30 avril, 2020

MANUEL MONTÉNÉGRO EST MORT

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MANUEL MONTÉNÉGRO
PHOTO ARCHIVE FAMILIALE
C'est avec une grande tristesse que nous avons appris le décès de Manuel Montenegro, survenu le mardi 28 avril 2020 à Châteaudun (Centre-Val de Loire), à l'âge de 73 ans.
Né à Salamanca, ville du nord du Chili, le mercredi 23 avril 1947, dans une famille de gauche, Manuel de la Cruz Montenegro Muñoz fut un dirigeant paysan dans la région de Coquimbo. 

Son père, qui appartenait à cette particulière classe ouvrière mineure et paysanne du petit nord chilien, était un syndicaliste formé dans les mines de salpêtre. Suivant l’exemple de son père, Manuel s’engage dans la vie syndicale et politique, il adhère au Parti communiste, commence à militer et participe à la principale conquête du Chili initiée par le gouvernement d'Eduardo Frei et approfondie par Salvador Allende, la Réforme Agraire, dans le Valle du Choapa, dans la région de Coquimbo. Manuel faisait partie d’une grande coopérative paysanne de la région. 

Suite au coup d’État de septembre 1973, il est emprisonné avec d’autres dirigeants, et après trois ans de prison, il est libéré puis banni de son pays. Il est accueilli en France dans la ville de Châteaudun. 

En France il a travaillé comme ouvrier spécialisé, fabricant de pièces dans l'industrie métal-mécanique. Manuel a refait sa vie dans son pays d’accueil. À la retraite, il voyageait régulièrement au Chili pour rendre visite à sa famille restée sur place. 

Et c’est au retour de son dernier séjour, au mois de mars qu’il a contracté le coronavirus. 

Manuel Monténégro sera inhumé dans la plus stricte intimité.

Ses anciens camarades saluent aujourd’hui sa mémoire, avec respect et reconnaissance. «Hasta la victoria siempre» cher compañero.


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LOGOTYPE PCCH
Coordination du Parti communiste du Chili (PCCh) en France

29 avril, 2020

COVID-19: LE CHILI REMET UN CERTIFICAT DE GUÉRISON, MAIS PAS D'IMMUNITÉ

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 « ON VOIT LE BOUT DU TUNNEL  »
DESSIN NÉSTOR SALAS
Le Chili a ratifié mercredi un dispositif prévoyant la remise d'un document officiel aux patients guéris du coronavirus, mais il est revenu sur son idée d'en faire un certificat d'immunité permettant de circuler sans entrave.
« RÉCEMMENT RÉCUPÉRÉ  »
DESSIN ALEN LAUZAN
Par Le Figaro avec l'AFP
Les autorités sanitaires avait annoncé début avril leur intention de délivrer aux personnes guéries du coronavirus un certificat d'immunité leur permettant de circuler dans les zones soumises à un confinement obligatoire, alors que le pays a mis en place un confinement sélectif en fonction des villes et quartiers les plus touchés. Mais la mise en place d'un tel document a été reportée en raison de la persistance d'interrogations sur l'immunité des personnes ayant été infectées.


Le ministre de la Santé, Jaime Mañalich a indiqué mercredi que dans une première phase, le document ne serait qu'un certificat de guérison. «C'est une carte qui indique que la personne a déjà surmonté la maladie, sans se prononcer sur l'immunité», a-t-il souligné lors d'une conférence de presse. Ces cartes seront remises à partir de la semaine prochaine, a-t-il précisé. L'Organisation mondiale de la Santé (OMS) a récemment averti qu'il n'y avait «actuellement aucune preuve que les personnes qui se sont remises du Covid-19 et qui ont des anticorps soient prémunies contre une seconde infection».

