16 avril, 2007

INTERVIEW DE SEBASTIAN PARIS HORVITZ

SEBASTIAN PARIS HORVITZ
Sebastian Paris Horvitz
directeur de la Stratégie d'Investissement pour AXA IM


Nous pouvons nous attendre à un affaiblissement de la croissance américaine en dessous de 2,5%»

Quelle est votre perception de l’évolution des marchés financiers à l’heure actuelle?

Alors que le marché avait subi une très forte correction il y a environ un mois, nous pouvons à présent observer une reprise qui s'explique notamment par le fait que l’activité dans beaucoup de régions du monde reste soutenue et que les valorisations dans ce contexte semblent toujours très attrayantes.Une des manifestations caractéristiques de ce rebond réside dans l’évolution qu’a connu le marché chinois de Shanghai : alors que ce dernier avait baissé de 9 % le 27 février, au moment où avait commencé la correction, il est aujourd'hui en hausse de près de 30 % depuis le début d’année.

Quelles sont les perspectives?

Notre regard se concentre sur ce qui se passe actuellement aux Etats-Unis. En ce moment, ce pays connaît une croissance plutôt ralentie, en dessous de son potentiel. De ceci résulte une prévision de croissance des profits de 5 % au lieu de 20 % auxquels on s’était habitué ces dernières années. Ce ralentissement est accentué par l'évolution rapide des salaires qui grignotent les marges des entreprises. Sans oublier les difficultés du secteur immobilier qui pourraient peser sur les résultats du secteur financier, notamment par des provisions plus importantes que prévu par les banques.L’ensemble de ces éléments de risque conduit le marché à s’interroger sur l’ampleur du ralentissement. Celui-ci sera-t-il fort ? Sera-t-on confronté à une véritable récession ? L’ensemble des acteurs de la place attend une réaction de la FED pour permettre à l'économie de repartir.

Toutefois, cette anticipation de baisse de taux trouve encore devant elle un obstacle : l’inflation. En effet, celle-ci reste relativement élevée. Ceci est un sujet qui inquiète d’ailleurs l’ensemble des banques centrales. Les craintes à ce sujet ont sûrement pesé sur les marchés ces derniers mois. Nous pensons que l'inflation ne devrait pas poser de problème, mais elle demeure néanmoins un risque. La progression rapide des salaires aux Etats-Unis et le maintien d’un rythme d’activité économique soutenu dans de nombreux pays pourraient effectivement entraîner des tensions, repousser une baisse des taux dans le pays, voire se traduire par plus de rigueur monétaire. Cette possibilité explique en partie le fait que les taux longs commencent à monter. Notre pronostic reste néanmoins que la décélération de l’activité va gagner l’ensemble de l’activité et que dans ces circonstances les banques centrales vont assouplir leurs politiques, apportant in fine un soutien au marché.


Quel est votre avis au sujet des pays émergents?

Je pense qu'il faut surveiller de près ce qui se passe dans ces pays. La croissance de l'avenir se situe certainement là-bas. Nous pouvons le constater avec la Chine, l’Inde, certains pays d'Amérique latine qui ont des situations financières plutôt assainies, avec notamment une forte accumulation de réserves de change. Il n'empêche que les États-Unis et surtout les consommateurs américains restent un soutien important à la croissance de ces pays. Or, si nous avons une véritable récession aux Etats-Unis, l'hypothèse que le reste du monde continuera à croître sans ressentir aucun effet de la dynamique américaine est fausse. La belle histoire des pays émergeant tient encore à la croissance américaine. Aujourd’hui, nous somme plutôt sélectifs car même si ces marchés gardent en général des valorisations attrayantes, il nous semble que la prudence s’impose pour ceux qui sont trop dépendants des matières premières. En effet, le ralentissement de l’activité mondiale devrait calmer fortement les prix des matières premières. Une Chine plus robuste qu’attendu, peut néanmoins clairement altérer ce diagnostic.


Comment voyez-vous évoluer la bulle immobilière aux Etats-Unis ?

Nous sommes inquiets mais pas au point d’opter pour un scénario trop noir. La situation des crédits immobiliers de mauvaise qualité, les , révèle une crise assez profonde même s'ils ne représentent que 10 % de l'ensemble du marché immobilier hypothécaire américain. Les excès prendront du temps à être nettoyés. C'est certainement un frein à la croissance de l'économie américaine, d’autant plus si le phénomène du «subprime» répand ses effets sur l'ensemble du secteur immobilier et donc sur l'ensemble de l'économie. Pour l’instant nous ne le constatons pas mais c'est un risque qu'il faudra surveiller.Le problème est que le contexte a profondément changé : les sources de financement ne viennent plus de la hausse des prix des maisons et les gens ne peuvent plus s'endetter aussi facilement, les banques ayant resserré les conditions d’octroi des crédits immobiliers.
Dans ces conditions, nous pouvons nous attendre à ce que la croissance américaine s'affaiblisse davantage même si le consensus table déjà sur une croissance autour de seulement 2,5 % pour cette année.


Quels sont les zones géographiques et les secteurs que vous privilégiez ?

D'un point de vue régional, nous continuons à être exposés essentiellement en Europe, particulièrement en zone euro. Cela tient tout d'abord à un argument de valorisation. Par ailleurs, dans ce contexte de grande liquidité, les fusions acquisitions jouent un rôle très important comme stimulant des prix des actifs. Au premier trimestre, nous avons eu près de 1000 milliards d'opérations au niveau mondial. Plus de la moitié a été concentrée en Europe.
Pour ce qui concerne les zones émergentes, notre préférence va plutôt vers l'Asie et une partie de l'Amérique latine, avec cette réserve que nous restons prudents concernant les matières premières. S’agissant de ce dernier secteur, notre scénario est celui d'un ralentissement graduel. Nous pensons que le prix des matières premières devrait souffrir cette année, même si un consensus veut que l'intégration de la Chine et des grands pays émergents dans la scène mondiale crée sur le moyen terme une pression à la hausse sur les prix des matières premières.
Parmi les secteurs que nous aimons bien, il y a tout d'abord les financières. Les valorisations en Europe continentale sont attrayantes et sa faible concentration nous pousse à croire que ce secteur devrait bénéficier des opérations de fusion et acquisition. Et puis il y a aussi la santé : ce secteur n'est pas cher, c'est un secteur qui subit assez souvent des critiques pour des motifs structurels. À court terme, il y a de vraies difficultés lorsque nous appréhendons ce marché en raison de la grande concurrence dans les médicaments avec l'arrivée des génériques. Nous pensons pour autant que le marché maltraite ce secteur, particulièrement parce que les prix de marché sont attrayants.


Compte tenu de la consolidation du secteur aérien, investir dans ce secteur vous semble-t-il pourtant opportun ?

Je pense que la consolidation pourrait se poursuivre en Europe bien que sans doute, les bonnes nouvelles soient peut-être déjà derrière nous. Une autre bonne nouvelle résiderait dans la baisse des coûts énergétiques. Lorsque nous parions sur les fusions-acquisitions, nous ne nous concentrons pas trop sur les compagnies aériennes. Les pressions sur les marges restent aussi très fortes car c’est un secteur qui devient très concurrentiel.Les entreprises absorbées aujourd’hui sont des entreprises en général qui ne sont pas forcément dans la meilleure posture.
Propos recueillis par I.H.