Les agressions restent rares, mais la police et l’armée n’ont pas complètement perdu leurs habitudes répressives héritées de la dictature militaire. Le 30 mai, cinq journalistes ont été agressés et trois autres arbitrairement détenus à l’issue d’une manifestation.
Plutôt bien noté par rapport au reste du continent en matière de liberté de la presse, le pays n’a pas fini de solder les comptes de la dictature du général Pinochet (1973-1990). Décédé le 10 décembre 2006, l’ancien dictateur n’aura jamais répondu de l’assassinat de 3 000 personnes, dont 68 professionnels des médias, sous sa présidence. Plusieurs journalistes de télévision ont été agressés par ses partisans à la veille de ses funérailles.
Aujourd’hui, les journalistes se heurtent encore au silence sur cette période et nombreux sont ceux qui se plaignent d’un manque persistant de pluralisme au sein des médias. Pour avoir publié, en concertation avec un groupe d’anciens prisonniers politiques, un article comportant les noms d’ex-tortionnaires, Jorge Molina, du quotidien en ligne El Mostrador.cl, a dû quitter ses fonctions en début d’année sous la pression.
Policiers et militaires chiliens n’ont pas complètement perdu les sinistres habitudes héritées de la dictature. La presse a largement fait les frais de la première manifestation d’envergure à laquelle a dû faire face Michelle Bachelet, première présidente du pays, élue le 15 janvier. Le 30 mai devant le palais présidentiel de La Moneda, un vaste mouvement de protestation en faveur d’une réforme du système scolaire a été très durement réprimé par les policiers et s’est soldé par l’arrestation de huit journalistes. Marco Cabrera, Gustavo Pavez et Libio Saavedra, cameramen des chaînes de télévision Red TV, Canal 13 et Canal 9, ont reçu des jets de pierres des forces de l’ordre avant d’être passés à tabac au sol. Les trois journalistes et deux de leurs collègues photographes, victimes d’agressions similaires, ont dû être hospitalisés. Le même jour, le rédacteur en chef de l’hebdomadaire El Siglo, Julio Oliva, et deux autres journalistes ont été conduits de force dans un commissariat. Les carabiniers leur ont signifié que leur lien avec le Parti communiste chilien était un motif suffisant pour les détenir. Le scandale provoqué par ces violations des droits de la presse a amené Michelle Bachelet à limoger dès le lendemain le chef des forces spéciales de la police, Osvaldo Jara.
Les journalistes doivent également faire face à la violence de groupes néonazis. Un an après les dégradations du siège de la télévision nationale TVN à Valparaíso, la rédaction de l’hebdomadaire Impacto a subi à son tour les menaces de mort d’un groupuscule d’extrême droite.
Les délits de presse restent passibles de sanctions pénales et les procédures en diffamation, sans aboutir forcément, sont monnaie courante.