LORENA DURÁN HERRERA
PHOTO FACEBOOK
Elle a ensuite précisé qu'elle s'attendait à ce que les personnes infectées «développent des anticorps qui fournissent un certain niveau de protection», tout en ajoutant que «ce que nous ne savons pas encore, c'est quel niveau de protection et combien de temps il durera». Selon les derniers chiffres officiels, le Chili compte 8057 patients guéris du coronavirus, soit 53 % des personnes infectées (14.885). Le pays, qui a enregistré plus de 200 décès liés à la pandémie, a annoncé mercredi un premier décès parmi le personnel de santé, un employé d'un centre de santé familiale dans la commune de Gorbea, dans le Sud du pays.
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DESSIN ALEN LAUZAN
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28 avril, 2020

CHILI : « 1er mai JOURNÉE INTERNATIONALE DES TRAVAILLEURS»

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CUT CHILI : « 1er mai JOURNÉE INTERNATIONALE DES TRAVAILLEURS»
« LES GENS D'ABORD »,
« DÉFENDONS LA VIE AVEC
UN SALAIRE ET UN TRAVAIL
DÉCENT », CUT - CHILI
Prensa Latina
L
es syndicats du Chili : un 1er mai différent à cause du Covid-19
Chili : Commémoration virtuelle du 1er Mai, pour cause de Coronavirus.
Santiago du Chili, 27 avril 2020 (Prensa Latina). Sans défilés ni grandes marches comme les années précédentes, les syndicats chiliens célébreront à cette occasion la Journée internationale des travailleurs, tout en s'adaptant aux restrictions imposées par le Covid-19.

Compte tenu de la situation actuelle, la Centrale unitaire des travailleurs du Chili (CUT) a annoncé une série d'activités pour garder à l'esprit la date importante du prolétariat, avec la participation de toutes ses organisations collaboratrices et de la population.

Vendredi à 10 heures, heure locale, depuis le siège de la CUT, sa présidente, Bárbara Figueroa, prononcera un discours en streaming, pour lequel ils ont convoqué toutes les centres du plus grand groupe syndical du pays pour se connecter.

De même, la CUT a appelé l'ensemble de la population à déployer un « drapeau noir » à partir de leurs maisons en signe de protestation contre les politiques du travail du gouvernement qui affectent des centaines de milliers d'employés, ce qui se traduit par une augmentation du chômage qui, selon les sources officielles pourraient atteindre les 15% cette année, ainsi que la réduction des salaires.

Pour cela, ils ont appelé à placer des drapeaux du Chili et des organisations dans les sièges syndicaux, sociaux et professionnels, les sièges de la CUT et des organisations étudiantes, ainsi que dans tous les foyers chiliens.

Ce même jour, à 20 heures, heure locale, un «Concert de casseroles pour la Dignité», a été convoqué dans tous les quartiers du pays en souvenir de cette date et en rejet aux politiques du gouvernement de Sebastián Piñera visant à restreindre les droits des travailleurs.

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27 avril, 2020

ARRESTATION D´UN PHOTOGRAPHE DE PRENSA LATINA AU CHILI

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LE PHOTOGRAPHE DAMIÁN TRUJILLO
PHOTO CHEZ CRÓNICA DIGITAL
Buenos Aires, 27 avril (Prensa Latina) La Fédération Latino-américaine de Journalistes (Felap) a condamné aujourd’hui l’arrestation d´un photographe de l’Agence Latino-americaine d´Information Prensa Latina au Chili alors qu’il couvrait une manifestation et a exhorté les organisations de journalistes à se joindre à cette plainte.
Dans un message diffusé sur son compte officiel sur Twitter, ce collectif, qui regroupe plus de 80 mille journalistes et professionnels du secteur dans la région, a appelé les associations et les milieux journalistiques à dénoncer cette agression des carabiniers contre le journaliste qui couvrait ce dimanche une manifestation et a été détenu pendant près de trois heures.

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'La Felap condamne l’arrestation du correspondant de Prensa Latina par les carabiniers au Chili et exhorte les organisations journalistiques à faire de même face à cette agression de Sebastián Piñera', manifeste dans son message ce collectif fondé en 1976.

D’origine chilienne, le photographe Damián Trujillo, collaborateur de l’Agence, a été arrêté par des carabiniers sur la Plaza de la Dignidad alors qu’il couvrait une manifestation après que sa compagne, la journaliste Grimanesa Riquelme, ait été harcelée par un membre des forces de l´ordre qui a menacé de l’arrêter.

Riquelme, reporter du site El Desconcierto, avait demandé à son compagnon de filmer l’action du carabinier qui l’empêchait de faire son travail d’information, et en suivant six autres agents se sont précipités sur Trujillo, qui a été emmené de force dans une fourgonnette et arrêté. Le moment de l’arrestation a y compris été filmé par les caméras de la chaîne Telesur.

