Un petit pas pour la femme, un grand pas pour le Chili.
Mme Michelle Bachelet, candidate de centre-gauche, a obtenu 53,49% des suffrages contre 46,5% pour le milliardaire M. Sebastián Piñera, candidat de la droite de pure orthodoxie libérale. Lors de ce scrutin, Mme Bachelet a augmenté son score de 7,5 points par rapport au premier tour. M. Piñera, quant à lui, a obtenu un score inférieur de 1,8 points à la somme des voix de droite au premier tour.
À ces données il faut ajouter le nombre d'électeurs qui n’a pratiquement pas changé entre le premier et le second tour -seulement 14.500 votes en moins- et le vote blanc et nul qui s’est sensiblement maintenu. Il est donc clair que Mme Bachelet, qui a bénéficié du vote communiste d’une part, et de l'échec de l'appel de M. Tomás Hirsch à l'abstention d’autre part, a été capable de faire basculer dans son camp 2% des électeurs de M. Piñera. Ces électeurs, qui avaient soutenu M. Lavín au premier tour sont issus pour la plupart des couches populaires.
Le nouveau triomphe de la Concertation conforte la majorité parlementaire issue des dernières élections législatives, qui ont coïncidé avec le premier tour de l’élection présidentielle. C’est pourquoi le futur gouvernement aura davantage de marge de manœuvre que l’actuel pour donner l’impulsion nécessaire à ses propositions législatives
Le contexte politique créé par l'élection de Michelle Bachelet ouvre des nouvelles possibilités au déploiement de la démocratie au Chili. Les luttes populaires, la corrélation de forces et la volonté politique auront leur rôle à jour dans la recherche d’une issue politique. Rappelons que c'est bien dans le cadre de la société capitaliste, donc sous domination bourgeoise, mais uniquement du fait du développement des luttes sociales, que les acquis démocratiques se sont matérialisés. Le suffrage universel en constitue un modèle majeur.
Le pouvoir judiciaire, l’église catholique, les organisations patronales, les médias et les forces armées, désignés par euphémisme « les pouvoirs factiques », s’expriment en tant que tels et ont une grande influence sur les décisions prises par le gouvernement. Ils se manifestent en divers domaines et sont perçus par les citoyens comme étant à l’origine des inégalités dans l’application de la loi et dans le caractère partial de la justice. Les « enclaves autoritaires » héritées du régime militaire à travers les institutions crées par la Constitution de 1980 sont de taille. Les avancées récentes ont fait évoluer la Constitution. Toutefois, il reste encore un grand obstacle : le système électoral binominal.
Il convient de rappeler que le Parti communiste a apporté son soutien à la candidate de la Concertation après avoir exprimé son approche sur des domaines sensibles pour la collectivité : le changement du système électoral avec l’introduction de la proportionnelle ; la réforme du système des retraites, la garantie d’une retraite digne et l'augmentation de 100 % des allocations pour les bas salaires; le rétablissement du droit à la négociation collective lors des conflits du travail ; la protection de l’environnement par un contrôle effectif de l’État sur les entreprises privées ; un réel pluralisme de la presse. Ces propositions ont été abordées aussi dans la lettre adressée à la candidate. Le président du PC chilien, M. Teillier, a indiqué que les contacts officieux entre Madame Bachelet et la gauche extraparlementaire laissent présager « un changement d'attitude que nous ne connaissions pas jusqu'à présent, et qui peut être le signal que des choses peuvent changer dans le pays, en particulier le système électoral ».
Autre élément à prendre en compte, le Parti communiste «Juntos Podemos Más », véritable âme de l’union des gauches, représenté par le candidat humaniste M. Tomas Hirsch à l’élection présidentielle, a appelé à voter pour Michelle Bachelet au second tour. L’apport des suffrages du Podemos a ainsi été décisif le 15 janvier dernier.
