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LA PRÉSIDENTE MEXICAINE, CLAUDIA SHEINBAUM, SALUANT LA FOULE APRÈS SON INVESTITURE, À MEXICO, LE 1ᵉʳ OCTOBRE 2024. PHOTO CARL DE SOUZA/AFP |
Mexique. Claudia Sheinbaum, un an au pouvoir : entre popularité record et défis titanesques / Après une année à la tête du Mexique, marquée par d’épineux sujets comme la lutte pour les droits des femmes et des minorités, les tensions avec Donald Trump, la corruption et la violence persistantes, la présidente Claudia Sheinbaum bénéficie d’une popularité record, mais dresser son bilan s’avère complexe. La presse retient toutefois que la dirigeante a su garder son sang-froid face à des défis loin d’être résolus.
Courrier international
Ce mercredi 1er octobre marque la première année au pouvoir de la présidente mexicaine, Claudia Sheinbaum Pardo. Première femme élue à la tête du Mexique, un pays grand comme quatre fois la France et peuplé de 133,4 millions d’habitants, elle avait été saluée dès son élection par la presse internationale.
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Les médias locaux et étrangers avaient insisté à la fois sur la portée symbolique de l’élection de la première cheffe d’État à la tête du Mexique depuis la proclamation de son indépendance, il y a deux cent quinze ans, et sur le parcours scientifique de l’ancienne chercheuse, qui a notamment participé à plusieurs travaux du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec).
Chili / élection présidentielle le 16 novembre 2025
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Un an plus tard, Claudia Sheinbaum affiche une popularité record, qu’elle a su maintenir à un niveau élevé au fil des mois. Selon une enquête menée par le cabinet de sondage Enkoll pour El País América et W Radio, 79 % des Mexicains lui accordent leur soutien, un niveau inédit pour une dirigeante latino-américaine.
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CLAUDIA SHEINBAUM, PRÉSIDENTE MEXICAINE LORS D’ CONFÉRENCE DE PRESSE AU PALACIO NACIONAL, LE 18 SEPTEMBRE 2025, À MEXICO. PHOTO MANUEL VELASQUEZ |
Au Mexique, les facteurs de la popularité de Claudia Sheinbaum après un an à la présidence / L’élue gouverne de façon moins clivante que son prédécesseur et elle bénéficie du bilan social des gouvernements de gauche, avec un taux de pauvreté ramené de 42 % à 29,6 % depuis 2018. Face à l’administration Trump, elle a obtenu plusieurs sursis sur les droits de douane et un accord sur la sécurité.
Publié hier à 15h45, modifié hier à 17h13 Temps de Lecture 4 min.
presque un an après sa prise de fonctions, la présidente mexicaine de gauche a multiplié les symboles et les messages à l’occasion de la Fête nationale du Mexique, le 15 septembre. Claudia Sheinbaum portait pour cette occasion une tenue violette brodée par des artisanes nahuas de Tlaxcala et n’était entourée que de femmes militaires. Pour la première fois dans l’histoire du pays, la cheffe de l’Etat a nommé les femmes qui avaient participé à la lutte pour l’indépendance mais n’avaient jamais eu l’honneur d’être citées aux côtés des hommes. Elle a conclu cette cérémonie dite du « Cri de l’indépendance » par un : « Vive les femmes indigènes ! Vive nos sœurs et nos frères migrants ! Vive le Mexique libre et souverain ! »
Ces phrases, qu’elle a souvent martelées depuis son arrivée à la présidence le 1er octobre 2024, résument la politique que la présidente de gauche a souhaité impulser : une aide sociale destinée en priorité aux femmes les plus pauvres, un appui constant aux migrants mexicains installés aux Etats-Unis, et une défense de la souveraineté mexicaine face aux attaques toujours plus virulentes du président américain, Donald Trump. En présentant son bilan devant la nation le 1er septembre, elle a détaillé les principales réalisations de son début de mandat.
Son féminisme a sans nul doute une fibre sociale mais n’a pour l’instant guère amélioré la violence subie par les Mexicaines, alors que le nombre de féminicides atteint quasiment celui de 2024 – il y en a eu 338 entre janvier et juillet.
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Sa préoccupation pour les migrants mexicains, elle, n’englobe que partiellement la situation des autres migrants qui traversent le pays en direction des Etats-Unis et qui restent exposés au crime organisé et parfois disparaissent en cours de route. En cette fin septembre, le Mexique compte 133 705 personnes disparues depuis le lancement, en 2006, de la guerre contre le narcotrafic par l’ex-président Felipe Calderon (2006-2012).
« Solidité de l’économie mexicaine »
Comme avec son prédécesseur, Andres Manuel Lopez Obrador, dit « AMLO » (2018-2024), les disparus ne figurent pas dans le bilan mensuel fourni par le cabinet présidentiel de sécurité. « Personne ne comprend pourquoi la gauche continue d’ignorer ce drame, qui reste le grand défi non résolu de ce nouveau mandat », considère John Ackerman, directeur du programme d’études sur la démocratie, la justice et la société à l’Université nationale autonome du Mexique (UNAM).