Le journaliste se trouvait avec son laissez-passer pour pouvoir être sur la place, mais il a été arrêté sans aucune justification par des membres des carabiniers.

LE CHILI ENTRE CRISE POLITIQUE ET CRISE SANITAIRE

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REFERENDUM
« ON SE VOIT EN OCTOBRE »
DESSIN LAUZAN
Trente ans après la fin de la dictature, la démocratie chilienne, longtemps bridée par les « enclaves autoritaires » imposées par Pinochet et ses partisans, semblait enfin sur le point de se libérer de ce lourd héritage, grâce à une mobilisation populaire sans précédent qui a obligé le président Sebastián Piñera à convoquer pour le 26 avril un referendum susceptible de déboucher sur l’adoption d’une nouvelle constitution. La pandémie du COVID 19, qui n’épargne pas le Chili même si ce pays ne figure pas parmi les plus touchés, a entraîné le report de cette échéance, mais il est peu probable qu’elle remette en cause l’aboutissement du processus de changement radical engagé en octobre 2019.
Jean-Michel Gausssot

Une transition démocratique incomplète

CHILI : LA VICTOIRE DU « NON »
Après le succès du NON au referendum du 5 octobre 1988, qu’il avait imprudemment organisé dans la conviction que les Chiliens voteraient massivement pour son maintien en fonctions, le général Pinochet n’accepta de renoncer au pouvoir qu’à certaines conditions destinées à préserver son héritage et à lui assurer, ainsi qu’à ses anciens collaborateurs, une forte influence sur le cours des choses. Ainsi, les nouvelles forces démocratiques furent contraintes d’accepter le maintien en vigueur de la constitution de 1980, qui conférait un rôle central aux militaires et interdisait toute atteinte au système économique néolibéral. Les futurs présidents de la République n’auraient pas le droit de destituer les commandants en chef des forces armées, « garantes de l’ordre constitutionnel ». Le général Pinochet resterait lui-même à la tête de l’armée de terre jusqu‘à sa retraite en mars 1998, après quoi il deviendrait « sénateur à vie » (disposition applicable exclusivement aux anciens présidents ayant exercé leurs fonctions pendant plus de six années consécutives, ce qui en pratique en limitait l’application au seul ancien dictateur). En outre, la présence à la chambre haute de neuf « sénateurs désignés », dont quatre choisis en leur sein par les forces armées, avait pour effet de modifier considérablement le rapport de force issu des élections. Dans le même sens, la loi électorale instituait un scrutin binominal propre à assurer, sous prétexte de renforcer la stabilité politique, une surreprésentation de l’opposition et donc de la droite pinochétiste.

L’arrestation de Pinochet à Londres, le 16 octobre 1998, en dépit de l’immunité dont il pensait bénéficier en tant que Sénateur à vie, suscita dans un premier temps une réaction indignée au Chili, même au sein de la Concertacion, l’alliance gouvernementale regroupant les démocrates-chrétiens et les sociaux-démocrates, dont la plupart des dirigeants dénoncèrent une atteinte inadmissible à la souveraineté nationale. Elle fut cependant à l’origine, chez beaucoup de Chiliens qui voyaient encore en Pinochet l’homme providentiel ayant «sauvé le pays du communisme », d’une prise de conscience, lente mais salutaire, de la gravité des crimes de la dictature. Elle amena aussi les démocrates à intensifier leurs efforts pour se débarrasser des séquelles institutionnelles de l’ancien régime. Leurs revendications furent partiellement couronnées de succès quelques années plus tard lorsqu’ils obtinrent, en 2005, la suppression des sénateurs désignés et l’abolition de l’inamovibilité des commandants en chef. Mais ce n’est qu’en 2015 que fut adoptée une loi électorale plus équitable, fondée sur le système proportionnel. Et la constitution de 1980, si elle fut amendée à différentes reprises, n’a jamais été modifiée en profondeur, pas plus que le régime économique néolibéral qui avait inspiré ses rédacteurs.

