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PHOTO MARIANA GREIF |
José «Pepe» Mujica, ex-président de l'Uruguay (2010-2015) et figure de la gauche latino-américaine, a annoncé mardi quitter la vie politique en renonçant à 85 ans à son unique mandat de sénateur.
DESSIN RAMIRO ALONSO |
La pandémie de coronavirus a précipité la décision de l'atypique ancien président, d'abord élu député en 1995, qui souffre d'une maladie immunitaire.
« Cette situation m'oblige, avec beaucoup de regret pour ma profonde vocation politique, à vous demander de gérer ma démission », a-t-il déclaré mardi devant le Sénat où il avait été réélu en 2019.
« La pandémie m'a jeté dehors", a-t-il lancé. « Être sénateur, c'est parler aux gens, aller à leur rencontre, ça ne se joue pas dans les bureaux (...) Et je suis doublement menacé, par la vieillesse et par la maladie », a-t-il ajouté, disant partir « reconnaissant, avec de nombreux souvenirs et une profonde nostalgie ».
Ex-guérillero au verbe spontané, sans langue de bois et souvent polémique, il était devenu célèbre dans le monde entier en faisant adopter des mesures progressistes dans le pays latino-américain: avortement, mariage homosexuel ou légalisation du cannabis, une première mondiale en 2013.
Refusant les conventions, ce chantre de la frugalité reversait la quasi-totalité de ses revenus à un programme de logement social, s'attirant le surnom de « président le plus pauvre du monde ».
Ministre de l'Agriculture de 2005 à 2008, il revendiquait ses racines paysannes. Il conduisait lui-même sa vieille Coccinelle et avait refusé de vivre dans la résidence présidentielle, préférant habiter dans sa modeste ferme des environs de Montevideo, entouré de deux garde du corps, où il continuait à cultiver des fleurs.
« La seule chose permanente dans la vie c'est le changement », a encore déclaré « Pepe» Mujica, désireux d"« aider à construire l'avenir » en « donnant sa chance aux nouvelles générations ».
« La vie s'en va, c'est inévitable, mais les causes, elles, demeurent ».
José Mujica est un des fondateurs dans les années 1960 de la guérilla d'extrême-gauche des Tupamaros. Blessé par balles en 1970, il fut emprisonné toute la durée de la dictature en Uruguay (1973-1985). Placé à l'isolement, il fut aussi torturé.
Il s'était mis d'accord pour rendre son tablier de sénateur le même jour qu'un autre ancien président uruguayen, le centriste Julio Maria Sanguinetti (1985-1990 et 1995-2000), premier président après la dictature (1973-1985).
Avocat, journaliste, écrivain, M. Sanguinetti, 84 ans, a également présenté sa démission devant le Sénat afin de pouvoir se concentrer sur les destinés de son parti de toujours, le Partido colorado uruguayen.
Les deux ex-chefs de l'État, farouches opposants politiques durant des années, ont enfreint les protocoles sanitaires pour se donner un « abrazo » (accolade, ndlr) applaudis debout par les sénateurs de cette chambre haute où ils ont tous deux siégé de nombreuses années.