Si la question du désistement s’est résolue sans douleur à droite, il n’en est pas de même au sein du Podemos. La direction du PCC s’est adressée à la candidate socialiste, conditionnant son désistement à l’adoption par Michelle Bachelet, de cinq mesures visant à élargir l'espace de la démocratie, et à améliorer la situation sociale des majorités. Cette initiative du PCC n’a pas obtenu l’agrément de nombre de ses partenaires, un certain nombre de militants ainsi que M. Tomas Hirsch s’étant prononcé en faveur du vote blanc. L’espoir qu’a fait naître le résultat du Podemos, (7,8 % aux législatives), - aucun candidat communiste n’a cependant été élu- se trouve menacé d’être anéanti. Conscient de ces difficultés, M. Guillermo Teillier, niant toute « négociation » avec la Concertation, fonde son argumentation sur la nécessité d’avancer, ne serait-ce que de ce petit pas que représenterait l’application par le futur gouvernement des cinq propositions. Tout en sachant que Michelle Bachelet ne changera pas d’un iota la politique libérale suivie par ses prédécesseurs, le dirigeant communiste pense que cette brèche peut créer les conditions d’un changement démocratique, changement qui ne viendra, ajoute-t-il, que des luttes que mèneront la gauche, la Centrale unie des travailleurs (CUT), ainsi que le monde du travail et le monde universitaire.
La croissance, accompagnée d’une baisse significative du chômage et de l’extrême pauvreté, ne garantit en rien le bien-être social. Le Chili figure parmi les dix pays les plus iniques de la planète, en matière de répartition des richesses. Et les milliers de tortionnaires de la dictature Pinochet jouissent d’une immunité que le rapport sur les tortures (Rapport Valech), remis en décembre 2004 au président M. Lagos, prônant l’anonymat pour tous, et donc l’impunité pour tous les tortionnaires, leur garantit.
Au Chili, l’idée que seul le consensus permet de faire avancer la démocratie - et qui vient de la pratique de la transition - est très répandue. L’expérience de la démocratie ne nie pas les situations de conflit, les rapports de force, mais cherche au contraire à en faire un outil de la décision publique. Un ressourcement de celle-ci, un rapprochement entre elle et les citoyens, ne peut avoir lieu sans poussées fortes et significatives de la démocratie participative. Il s'agit pour cela de chercher à créer les espaces d'expression de cette « conflictualité », d'inventer de nouvelles modalités pour la démocratie délibérative, qui débouchent sur le débat ou la prise de décision. Mais, rassurons-nous ! Les événements récents du Chili l'ont montré : aucune politique n'est efficace si elle n'a pas obtenu au préalable l'assentiment populaire. Le gouvernement actuel a très peu avancé dans ce sens, si ce n’est qu’il a fait admettre l’idée de la parité. L’élection d’une femme à la Présidence de la République dans ce cadre n'est qu’un petit pas pour l’égalité homme femme, mais néanmoins un grand pas pour le Chili.
Au Chili, l’idée que seul le consensus permet de faire avancer la démocratie - et qui vient de la pratique de la transition - est très répandue. L’expérience de la démocratie ne nie pas les situations de conflit, les rapports de force, mais cherche au contraire à en faire un outil de la décision publique. Un ressourcement de celle-ci, un rapprochement entre elle et les citoyens, ne peut avoir lieu sans poussées fortes et significatives de la démocratie participative. Il s'agit pour cela de chercher à créer les espaces d'expression de cette « conflictualité », d'inventer de nouvelles modalités pour la démocratie délibérative, qui débouchent sur le débat ou la prise de décision. Mais, rassurons-nous ! Les événements récents du Chili l'ont montré : aucune politique n'est efficace si elle n'a pas obtenu au préalable l'assentiment populaire. Le gouvernement actuel a très peu avancé dans ce sens, si ce n’est qu’il a fait admettre l’idée de la parité. L’élection d’une femme à la Présidence de la République dans ce cadre n'est qu’un petit pas pour l’égalité homme femme, mais néanmoins un grand pas pour le Chili.
Nolo Rizca dans Siglo XXI Paris – France - MMVI