Un système économique ultralibéral, source de très fortes inégalités


MILTON FRIEDMAN AU CHILI LORS D'UN ENTRETIEN 
– LE 21 MARS 1975 –  AVEC LE DICTATEUR AUGUSTO PINOCHET
Dans les années 1970, la dictature chilienne a décidé de mettre en œuvre sans restrictions la doctrine de Milton Friedman et de l’École de Chicago. Le célèbre économiste américain se rendit deux fois à Santiago, où il fut reçu avec tous les honneurs par Pinochet. À Mario Vargas LLosa qui, lors d’une visite à Lima, l’interrogeait sur le point de savoir s’il n’était pas troublé par le fait que ses théories soient appliquées par des régimes tels que celui de Pinochet au Chili et de Videla en Argentine, le futur prix Nobel d’économie répondit : « je n’aime pas les régimes autoritaires mais je choisis le moindre mal ».

Devenu sous la dictature un laboratoire des théories néolibérales, le Chili, premier pays au monde à privatiser les retraites, n’a pas remis en question ce modèle après le retour à la démocratie. Les dirigeants issus de la démocratie chrétienne ou de la social-démocratie, sensibles aux pressions de milieux d’affaires aussi conservateurs qu’influents, se sont convaincus que la pérennité des remarquables succès économiques nationaux exigeait que l’État intervienne le moins possible face aux acteurs d’un secteur privé tout puissant.

C’est dans une large mesure l’application de la «doctrine Friedman» qui a fait du Chili, en dépit de sa prospérité, le pays le plus inégalitaire d’Amérique latine après le Brésil.

Selon un récent rapport de la Commission économique des Nations Unies pour l’Amérique latine (CEPAL), au Chili les 10% les plus riches possèdent les deux tiers de la richesse nationale et 1% des citoyens s’en approprient plus du quart. Les Chiliens appartenant à cette frange de la population seraient au demeurant deux fois plus riches, en moyenne, que leurs homologues français.

Le salaire minimum interprofessionnel reste fixé à 7100 pesos, soit environ 340 euros, dans un pays où le coût de la vie est proche de celui des États d’Europe de l’Ouest. Quant aux retraités, plus de la moitié d’entre eux perçoivent des pensions inférieures à 70% de ce salaire minimum.

Le caractère inégalitaire de la société chilienne est particulièrement manifeste dans les domaines de la santé et de l’éducation. 16% de la population ont accès à un système de santé privé, de grande qualité, ces privilégiés étant les moins sujets au risque d’être frappés par des pathologies graves. Les autres ont recours à un système public qui dispose de moyens très inférieurs en termes de personnel et d’équipements. Dans le domaine de l’éducation, force est de reconnaître que des progrès remarquables ont été accomplis, et que le Chili occupe une place honorable dans les classements internationaux. Mais son enseignement supérieur est le plus cher d’Amérique latine, ce qui exclut de ses amphithéâtres les jeunes des milieux défavorisés et conduit à un niveau d’endettement très élevé dans de nombreuses familles.

D’une manière générale, le Chili affiche d’excellentes statistiques par rapport à la plupart des pays d’Amérique latine. Mais celles-ci sont trompeuses : elles reflètent une moyenne qui masque souvent d’abyssales disparités géographiques et sociales, entre Santiago et le reste du pays et, dans la capitale, entre la classe « supérieure » qui habite les quartiers résidentiels de Las Condes ou de Vitacura et les habitants des zones défavorisées de la métropole qui, en dépit d’une nette diminution du taux de pauvreté, survivent difficilement avec des salaires modiques et sont en proie au surendettement.

L’explosion du 18 octobre


"LE CHILI S'EST RÉVEILLÉ" DEVANT LES FORCES DE 


L'ORDRE, LE 22 OCTOBRE 2019 À SANTIAGO

PHOTO CLAUDIO REYES

Le 18 octobre 2019, une légère augmentation du prix du ticket de métro a provoqué une réaction de révolte à laquelle personne ne s’attendait: des manifestations étudiantes se sont transformées en un véritable soulèvement de la jeunesse qui s’est lui-même rapidement généralisé et converti, dans l’ensemble du pays, en un mouvement puissant de contestation du modèle économique et social chilien. Des foules immenses se sont rassemblées, dans la capitale et dans les principales villes du pays, pour exiger des changements radicaux. « Il ne s’agit pas de 30 pesos mais de trente années », proclamait l’un des slogans des manifestants. Cette formule exprime bien l’ampleur du mécontentement ressenti par une large fraction de la population devant l’incapacité des gouvernements successivement en place depuis 1990 à modifier en profondeur un système qui laisse libre cours aux forces du marché et permet aux oligarchies privées de contrôler totalement les pensions de retraite et en grande partie la santé et l’enseignement.

