03 septembre, 2006

Carlos Castaño, tué sur ordre de son frère

Restes de ce que les autorités croient pourrait être le cadavre de Carlos Castano, le chef supérieur des Forces Paramilitaires de Défense de Colombie, ont été montrés à la presse à Bogota. Jesus Ignacio Roldán, qui dit d'avoir tué Castaño il y a plus de deux ans, a conduit aux chercheurs vers la tombe. Les restes seront soumis à des examens d'ADN, pour prouver leur identité. Photo:AP

Le chef des AUC, Carlos Castaño, aurait été tué sur ordre de son frère en 2004


L'homme grassouillet répond à l'étrange surnom de "Monoleche" ("Blond laiteux"). Il a avoué avoir assassiné, en 2004, Carlos Castaño, leader historique des Autodéfenses unies de Colombie (AUC, groupes paramilitaires d'extrême droite), dont les autorités colombiennes ont annoncé avoir retrouvé le cadavre, vendredi 1er septembre, dans le département de Cordoba (nord). "Monoleche" prétend avoir agi sur ordre du frère de la victime, Vicente Castaño. Détenu dans une prison improvisée des environs de Medellin, en compagnie des principaux chefs paramilitaires démobilisés, "Monoleche" espère bénéficier des généreuses réductions de peine promises aux miliciens repentis.


Vicente Castaño, lui, est en cavale. Lundi 28 août, le haut-commissaire pour la paix, Luis Carlos Restrepo, a annoncé qu'il rencontrerait bientôt le fugitif pour négocier sa reddition. Le 14 août, le président colombien, Alvaro Uribe, a ordonné aux chefs paramilitaires démobilisés et en instance de procès de se livrer aux autorités. Une vingtaine d'entre eux ont obéi. En tapant du poing sur la table, M. Uribe tente de redorer le blason d'un processus de paix très controversé. Trois ans de négociations avec les AUC ont révélé l'ampleur des liens entre paramilitaires et mafieux.

Dans les années 1980, les frères Castaño décident de venger leur père, un éleveur assassiné par la guérilla d'extrême gauche. L'aîné, Fidel, met en place une milice rurale sanguinaire dans le nord de la Colombie. Propriétaires terriens, grands éleveurs, gros industriels et narcotrafiquants financent l'organisation. Syndicalistes, journalistes ou défenseurs des droits de l'homme sont assassinés, les paysans soupçonnés de prêter main-forte à la guérilla, massacrés.

Lorsque Fidel Castaño disparaît mystérieusement en 1994, Carlos prend sa place à la tête des troupes. Son frère Vicente reste en civil. Il tisse des contacts avec les responsables - politiques, militaires et économiques - de la région. En 1997, Carlos Castaño fonde les Autodéfenses unies de Colombie pour fédérer toutes les milices paramilitaires. Deux ans plus tard, il donne son premier entretien à la télévision. Il admet d'innombrables crimes et reconnaît que l'argent de la drogue finance la lutte contre la guérilla.

Dès sa mystérieuse disparition, le 16 avril 2004, le bruit court que son frère Vicente a commandité l'assassinat. Trompés par la présence de "Monoleche", alors chef de sécurité de Vicente, les gardes du corps de Carlos ont laissé le commando armé pénétrer dans la propriété de leur patron.

L'homme était devenu encombrant. Dix-huit mois plus tôt, les paramilitaires avaient accepté la main tendue par le gouvernement Uribe et engagé des pourparlers en vue de leur démobilisation. On dit Carlos amoureux, exaspéré par l'influence croissante des narcotrafiquants à la table des négociations et pressé d'en finir avec la guerre. Deux jours avant sa mort, le leader des AUC, ivre, claironne son intention de se rendre aux Américains et de livrer ses compagnons d'armes. Il signe alors son arrêt de mort.

Marie Delcas
Article paru dans Le Monde édition du 03 09 2006