25 octobre, 2022

CHILI : TROIS ANS APRÈS LA RÉVOLTE DE 2019, L’ESPOIR D’UNE TRANSFORMATION SOCIALE S’ÉLOIGNE

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 PHOTO MARCELO SEGURA / AFP

Analyse Le 25 octobre 2019, près de 2 millions de Chiliens envahissaient pacifiquement les rues de toutes les villes du pays pour exiger des transformations sociales profondes. Trois ans après cette mobilisation historique, les changements se font toujours attendre.

par Marion Esnault (correspondante à Valparaiso, Chili)

LA MARÉE HUMAINE SUR LA PLAZA ITALIA,
À SANTIAGO, AU CHILI,
VENDREDI 25 OCTOBRE 2019

Le 25 octobre 2019, l’avenue principale de Santiago du Chili est noire de monde, l’image fait le tour du monde. Cette mobilisation historique touche également le reste du pays, obligeant le gouvernement du conservateur Sebastian Piñera à trouver une sortie institutionnelle à la révolte.

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Douze mois plus tard, les Chiliens votent à 80 % pour qu’une Convention constitutionnelle rédige une nouvelle Constitution, et mette fin à celle du dictateur Augusto Pinochet.Mais trois ans après ces manifestations d’ampleur inédite dans l’histoire du Chili, l’élan est retombé. « L’échec du processus constitutionnel a démoralisé les personnes mobilisées pour les changements institutionnels. Il y a un épuisement de la mobilisation sociale », explique Claudia Heiss, politologue de l’université du Chili. 

Le 4 septembre dernier, le projet écrit par 155 constituants soumis au vote populaire a été rejeté à 62 %. La Constitution de Pinochet reste en place.

À droite, on attribue cet échec au programme de refonte sociale, trop ambitieux, du gouvernement de Gabriel Boric, investi en mars. Certains minimisent même la révolte de 2019. Le jeune président a réagi en critiquant « l’assaut de certains secteurs conservateurs qui tentent de nous faire croire que rien ne s’est passé ». Et d’ajouter qu’« il y a trois ans, des milliers de personnes ont manifesté, exprimant un malaise accumulé depuis longtemps et réclamant plus de justice, d’égalité et la fin des abus ».

Trois ans plus tard, c’est pire 

Mais les sondages montrent que rien ne s’est amélioré en trois ans. Selon une enquête de l’agence Cadem, 93 % des Chiliens pensent que la délinquance et la violence ont augmenté, et 75 % considèrent que la situation économique s’est aggravée. « Les priorités ont changé depuis 2019. Il y a une forte inflation (14 %) et des problèmes de sécurité publique, liés à la pandémie et à la crise des carabiniers (police chilienne) », explique Claudia Heiss.

En sept mois de présidence, l’image de Gabriel Boric est déjà écornée : malgré un remaniement ministériel et un virage vers le centre après la victoire du « non » au projet de nouvelle Constitution, il n’est plus guère soutenu que par 27 % des Chiliens, selon les sondages. Le directeur de l’agence Cadem, Roberto Izikson, juge que « la façon dont le gouvernement est évalué s’explique par le fait que la peur entourant le crime et la violence éclipse tout le reste ».

Un processus constitutionnel qui s’enlise  

Mais Gabriel Boric paie aussi le prix de son impuissance. Après le rejet de la nouvelle Constitution le 4 septembre, le chef de l’État a délégué la poursuite du processus constitutionnel au Congrès. Ce dernier, divisé entre gauche et droite, ne trouve aucun accord politique. Le président de la Chambre des députés, Raul Soto (centre gauche), a appelé le gouvernement et l’opposition à « sortir de leurs tranchées » et à « se désamourer » de leurs idées afin de « collaborer pour faire avancer le Chili ». 

Dans l’impasse, le gouvernement tarde à trouver un second souffle. Ses autres projets se sont également enlisés au Congrès, où il ne dispose pas de la majorité. Trois ans après et malgré l’espoir suscité par l’élection de Gabriel Boric, les mobilisations historiques d’octobre 2019 n’ont toujours pas porté leurs fruits.  

par Marion Esnault 

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