Le président Piñera et son gouvernement, constitué pour l’essentiel d’anciens partisans de la dictature comme lui-même, ont d’abord tenté de recourir à une répression brutale pour faire entendre raison aux manifestants, en particulier ceux qui se retrouvaient en masse, tous les vendredis, sur l’une des places emblématiques de Santiago, la Plaza Italia. Cette stratégie, marquée par des violences policières parfois meurtrières, n’a fait qu’exacerber la détermination de millions de Chiliens à obtenir des changements structurels et non disposés à se contenter de belles paroles.

Moins de trois mois après le début du mouvement de contestation, la confiance de l’opinion dans les institutions, telle qu’elle était mesurée par l’institut de sondages CEP (Centro de estudios publicos), était tombée à des niveaux jamais atteints précédemment : 7% pour les entreprises, 5% pour le gouvernement, 3% pour le parlement, 2% seulement pour l’ensemble des partis politiques. Et le taux d’approbation de la politique du Président Piñera n’était plus que de 6%.

Dans un tel contexte, les autorités n’avaient plus d’autre choix que d’accéder à l’une des principales exigences des manifestants et des deux tiers de la population (67% selon le CEP), celle de l’adoption d’une nouvelle constitution qui refonde la démocratie chilienne sur des bases nouvelles.

« JE VEUX PLÉBISCITE MAINTENANT !!! »
DESSIN ALEN LAUZAN
Le 27 décembre dernier, un décret présidentiel convoquait le corps électoral pour le 26 avril 2020 : les Chiliens seraient appelés ce jour-là à décider, dans le cadre d’un referendum national, s’ils souhaitaient l’adoption d’une nouvelle constitution et, dans l’affirmative, par quel mécanisme. Deux options leur seraient proposées : une assemblée constituante formée intégralement de citoyens élus ou une assemblée formée pour moitié de citoyens élus et pour moitié de parlementaires. Selon le CEP, 44% des Chiliens se préparaient à choisir la première possibilité et 37% la seconde. Tous les sondages postérieurs des différents instituts confirment l’existence d’une nette majorité en faveur d’une constituante entièrement composée de nouveaux élus.

La même enquête fournit des indications intéressantes sur l’état de l’opinion à quelques mois du referendum : en janvier, 55% des Chiliens approuvaient le mouvement social né le 18 octobre dernier, et 64% considéraient la démocratie comme la meilleure forme de gouvernement, ce qui représentait une forte hausse par rapport aux chiffres antérieurs à la crise. Par ailleurs, le sondage du CEP confirme que les raisons principales de l’explosion sociale sont l’excessive inégalité dans la répartition des revenus, le faible niveau des pensions de retraite, le coût de la vie jugé trop élevé et les déficiences des systèmes de santé et d’éducation.

Le COVID 19, acteur inattendu sur la scène politique chilienne


DESSIN LAUZAN
À ce jour, la pandémie du COVID 19 n’a certes pas touché l’Amérique latine - et le Chili en particulier - autant que l’Amérique du Nord et l’Europe occidentale. Elle n’en a pas moins contraint le gouvernement de Santiago à modifier le calendrier fixé en décembre : le 25 mars dernier, le congrès a donné son accord au report au 25 octobre du referendum initialement prévu le 26 avril. Quant à l’élection des membres de la constituante, précédemment fixée au 25 octobre, elle aura lieu le 11 avril 2021.

Le Chili est, en nombre de cas répertoriés, le troisième pays d’Amérique latine le plus affecté par le nouveau Coronavirus, après le Brésil et le Pérou. En nombre de décès cumulés (147 décès au 21 avril), il n’est que le sixième. Plus de la moitié des cas et des décès se situent dans la « région métropolitaine » (Santiago et ses environs), de loin la plus peuplée il est vrai. Mais d’autres régions, telle celle de Magallanes dans l’extrême sud du pays, ont un taux de prévalence plus élevé par rapport à leur population.

