LES CHILIENS SE SONT RENDUS AUX URNES LE 7 MAI DERNIER POUR DÉSIGNER LES NOUVEAUX MEMBRES DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL. PHOTO REUTERS / © MSM |
Après une immense vague d’espoir au Chili, l’élaboration d’une nouvelle Constitution est en passe de finir dans une impasse. / Le rejet en septembre d’un premier texte lors d’un référendum, qui fut surtout un vote sanction pour le jeune président de gauche Gabriel Boric, avait sidéré le camp réformiste. Le scrutin du 7 mai pour désigner les nouveaux membres du Conseil constitutionnel, dominé par l’extrême droite de José Antonio Kast (22 sièges sur 50), a fini de le mettre à terre.
mercredi, ces nouveaux élus vont entamer leurs travaux pour accoucher d’une seconde Magna Carta qui sera, elle aussi, soumise au vote populaire en décembre. Sauf que son contenu n’aura sans doute plus rien à voir avec celui proposé en septembre. Enterrée l’idée d’un Chili plus égalitaire où les droits à l’éducation et à la santé seraient garantis, envolée la parité femme-homme, finis les droits accrus pour les peuples autochtones…
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« Le comité d’experts qui a prérédigé le texte a gommé ces éléments, souligne l’historien Franck Gaudichaud, professeur à l’université Toulouse-Jean-Jaurès. Demeure l’idée que le Chili est un État social et démocratique. Mais les élus d’extrême droite ont annoncé qu’ils ne voulaient même pas de cette mention. Au final, le texte devrait surtout consacrer l’économie libérale. » Et ressembler fortement à celui en vigueur, rédigé sous la dictature du général Pinochet.
Le Chili tournera-t-il la page Pinochet, en changeant sa Constitution ?
Pour le président Boric, l’aventure constitutionnelle aura donc été un boulet depuis son arrivée au pouvoir en mars 2022. Mais elle pourrait se révéler tout aussi piégeuse pour José Antonio Kast. Car le leader réactionnaire et son Parti républicain, qui se complaisaient jusqu’ici dans l’opposition et se sont toujours prononcés contre l’écriture d’une nouvelle loi fondamentale, vont devoir se retrouver en première ligne. « Même si le processus constitutionnel est très encadré, note Franck Gaudichaud, ils vont devoir donner des gages de gouvernabilité. » Tout en cherchant des alliances avec la droite traditionnelle, Kast devra tenir la bride de certains de ses élus, notoirement incontrôlables.
Selon les sondages actuels, 46 % des Chiliens affirment vouloir voter contre la future Constitution lors du référendum de fin d’année, contre 34 % qui se prononcent pour. Une défaite en décembre assombrirait l’horizon du leader d’extrême droite, dont la seule obsession reste l’élection présidentielle de 2025.