NOUVEAUX DOCUMENTS DECLASSIFIES 30 ANS APRES
Des fonctionnaires du gouvernement des Etats-Unis ont eu entre leurs mains la possibilité d’éviter l’assassinat d’Orlando Letelier, mais inexplicablement ils ne l’ont pas fait, selon des documents déclassifiés le mercredi 20 septembre par les Archives nationales de sécurité.
À la veille du 30ème anniversaire de l’attentat terroriste à Washington, où ont perdu la vie l’ex-ministre des Affaires étrangères chilien et sa secrétaire nord-américaine, on a appris que Henry Kissinger, secrétaire d’Etat du gouvernement (secrétaire d'Etat de Richard Nixon de 1973 à 1977) , avait chargé les ambassadeurs dans les pays participant au Plan Condor de demander aux dirigeants l’arrêt des assassinats politiques organisés avec l’aide du général Augusto Pinochet dans le Cône Sud.
Mais l’ordre est resté sans effet le 20 septembre, juste un jour avant que des gangsters cubains et nord-américains comme Michael Townley, Orlando Bosch, Guillermo Novo Sampol et d’autres fassent exploser la bombe de la voiture dans laquelle circulaient Letelier et Ronni Moffitt dans Sheridan Circle, en plein centre de la capitale fédérale du puissant pays.
ORLANDO LETELIER AVEC HENRY KISSINGER |
Le mémorandum secret, écrit par Harry Schlaudeman, second de Kissinger, fait apparaître que Contreras avait nié tout autre objectif à l’Opération Condor que celui d’échanger des informations de renseignements. Mais malgré l’énorme répercussion suscitée par l’attentat dans le monde entier, vu qu’ils n’avaient même pas respecté ce sanctuaire sacré, le nom de Contreras n’avait même pas été évoqué, lui qui était considéré comme l’auteur intellectuel le plus probable, à tel point qu’un jury des Etats-Unis l’a accusé en 1978 d’avoir organisé le lâche attentat.
Cependant, quelques jours avant l’attentat, le 23 août de cette année-là, le Bureau de Kissinger avait envoyé un message très prudent aux ambassadeurs des Etats-Unis au Chili, en Argentine, en Bolivie, en Uruguay et au Paraguay, pour qu’ils s’adressent à ces gouvernements afin qu’ils cessent les missions criminelles de l’Opération Condor.Mais le jour suivant l’ambassadeur au Chili, David Popper, a évité de faire les démarches auprès de Pinochet, car celui-ci «pourrait prendre comme une insulte toute allusion à ses liens avec ces complots d’assassinat». A sa place, Popper demandait la permission d’envoyer le chef de la station de la CIA pour parler à Contreras.
L’ambassadeur d’Uruguay, Ernest Siracusa, craignait aussi pour sa sécurité personnelle en «devenant la cible de l’Opération Condor s’il accomplissait la mission diplomatique».Personne apparemment n’a tenté de le rassurer. Au contraire, pour des raisons encore classifiées, ces démarches n’ont pas été autorisées jusqu’au 4 octobre, deux jours après l’explosion de la voiture à Washington, dont Orlando Bosch allait vanter le « succès » pour faire preuve d’optimisme concernant l’opération de l’explosion quelques jours plus tard de l’avion de Cubana.
Au contraire, la veille de l’attentat terroriste, le 20
septembre 76, Schlademan lui-même a ordonné aux ambassadeurs du Cône Sud de n’entreprendre aucune action pour faire pression afin d’arrêter les assassinats. Il n’est pas besoin d’être très perspicace pour suspecter qu’il s’est passé quelque chose de louche, à tel point que certains documents déclassifiés à l’époque de Clinton, ont été écartés au printemps 2000 par Bush II comme preuve dans une enquête du Département de Justice sur la responsabilité du tyran en retraite.
À WASHINGTON DC, 21 SEPTEMBRE 1976 |
Peter Komblush, qui dirige les Archives de documentation sur le Projet Chili, en rendant public les documents secrets, a déclaré que beaucoup d’autres n’avaient pas été encore déclassifiés, comme le mémorandum de la CIA sur la conversation avec Contreras.
Le réputé fonctionnaire des Archives nationales de sécurité a exhorté le gouvernement de Bush à déclassifier tous les documents, car «après six ans il est temps d’arrêter cette dissimulation, car bien qu’ils soient maintenant inutilisables pour une accusation légale, les documents peuvent servir comme accusation de l’histoire».
Par GABRIEL MOLINA Granma