La première mesure prise par le président Piñera a été, le 13 mars, l’interdiction de tous les rassemblements de plus de 500 personnes, et donc des manifestations récurrentes dans le cadre du mouvement du 18 octobre. Le 16 mars, il annonçait la fermeture de toutes les frontières pour une durée de deux semaines. Le 18, il décrétait l’état d’exception pour une période de trois mois. Le 22, il imposait un couvre-feu de 22 heures à 5 heures sur l’ensemble du territoire national (avec un régime encore plus draconien pour l’Île de Pâques, que sa situation géographique, à plus de 3500 km des côtes chiliennes et plus de 4000 de la Polynésie française, n’a pas mise à l’abri du virus : il est y est interdit de quitter son domicile dès 14 heures).

Cependant, le gouvernement n’a pas été jusqu’à ordonner un confinement général de la population. Il s’est borné à mettre en place une quarantaine dans les communes jugées les plus à risque, et pour une durée limitée : ainsi, après plusieurs semaines de maintien à domicile, les habitants de la commune de Providencia, l’une des plus importantes et des plus prospères de la capitale, viennent de retrouver leur liberté de circulation (à condition de porter un masque en public).

Par ailleurs, depuis la mi-mars, les centres commerciaux ainsi que les restaurants, les bars et tous les « lieux récréatifs » sont fermés dans tout le pays. Demeurent ouverts les supermarchés, les pharmacies et, plus curieusement, les salons de coiffure.

À SANTIAGO, AU CHILI,
VENDREDI 25 OCTOBRE 2019
PHOTO  SUSANA HIDALGO

Afin de prévenir la contestation des dispositions qu’il est amené à prendre, le gouvernement a créé le 22 mars une « table sociale » (mesa social) pour le COVID 19, instance de concertation et de coordination dans laquelle siègent notamment, outre les ministres concernés, des maires, des enseignants et des professionnels de la santé. Cela n’a pas empêché que sa politique fasse l’objet de vives critiques, en particulier face au souhait exprimé par le président Piňera de voir les écoles et les universités, dont la fermeture a été prolongée à l’issue des vacances de l’été austral, rouvrir graduellement, moyennant un strict respect de mesures de protection (distanciation physique, port du masque). De nombreux enseignants s’y opposent. De même, les fonctionnaires publics, appelés à reprendre le travail, expriment leurs doutes à cet égard. La réouverture progressive des centres commerciaux, qui a commencé le 21 avril à Santiago, suscite également des inquiétudes.

Au Chili comme ailleurs, un net clivage est perceptible entre ceux qui accordent une priorité absolue à la protection de la population contre la pandémie et ceux qui se soucient surtout des conséquences du coronavirus sur la santé de l’économie.

À certains égards, le président le plus impopulaire de l’histoire du Chili pourrait considérer que le COVID 19 sert ses intérêts : les grandes manifestations pour une société plus égalitaire sont désormais impossibles, et l’exigence de profonds changements structurels est passée au second plan. La préoccupation immédiate est désormais, pour l’immense majorité des Chiliens, de se protéger du redoutable virus.

Sebastián Piñera et ses amis de la coalition gouvernementale Vamos Chile savent cependant que l’avenir ne s’annonce pas rose pour eux. Les dommages que le COVID 19 portera à l’économie chilienne, déjà affectée par près de cinq mois de manifestations populaires, risquent d’être considérables et durables. Et rien ne permet de penser que les revendications actuellement mises en sourdine ne reprendront pas avec une égale intensité, voire une vigueur renouvelée, lorsque les choses auront plus ou moins retrouvé un cours «normal ».

Le coronavirus aura certes modifié le calendrier des réformes, mais il ne devrait pas entamer la forte volonté de changement qui s’est exprimée depuis le 18 octobre 1019. On pourra très certainement le vérifier le 25 octobre prochain, si le referendum pour une nouvelle constitution a bien lieu à cette date.

Longtemps loué par tous pour sa stabilité politique et sa prospérité économique, le Chili a pu se targuer d’être un modèle pour ses partenaires d’Amérique latine. Il ne retrouvera cette position avantageuse que s’il parvient, sans porter atteinte à son dynamisme économique, à mener à bien l’ambitieuse mutation institutionnelle et sociale à laquelle aspire la majorité de ses citoyens.


