DANS LA RÉGION DE MULCHEN, PRÈS DE CONCEPCION, DES MILITAIRES SURVEILLENT UN BARRAGE DE LA POLICE. | PHOTO JUAN GONZALEZ, REUTERS |
Le président Sebastián Piñera a envoyé l’armée patrouiller dans des territoires revendiqués par les Mapuches. Sur place, beaucoup craignent une flambée de violences.
De notre correspondant à Santiago, Alan LOQUET.
Les territoires réclamés par les Mapuches, le premier peuple autochtone du Chili, sont à nouveau dans le viseur de Sebastián Piñera.
Le président conservateur a décrété l’état d’exception dans deux régions situées à 600 km au sud de Santiago. Cette mesure autorise l’armée à accompagner la police pendant quinze jours et à contrôler les entrées et sorties des provinces concernées. Une façon d’affronter le terrorisme, le trafic de drogue et le crime organisé, s’est justifié le chef de l’État, avant de mentionner les innocents et policiers tués ces derniers mois.
Effectivement, la région est le théâtre de nouvelles tensions. Des groupuscules se réclamant de la cause autochtone appellent régulièrement au sabotage d’engins de l’industrie forestière. Ils sont accusés par les autorités d’être à l’origine d’incendies, parfois mortels, affectant de grandes exploitations agricoles.
Contre-feu après les Pandora Papers ?
Le conflit opposant les Mapuches à l’État n’a pourtant rien de nouveau. Dépossédés de 95 % de leurs terres depuis la colonisation, nombreux sont les Mapuches à exiger leurs restitutions. En envoyant l’armée, le président Piñera est accusé de jeter de l’huile sur le feu. Nous sommes prêts à subir la persécution du gouvernement, assure Hector Llaitul, leader du mouvement autonomiste CAM. Mais nous ne céderons rien quant à nos revendications.
De son côté, Elisa Loncon, la charismatique présidente mapuche de l’Assemblée constituante, estime qu’il est «dans l’intérêt du gouvernement de parler de violence ».
Une critique à peine voilée adressée au chef de l’État, éclaboussé par les Pandora Papers : Sebastián Piñera est dans la tourmente depuis les révélations de la vente controversée d’une compagnie minière, réalisée aux îles Vierges britanniques. La justice chilienne vient d’ouvrir une enquête pour corruption et fraude fiscale. Le Président est aussi dans le collimateur du Congrès (gauche), qui a lancé une procédure visant à le destituer.
En allumant ce contre-feu, Sebastián Piñera torpille de facto les pourparlers en faveur de la résolution du conflit mapuche. «L’État criminalise les demandes des Mapuches en choisissant la voie sécuritaire, estime l’historien Fernando Pairican. Cela va contribuer à une escalade de la violence et provoquer des morts de chaque côté. »
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LE PRÉSIDENT CHILIEN MIS EN ACCUSATION
EN RAISON DE «PAPIERS PANDORA»
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