Le projet du plus grand pont suspendu d'Amérique du Sud est tombé à l'eau, constate le quotidien chilien La Nación. En janvier 2005, la concession d'un ouvrage d'une longueur de 2 634 mètres avait été accordée à plusieurs entreprises, dont le groupe français Vinci. Ce pont devait permettre de relier l'île de Chiloé, située à 1 000 kilomètres au sud de Santiago, au continent sud-américain. Une décision qui mettait fin à plusieurs années de discussions entre détracteurs et défenseurs de ce projet. Parmi ses plus ardents partisans se trouvaient les différentes entreprises installées sur l'île, notamment de nombreux salmoniculteurs, qui y voyaient la possibilité d'accélérer les transports jusque-là assurés par voie maritime ou aérienne.
Un an et demi après, cet ouvrage semble être redevenu un simple mirage. Le gouvernement de la présidente Michelle Bachelet vient de décider d'y renoncer, en raison d'un coût beaucoup trop élevé. Au lieu des 605 millions de dollars initialement annoncés, il coûterait finalement 965 millions de dollars. Les autorités chiliennes préfèrent donc étudier une autre manière d'améliorer et d'accélérer le trajet entre l'île et le continent. Et, au cours d'une réunion avec un groupe d'élus de Chiloé, le ministre de l'Intérieur, Belisario Velasco, s'est lui-même chargé de préciser cette semaine que son gouvernement ne réaliserait pas le pont.
"L'affaire est-elle donc définitivement réglée ?" se demande La Nación. "Pas du tout. Au lieu d'apaiser les choses, l'intervention de Velasco a provoqué un véritable séisme parmi les élus locaux, qui avaient compris autre chose lors d'une réunion précédente avec le ministre de l'Intérieur. Ils pensaient que les négociations n'étaient pas terminées." Du coup, plusieurs participants n'ont pas caché leur grande déception, reprochant aux autorités chiliennes de se contredire sans cesse. D'ailleurs, malgré la décision gouvernementale, certains membres du "Comité pour le pont" ne baissent pas les bras. Des mouvements de protestation ont déjà été organisés de part et d'autre du canal de Chacao, qui sépare Chiloé du continent, des camions bloquant notamment le trafic sur les terminaux maritimes.
Paru dans Courrier international - 11 août 2006