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PHOTO NON DATÉE DE MAURICE AUDIN PHOTO STF. AFP |
Emmanuel Macron se rend aujourd’hui chez Josette Audin et publie une déclaration pour reconnaître le crime d’État commis sur son mari. En 1957, en pleine bataille d’Alger, l’armée française avait torturé et assassiné ce jeune mathématicien communiste anticolonialiste. Justice lui est enfin rendue. Après un demi-siècle de déni, avec ce geste historique, la France regarde en face l’une des pages les plus sombres de la colonisation.
MAURICE ET JOSETTE AUDIN |
Maud Vergnol
JOSETTE AUDIN, LE 13 MARS 2018. PHOTO LAHCÈNE ABIB |
Un bonheur inestimable pour sa famille, d’abord. Car Josette Audin, qui a aujourd’hui 87 ans, s’est battue sans relâche pendant plus de soixante ans pour que la vérité soit faite sur l’assassinat de son mari. Elle l’a fait pour lui, mais aussi pour tous les Algériens, victimes de cette sale guerre que les autorités françaises refusaient jusqu’à présent de regarder en face.
« AUSSARESSES : «J'AI DONNÉ
L'ORDRE DE SUPPRIMER AUDIN» »
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L’Humanité n’a jamais renoncé, depuis l’arrestation de Maurice Audin en juin 1957, jusqu’à l’appel publié le 29 mai dernier dans nos colonnes, auquel s’était associé Cédric Villani, à faire vivre ce combat pour la vérité et la justice (lire « Un long combat d’Humanité »). Sa rédaction n’a jamais oublié le visage de Maurice Audin, éternel jeune homme de 25 ans, le regard tourné vers l’avenir. Un grand journaliste, Henri Alleg, disparu en 2013, qui fut lui aussi victime de la torture, n’a cessé d’y veiller : « N’oubliez jamais Maurice. »
Une déclaration de grande portée historique et politique
MAURICE AUDIN ERNEST PIGNON ERNEST ALGER 2003 |
Cette victoire est en effet d’autant plus importante que la déclaration d’Emmanuel Macron, qui sera rendu publique intégralement cet après-midi, est à la hauteur des attentes. Le président de la République y engage la responsabilité de l’État en soulignant que la mort de Maurice Audin « a été rendue possible par un système légalement institué : le système « arrestation-détention », mis en place à la faveur des pouvoirs spéciaux qui avaient été confiés par voie légale aux forces armées à cette période ».
C’est la première fois que la République reconnaît que les exactions et la torture ont été commises avec l’aval des autorités politiques de l’époque, parmi lesquelles François Mitterrand qui joua un rôle déterminant en tant que ministre de la Justice de Guy Mollet, jusqu’au 12 juin 1957. « C’est une très belle nouvelle, de grande portée historique, estime Pierre Laurent.
L’occultation de la responsabilité de l’État, le mensonge sur la torture étaient une tache au fronton de la République. Cette déclaration va permettre d’ouvrir une nouvelle page. C’est une victoire pour tous ceux qui ont mené ce combat sans relâche pendant plus de soixante ans, rappelle le secrétaire national du PCF, une preuve que la détermination était juste et nécessaire. » « C’est un pas en avant considérable, se félicite également l’historien Benjamin Stora (voir entretien).
C’était d’ailleurs la revendication depuis le début, notamment de Pierre Vidal-Naquet, qui avait toujours insisté pour que cet assassinat soit bien interprété comme représentatif du système colonial. »
En 2014, François Hollande avait fait un premier pas en reconnaissant publiquement le caractère mensonger de la thèse de l’évasion, défendue par l’armée pour camoufler son crime. Mais il n’avait pas eu le courage de s’attaquer à la responsabilité de l’État. Un rendez-vous manqué qui permet aujourd’hui à Emmanuel Macron d’accomplir ce geste politique qui fera date.
Comme celui qu’avait réalisé Jacques Chirac en 1995 concernant la rafle du Vél’d’Hiv, reconnaissant la responsabilité de la France dans la déportation et l'extermination de juifs pendant la Seconde Guerre mondiale. « Cette déclaration s’inscrira dans le combat contre la torture comme outil de répression et de terreur partout où elle est pratiquée dans le monde », se félicitent Josette Audin et ses enfants, Michèle et Pierre, « sensibles » à la visite du président de la République venant leur remettre cette déclaration.
C’est la première fois que la République reconnaît que les exactions et la torture ont été commises avec l’aval des autorités politiques de l’époque, parmi lesquelles François Mitterrand qui joua un rôle déterminant en tant que ministre de la Justice de Guy Mollet, jusqu’au 12 juin 1957. « C’est une très belle nouvelle, de grande portée historique, estime Pierre Laurent.
