01 août, 2006

LE SYSTÈME BINOMINAL



Les modes de scrutin et leurs conséquences

Au Chili, un mode de scrutin très spécial existe pour les élections parlementaires : c’est le seul pays à élire deux candidats par circonscription. Il s’agit du , ou plus précisément du scrutin majoritaire binominal (plurinominal), dont la particularité est de favoriser la liste arrivée en deuxième position.


Le mode de scrutin représente le mécanisme de transformation du décompte des voix en nombre d’élus.
Le système électoral recouvre l’ensemble des déterminants de l’élection et des effets des modes de scrutin.
Dans les élections parlementaires, par exemple, le découpage et la taille des circonscriptions ou districts électoraux sont essentiels pour le résultat du processus électoral.

Dans les pays démocratiques, le principe de l’élection au suffrage universel fait l’unanimité dans la plupart des élections alors que les modes de scrutin sont très divers. On en compte environ 150 à travers le monde.

Les modes de scrutin peuvent être qualifiés de majoritaires, proportionnels ou mixtes, en fonction du mode de calcul des représentants.

a) Les scrutins majoritaires

Les candidats ayant recueilli la majorité des voix obtiennent un siège (scrutin uninominal) ou plusieurs sièges (scrutin plurinominal). Dans le scrutin majoritaire à un tour, les candidats ou les listes qui obtiennent le plus de voix emportent le siège (scrutin uninominal) ou la totalité ou la majorité des sièges (scrutin plurinominal). Dans les deux cas (uni ou plurinominal) il résulte une disproportion entre le nombre de voix et la représentation. Le parti arrivé en tête bénéficie d’une sur-représentation par rapport au nombre de voix obtenues tandis que le parti arrivé en deuxième position est sous-représenté.


Lorsque l’acquisition du(es) siège(s) est conditionnée à l’obtention d’une majorité absolue des voix, il faut, parfois, organiser un deuxième tour avec les candidats ou les listes ayant recueilli les pourcentages les plus élevés. Cette méthode favorise le rapprochement des partis et la conclusion d’alliances.

Le grand inconvénient de ce mode de scrutin est que les petits partis sont mal ou pas du tout représentés. En revanche cette méthode dégage une majorité d’élus confortable favorisant ainsi la gouvernabilité.

b) Les scrutins proportionnels

Dans ce mode de scrutin les sièges sont attribués proportionnellement au nombre de voix.


Un quotient fixe détermine le nombre de voix à obtenir pour avoir un siège, ensuite les restes de sièges à pourvoir sont répartis entre les listes, soit selon la méthode du plus fort reste (ce qui favorise les petits partis), soit selon celle de la plus forte moyenne (qui favorise les grands).

Il existe d’autres méthodes de répartition des restes telles que le système de compensation qui répartit les sièges au sein de la liste, soit selon l’ordre de présentation, soit selon l’indication des préférences données par les électeurs. Le seuil à atteindre pour avoir le droit à la répartition écarte les petits partis de la représentation. En France et en Allemagne celui-ci est de 5%.

Le grand désavantage de ce mode de scrutin est que parfois aucune majorité, de l’ensemble d’élus, ne se dégage ce qui rend les assemblées d’élus peu stables, où la gouvernabilité peut être tributaire d’alliances et accords avec des petites formations politiques. Par contre, en général tous les courants politiques sont représentés.

c) Les scrutins mixtes

Ces modes de scrutin cherchent à cumuler les avantages des deux méthodes et à en limiter les inconvénients. Néanmoins ils créent deux catégories de députés.

Au Chili, un mode de scrutin très spécial existe pour les élections parlementaires : c’est le seul pays à élire deux candidats par circonscription. Il s’agit du système binominal, ou plus précisément du scrutin majoritaire binominal (plurinominal), dont la particularité est de favoriser la liste arrivée en deuxième position.

Effectivement, le premier candidat de la liste arrivée en tête est élu. La deuxième représentation est occupée par la liste gagnante, uniquement si elle réussit à doubler en voix la liste arrivée en deuxième position, sinon le premier candidat de cette liste est élu. Ainsi un parti ayant recueilli 33,3 % des suffrages aura autant de représentants qu’un parti cumulant 66,5 % des préférences.



La droite chilienne est bénéficiaire de ce système qui lui permet de s’assurer de pratiquement la moitié des sièges du Sénat et de la Chambre des Députés avec seulement un peu plus de 30 % des suffrages.

Le principal argument brandi par les partisans de cette méthode est la gouvernabilité. Mais cet avantage est aussi obtenu par un scrutin majoritaire uninominal à un ou deux tours. Les autres désavantages du scrutin binominal sont l’énorme distorsion en faveur de la liste arrivée en deuxième position et l’exclusion des représentants d’une frange importante de l’électorat.

Diverses possibilités de modifications du mode de scrutin (tout en maintenant la formule binominale) sont à l’étude :

a) modification du découpage électoral ce qui provoquerait une altération dans l’ordre d’arrivée des listes candidates et permettrait donc d’élargir la représentation.

b) augmentation de la quantité de représentants qui seraient élus par un autre mode de scrutin différent du binominal ce qui faciliterait l’accès aux postes des petites formations.
c) augmentation de l’élection de deux à quatre représentants par district (sénateurs) et/ou circonscription (députés) ce qui provoquerait l’élévation du seuil de voix nécessaires (de 30 à 40%) pour provoquer l’équivalence entre la première et la deuxième liste.

d) une formation politique, ayant recueilli plus de 5% des bulletins et n’ayant pas obtenu de représentant, aurait le droit d’avoir un élu par défaut à l’assemblée.

Cependant la modification de la loi électorale est soumise à l’approbation de textes par les deux tiers des chambres, ce qui est impossible sans l’accord des bénéficiaires du « binominalisme », c'est-à-dire les seuls élus de la droite chilienne : ils n’accepteront jamais de bon cœur non seulement de réduire leur représentation parlementaire, mais aussi d’ouvrir la possibilité de démonter, enfin, le système institutionnel hérité de Pinochet. Les chances d’une prochaine modification ne sont, donc, plus qu’un vœu creux.


J.C. Cartagena