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        Vigile à Santiago-du-Chili, Claudio Zamorano, 50 ans, fait les comptes, mâchoire serrée : Je viens de perdre, en un mois, 3 millions de pesos (3 260 €), l’équivalent de trois ans de cotisation. Je vais devoir travailler jusqu’à 68 ans, si ce n’est plus… Dans le sillage de la pandémie de coronavirus, la tempête financière érode la retraite de millions de Chiliens.
        Alan LOQUET, correspondant au Chili
        Ici, le système de capitalisation individuelle oblige à verser 10 % des salaires sur un compte géré par des organismes privés chargés de les faire fructifier sur les marchés financiers. Selon la Fondation Sol, 25 milliards de dollars ont été perdus en mars.

        « C’est tout le système qu’il faut changer »


        Le krach boursier a un impact direct sur la somme, actualisée chaque année, que je vais percevoir en 2021, fulmine Verónica Tapia, retraitée depuis trois ans. La pension de l’ancienne commerciale flirte avec le salaire minimum, soit 346 €. C’est mieux que les 164 € perçus par la moitié des retraités. Mais, avec cela, difficile de s’en sortir quand le coût de la vie est similaire à celui de l’Espagne. L’opposition de gauche propose de permettre aux plus vulnérables de retirer une partie de leur fonds pour traverser la crise. En vain.

        « Ce serait une bonne mesure, insiste Rodrigo Miranda, travailleur indépendant. Mais c’est tout le système, instauré en pleine dictature, qu’il faut changer » À l’époque, le ministre du Travail de Pinochet s’appelait José Piñera… frère de Sebastian, actuel Président conservateur.

        25 avril, 2020

        CHILI: DES MIGRANTS HAÏTIENS ATTEINTS DE CORONAVIRUS VICTIMES DE RACISME

        [ Cliquez sur l'image pour l'agrandir ]  
        SANTIAGO (CHILI), LE 22 AVRIL 2020: DES AGENTS DE
        SANTÉ PUBLIQUE DANS UN FOYER DE MIGRANTS HAÏTIENS
        OÙ PLUSIEURS PERSONNES ONT ÉTÉ INFECTÉES AU COVID-19.
         PHOTO CARLOS VERA / REUTERS
        Le coronavirus ne connaît ni frontières, ni classes sociales, ni religion, entend-on dire parfois depuis le début de l'épidémie de Covid-19 à travers le monde. Pourtant, la maladie réveille parfois la discrimination et le racisme contre les personnes diagnostiquées positives au virus. C'est ce que dénoncent au Chili des migrants haïtiens et des associations qui les accompagnent alors qu'un foyer de contagion est apparu.
        «  LA PANDÉMIE  DE COVID-19  A
        ENTRAÎNÉ UNE 
        CROISSANCE   DE
        LA XÉNOPHOBIE ET DU RACISME »

        PHOTO ILLUSTRATION  
        FTDES 
        Six chaînes de télévision installées devant chez eux, en direct. Voici ce qu'ont vécu les habitants d'une « cité », comme l'appellent les Chiliens, une petite impasse où ont été construites des chambres individuelles précaires louées à prix d'or par un propriétaire peu scrupuleux.

        Trente trois cas de coronavirus y ont été confirmés récemment, mais surtout, les locataires sont presque tous d'origine haïtienne. « Les résidents vivaient depuis plusieurs semaines un harcèlement de la part de voisins, des médias, nous explique Michelle Viquez, du service jésuite d'aide aux migrants. Sans compter le racisme structurel auquel doivent faire face bien souvent les afro-descendants. »

        Au moins 50 personnes ont été transférées vers des hôtels, pour une quarantaine préventive ou bien le temps de récupérer de la maladie. Mais par peur de se retrouver sans revenus, par incompréhension aussi, certains résidents ont refusé de se rendre dans ces logements.

        Le service jésuite d'aide aux migrants regrette qu'il n'y ait pas à ce jour d'information en créole de la part du gouvernement concernant l'épidémie de coronavirus et mais aussi concernant les aides sociales mises en place en cette période économique difficile.