11 juin, 2020

SUÈDE. LE MEURTRIER D’OLOF PALME A ENFIN UN NOM ET UN VISAGE

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PHOTOGRAPHIE REUTERS / GUARDIAN DESIGN
Selon les conclusions du juge d’instruction, l’assassin du premier ministre social-démocrate en 1986 ne serait ni un barbouze sud-africain ni une brebis galeuse des services suédois, mais un modeste employé d’une société d’assurances de Stockholm.
Par Thomas Lemahieu
STIG ENGSTRÖM L’ASSASSIN D’OLOF PALME
PHOTO BERTIL ERICSON
Comme il en avait l’habitude quand il allait au cinéma, Olof Palme avait congédié son escorte, le 28 février 1986. Premier ministre suédois à l’époque, cette figure de proue du puissant Parti social-démocrate depuis 1968 était adulée par les uns, ou honnie par les autres, pour des raisons diamétralement symétriques : avoir financé les sandinistes au Nicaragua, le Front Farabundo Marti de libération nationale au Salvador et surtout le Congrès national africain de Mandela en Afrique du Sud, qualifié de « putain de meurtrier » le dictateur espagnol Franco, soutenu le Viêt-cong contre les États-Unis, mais aussi les moudjahidine afghans contre l’URSS, conspué le régime de Batista et vanté la révolution à Cuba…



HANS HOLMER, RESPONSABLE DE L'ENQUÊTE SUR L'ASSASSINAT
D'OLOF
PALME MONTRE DEUX REVOLVERS SMITH & WESSON 357 
PHOTO HAKAN RODEN
Dans son propre pays, ce transfuge de classe – il était d’extraction aristocratique – avait consolidé le modèle de protection sociale et de redistribution égalitaire, suscitant l’ire du magazine conservateur Contra, qui avait transformé son visage en cible pour fléchettes.


OLOF PALME EN 1985. PHOTO INGRID ROSSI
Malgré tout, Olof Palme ne craignait rien : dans la paisible Suède, le dernier assassinat politique remontait à 1792, quand le roi Gustave III succomba sous les balles de nobles conjurés lors d’un bal masqué à l’Opéra. Olof Palme a eu tort. À la nuit tombée, ce soir de février 1986, il est mort, en plein centre de Stockholm, abattu d’une balle de magnum 357.


Pas de certitudes, ni sur le mobile ni sur les éventuels complices

 

« OLOF PALME  UN GRAND AMI DU CHILI » 
OLOF PALME ET BEATRIZ ALLENDE  À STOCKHOLM, SUÈDE 1973
Depuis l’attentat, le pays cherche le coupable. Et cette fois, il pense l’avoir trouvé. La justice vient, mercredi matin, de clore officiellement l’enquête qui avait été rouverte en 2016. Elle avait débuté par un fiasco policier : les enquêteurs ont détruit ou égaré des éléments le jour du crime, puis sont partis sur des pistes farfelues comme celle de Kurdes du PKK ou plus prometteuses comme celle des services secrets sud-africains alliés à des brebis galeuses de l’espionnage suédois (une piste qui sera suivie notamment par Stieg Larsson, le journaliste d’investigation qui deviendra plus tard l’auteur de la fameuse trilogie Millénium). Trente-quatre ans plus tard, l’affaire qui a, selon l’expression courante à Stockholm, fait « perdre son innocence » à la Suède, s’achève en eau de boudin. 


LE PREMIER MINISTRE SUÉDOIS, OLOF PALME, LE 12 DÉC 1983
PHOTO ANDERS HOLMSTROM / AP
Avec, certes, le nom d’un assassin : Stig Engström, un employé de bureau dans une société d’assurances, Skandia, à quelques pas du lieu du meurtre en 1986, qui gravitait dans « les cercles critiques des idées de Palme ». Celui qui était, dans les gazettes, baptisé «l’homme de Skandia » («Skandiamannen ») a refait surface en mars 2018, quand un journaliste suédois a révélé son passé dans l’armée et sa parfaite connaissance du maniement des armes à feu. Mais alors qu’Engström s’est suicidé en 2000 sans avoir jamais été réinterrogé par la police, son ex-épouse avait, elle, alors récusé cette piste, mettant en avant sa « poltronnerie ».

L'AVENUE SVEAVÄGEN, GRANDE ARTÈRE DE STOCKHOLM,
UNE TACHE DE SANG LÀ OÙ OLOF PALME A ÉTÉ
ABATTU DE DEUX BALLES DANS LE VENTRE
PHOTO SCANPIX SWEDEN / AFP
Le parquet suédois n’a donc pas  de certitudes absolues, ni sur le mobile ni sur les éventuels complices. « On ne peut exclure qu’il y ait eu une forme de complot, mais nous avons passé beaucoup de temps à examiner cette thèse sans rien trouver qui puisse l’étayer », avance Krister Petersson, le juge d’instruction chargé de boucler cette dernière investigation. Mais, selon le magistrat, si l’enquête avait été menée correctement en 1986, il ne fait pas de doute que le suspect aurait été arrêté à l’époque et l’arme du crime retrouvée. Interrogé par la radio publique suédoise, l’un des fils d’Olof Palme, Marten, a endossé l’hypothèse de la justice de son pays : « Je pense qu’Engström est coupable. » Le dossier est clos, mais les mystères ne sont pas levés.
Thomas Lemahieu
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OLOF PALME
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