Pour son premier anniversaire du coup d'Etat militaire comme présidente, Michelle Bachelet a essayé d'imprimer aux commémorations un climat de réflexion.
Tandis que le gouvernement réalisait un acte aujourd'hui, plus de dix mille personnes ont marché dans les rues de Santiago hier pour rappeller les 3200 morts et 1200 disparus qu'a laissé la longue dictature d'Augusto Pinochet.
La manifestation a fait un de ses arrêts au Palais de La Moneda, où parents et grands-parents ont pu expliquer à leurs enfants et petits-fils ce qui s'est passé il y a 33 ans, le 11 septembre 1973. "Regarde fils, c'est (Salvador) Allende, qui a lutté pour ce qui était juste", a dit un père à son petit de cinq ans qui regardait attentivement le monument du premier dirigeant marxiste (1) qui est parvenu à la présidence par la voie électorale, au Chili et dans le monde.
La massive manifestation a été convoquée, comme tous les ans, par des organisations de défense des droits humains, des groupes sociaux et des partis de gauche. Malgré le message pacifique de ses organisateurs et de la forte présence policière que le gouvernement avait déployée, la journée a été marquée par la violence de pas plus de cent personnes avec visages masqués, qui à deux reprises se sont affrontés aux carabiniers. Les affrontements ont duré presque deux heures au total et trois officiers ont été blessés, selon la police, et près de 30 personnes arrêtées. D'abord, un groupe d'encapuchonnés, supposément un groupe anarchiste, a lancé une bombe incendiaire et quelques bouteilles avec de la peinture contre le Palais de La Moneda. Les attaques se sont étendues à une banque, un local de nourriture et plusieurs arrêts de bus éloignés du siège présidentiel. Après ces incidents, la marche a continué jusqu'au Cimetière Général. Près de là, un groupe d'encapuchonnés a recommencé à faire front aux carabiniers, qui les ont dispersés avec des jets d'eau et des gaz lacrymogènes.
A l'exception de ces chocs, la marche a été ordonnée et pacifique. Des milliers de personnes ont marché avec des drapeaux rouges et des pancartes sur lesquelles elles rappelaient l'ex président Allende et les victimes de la dictature de Pinochet. La grosse colonne de manifestants, composée par des personnes de tous les âges, est partie de la Place centrale Los Heroes, est descendue à La Moneda, pour tout de suite partir vers le Cimetière Général. Là a été réalisé un acte final en face du monument qui rappelle les détenus disparus et les hommes politiques exécutés par le régime de facto.
Après le passage de la colonne par le côté du siège présidentiel, des centaines d'oeillets rouges ornaient la porte du 80 de la rue Morandé, où les militaires ont sortie le cadavre du président ce mardi 11 septembre. Un tissu avec des photographies de certaines de disparus a été placé près de la porte du palais présidentiel. "Cela fait des années que je viens à la manifestation. C'est un rite nécessaire", a expliqué l'une des femmes tandis qu'elle regardait l'édifice dans lequel Allende a résisté pendant ses dernières heures, avec un groupe de compañeros.
La marche d'hier à Santiago a eu pour but non seulement de rappeler les horreurs de la dictature dirigée par Pinochet, mais aussi d'honorer Allende. "Continuez sachant que, plus tôt que tard, ils ouvriront les grandes promenades où l'homme libre passe pour construire une société meilleure." Ce fut la dernière phrase que le mandataire a prononcée ce matin là, avant que la radio qui la transmitait soit bombardée. Hier, des milliers de chiliens ont tenté de faire réalité ce rêve.
1- C'est pour moi une simplification de dire d'Allende qu'il était "marxiste", dans un récent documentaire sur lui ("salvador Allende"), un ami de celui-ci explique quelles furent les diverses influences politiques d'Allende, attribuant une grande importance aux théories anarchistes. (N.d.T.).
Pagina/12 (Argentine), 11 septembre 2006. Traduction : Fab, santelmo@no-log.org