assassinat ne reposait sur aucune preuve suffisante, les rapports d’expertise se caractérisant par « l’absence de certitude dans leurs affirmations concernant l’existence d’une intoxication comme cause de la mort ».

    Eduardo Frei Montalva, qui avait gouverné le Chili de 1964 à 1970, est mort le 22 janvier 1982 à 71 ans d’une infection généralisée dans la clinique privée Santa Maria. Il y avait été hospitalisé pour une intervention chirurgicale considérée comme bénigne, selon la version officielle de l’époque. Mais sa famille et des groupes d’opposants à la dictature d’Augusto Pinochet soupçonnaient un assassinat commandité par le régime militaire, qui commençait alors à affronter les premières manifestations de mécontentement social et qui aurait vu en l’ancien président un potentiel leader de la dissidence.

    Condamnation en 2019

    Le 30 janvier 2019, après plus de quinze ans d’enquête, un juge en première instance avait reconnu six personnes coupables d’« homicide à la suite d’une intervention chirurgicale ». Le médecin Patricio Silva Garin avait été condamné à dix ans de prison, coupable, selon le magistrat, d’avoir administré du poison à M. Frei pendant l’opération.

    Deux ans plus tard, le 25 janvier 2021, ce jugement avait été infirmé en cour d’appel. Les six accusés, parmi lesquels l’ancien chauffeur de l’ex-président et taupe des services de renseignement Luis Becerra Arancibia et Raul Lillo Gutierrez, un ancien agent secret, avaient été acquittés.

    La famille de M. Frei et le parti de la Démocratie chrétienne, auquel l’ancien président appartenait, s’étaient pourvus en cassation, mais la Cour suprême a rejeté vendredi leurs arguments et définitivement confirmé la décision de la cour d’appel. Trois des personnes condamnées en première instance, dont le docteur Silva Garin, sont morts durant la procédure.

    Le Monde avec AFP

    L’ANCIEN PRÉSIDENT
    EDUARDO FREI MONTALVA 

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