En un an, Claudia Sheinbaum a montré une façon de gouverner plus sereine et moins clivante que celle d’« AMLO ». « C’est une scientifique, avec une carrière universitaire et qui sait résoudre les problèmes, comme elle l’avait montré quand elle dirigeait la ville de Mexico [entre 2018 et 2023] », estime encore John Ackerman. La présidente s’est notamment différenciée de son mentor sur la question de l’insécurité. « Elle applique la stratégie de sécurité la plus sévère depuis vingt ans, s’attaquant non seulement au crime organisé, mais aussi aux extorsions, à la contrebande et à la corruption, y compris au sein de son propre parti », considère l’analyste Viri Rios, directrice de la newsletter « Mexico decoded ».
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La présidente a totalement abandonné la politique « Abrazos, no balazos » (« Des accolades, pas des fusillades ») mise en place par « AMLO » pour les jeunes délinquants, tout en conservant et en renforçant les programmes sociaux destinés à la jeunesse. Elle reprend en revanche régulièrement d’autres slogans de l’ancien président pour illustrer sa politique : « Pour le bien de tous, les pauvres d’abord » et « Il ne peut y avoir de gouvernement riche avec un peuple pauvre ».
Le bilan social de la gauche après sept ans au pouvoir explique en grande partie l’immense popularité – autour de 80 % – dont bénéficie la présidente. La réduction historique de la pauvreté, qui est passée de 42 % à 29,6 % de la population depuis 2018 grâce à la hausse régulière du salaire minimum, représente aujourd’hui la preuve la plus tangible de ce succès.
« Claudia Sheinbaum entretient avec le monde entrepreneurial une relation totalement différente de celle d’“AMLO”. Grâce à la collaboration des entrepreneurs, elle a pu instaurer un contrôle des prix sur le panier de la ménagère afin de limiter l’inflation », fait valoir Viri Rios. Dans le bilan qu’elle a rendu public le 1er septembre, la cheffe d’Etat a rappelé « la solidité de l’économie mexicaine ». « Le peso ne s’est pas dévalué comme beaucoup l’avaient prédit, et l’investissement étranger a atteint un niveau record de 21,4 milliards de dollars [soit environ 18,2 milliards d’euros] au premier trimestre 2025 », a-t-elle relevé.
Réel intérêt sur la scène internationale
Les défis qui attendent Claudia Sheinbaum sont cependant immenses face à l’incertitude que représente aujourd’hui la relation avec les États-Unis. Si elle a obtenu plusieurs sursis sur les droits de douane et un accord sur la sécurité qui respecte la souveraineté du Mexique, l’année 2026 s’annonce difficile, avec la renégociation de l’Accord de libre-échange entre Canada‑États-Unis‑Mexique (Aceum) et des signes évidents de stagnation de l’économie. « Elle disposera toutefois de plus de marge de manœuvre que cette année, où “AMLO” lui avait laissé en héritage des réformes constitutionnelles à faire adopter, notamment la réforme de la justice, ainsi qu’un budget très restreint », considère l’analyste politique Carlos Bravo Regidor.
Depuis les élections générales de juin 2024, son parti, le Mouvement Régénération nationale (Morena), domine le Congrès avec ses alliés, occupant 72 % des sièges de la Chambre des députés et 68 % du Sénat. Cette majorité a permis l’adoption de 40 lois et 19 réformes constitutionnelles, dont la moitié avaient été engagées sous le mandat d’« AMLO ». Ces réformes, qui couvrent des domaines très variés – éducation, santé, environnement, administration, énergie, etc. –, transforment en profondeur l’État mexicain, en particulier en révisant les dispositions adoptées « pendant la période néolibérale », comme Claudia Sheinbaum et « AMLO » désignent les gouvernements de droite qui les ont précédés.
Retranché dans son ranch du Chiapas, dans le sud du Mexique, l’ancien président n’est jamais intervenu dans la vie politique du pays depuis son départ, comme il s’y était engagé. « Plus personne ne parle de la présidente comme de la “marionnette d’AMLO” ; une réflexion machiste qu’on entendait beaucoup lors de son élection. Il est désormais bien clair qu’elle a un agenda politique et un style de gouvernement propres », considère Viri Rios.
Claudia Sheinbaum suscite aussi un réel intérêt sur la scène internationale. « Avant, nos dirigeants se déplaçaient à l’étranger, mais avec Sheinbaum, ce sont désormais les dirigeants étrangers qui viennent au Mexique », souligne Viri Rios. Après le premier ministre canadien, Mark Carney, venu en septembre, c’est la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, qui est attendue en octobre, puis le président français, Emmanuel Macron, en novembre.