L’occultation de la responsabilité de l’État, le mensonge sur la torture étaient une tache au fronton de la République. Cette déclaration va permettre d’ouvrir une nouvelle page. C’est une victoire pour tous ceux qui ont mené ce combat sans relâche pendant plus de soixante ans, rappelle le secrétaire national du PCF, une preuve que la détermination était juste et nécessaire. » « C’est un pas en avant considérable, se félicite également l’historien Benjamin Stora (voir entretien).
C’était d’ailleurs la revendication depuis le début, notamment de Pierre Vidal-Naquet, qui avait toujours insisté pour que cet assassinat soit bien interprété comme représentatif du système colonial. »
En 2014, François Hollande avait fait un premier pas en reconnaissant publiquement le caractère mensonger de la thèse de l’évasion, défendue par l’armée pour camoufler son crime. Mais il n’avait pas eu le courage de s’attaquer à la responsabilité de l’État. Un rendez-vous manqué qui permet aujourd’hui à Emmanuel Macron d’accomplir ce geste politique qui fera date.
Comme celui qu’avait réalisé Jacques Chirac en 1995 concernant la rafle du Vél’d’Hiv, reconnaissant la responsabilité de la France dans la déportation et l'extermination de juifs pendant la Seconde Guerre mondiale. « Cette déclaration s’inscrira dans le combat contre la torture comme outil de répression et de terreur partout où elle est pratiquée dans le monde », se félicitent Josette Audin et ses enfants, Michèle et Pierre, « sensibles » à la visite du président de la République venant leur remettre cette déclaration.
Cette déclaration aidera-t-elle à mettre un point final à l’affaire Audin ?
Emmanuel Macron devrait appeler également les derniers témoins à parler. En effet, si la reconnaissance est essentielle, Josette Audin ne connaît toujours pas les circonstances précises de la mort de son mari, ni la confirmation du nom de ses meurtriers. Décès sous la torture, d’un étranglement par le lieutenant Charbonnier ou d’une exécution par un commando de l’équipe d’Aussaresses… plusieurs hypothèses continuent de coexister, faute de preuves écrites.
La vérité achoppe encore sur le silence ou le mensonge de témoins clés, qui ont toujours fait obstruction à l’enquête. Mais la famille Audin espère que « l’ouverture des archives et l’appel à témoignage du président de la République sera entendu par tous les témoins survivants et tous ceux qui détiennent des archives privées susceptibles de permettre de connaître les circonstances exactes de la mort de Maurice Audin et de tous ceux qui ont subi le même sort ».
Ils attendent également que le corps de leur père et mari soit recherché, et « puisse enfin recevoir une sépulture ». Jusqu’à présent, les autorités algériennes n’ont jamais donné suite aux requêtes de la famille Audin d’engager des fouilles dans les lieux désignés par des témoins, où pourrait se trouver le corps.
« Comme dans toutes les disparitions, l’absence de corps de la victime empêche d’y mettre un point final et rend impossible la cicatrisation des plaies de ceux que la disparition a fait souffrir », rappelle l’historienne Sylvie Thénault, qui a beaucoup œuvré, par ses travaux scientifiques, à cette reconnaissance.
Cette déclaration aidera-t-elle à mettre un point final à l’affaire Audin ? Des archives viendront-elles confirmer le nom de ses assassins ? Nul ne le sait. Mais le geste accompli aujourd’hui ouvre une nouvelle page. Et commence à panser les mémoires blessées de la guerre d’Algérie.
La vérité achoppe encore sur le silence ou le mensonge de témoins clés, qui ont toujours fait obstruction à l’enquête. Mais la famille Audin espère que « l’ouverture des archives et l’appel à témoignage du président de la République sera entendu par tous les témoins survivants et tous ceux qui détiennent des archives privées susceptibles de permettre de connaître les circonstances exactes de la mort de Maurice Audin et de tous ceux qui ont subi le même sort ».
Ils attendent également que le corps de leur père et mari soit recherché, et « puisse enfin recevoir une sépulture ». Jusqu’à présent, les autorités algériennes n’ont jamais donné suite aux requêtes de la famille Audin d’engager des fouilles dans les lieux désignés par des témoins, où pourrait se trouver le corps.
« Comme dans toutes les disparitions, l’absence de corps de la victime empêche d’y mettre un point final et rend impossible la cicatrisation des plaies de ceux que la disparition a fait souffrir », rappelle l’historienne Sylvie Thénault, qui a beaucoup œuvré, par ses travaux scientifiques, à cette reconnaissance.
Cette déclaration aidera-t-elle à mettre un point final à l’affaire Audin ? Des archives viendront-elles confirmer le nom de ses assassins ? Nul ne le sait. Mais le geste accompli aujourd’hui ouvre une nouvelle page. Et commence à panser les mémoires blessées de la guerre d’Algérie.
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