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LE MONDEINTERNATIONAL / Vénézuéla / Au Vénézuéla, l’incertitude après l’éviction de la candidate d’opposition Maria Corina Machado / Le président de la République, Nicolas Maduro, assure que l’élection présidentielle se tiendra, mais qui pourra faire face au candidat chaviste ? / Washington s’interrogeait, samedi 27 janvier, sur la conduite à tenir envers le Vénézuéla de Nicolas Maduro. À Caracas, le Tribunal supérieur de justice (TSJ) avait confirmé, la veille, que l’opposante Maria Corina Machado ne pouvait pas inscrire sa candidature à la prochaine élection présidentielle. Dans un communiqué, le porte-parole du département d’État américain, Matthew Miller, a qualifié la décision du haut tribunal vénézuélien de « très préoccupante »
Par Marie Delcas (Bogota, correspondante)
Temps de Lecture 3 min.
LE PRÉSIDENT NICOLAS MADURO, S’ADRESSE À SES PARTISANS LORS D’UNE MANIFESTATION À CARACAS, AU VENEZUELA, LE 23 JANVIER 2024. PHOTO LEONARDO FERNANDEZ VILORIA |
Adoubée candidate de l’opposition à l’occasion des primaires du 22 octobre 2023, Mme Machado, 56 ans, était, depuis, donnée gagnante par tous les instituts de sondage indépendants. Mais le TSJ a confirmé vendredi qu’elle était inéligible et interdite de fonction publique pour quinze ans, notamment pour des irrégularités administratives.
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« Le régime a décidé d’en finir avec l’accord de la Barbade, mais la lutte pour la conquête de la démocratie au travers d’élections libres et transparentes, elle, n’est pas finie », a réagi pour sa part Mme Machado sur son compte X. Résultat de longues négociations entre les représentants du gouvernement chaviste et ceux de la Plate-forme unitaire démocratique de l’opposition, un accord pour la tenue de l’élection présidentielle au deuxième semestre 2024 avait été annoncé le 17 octobre 2023 à Bridgetown, capitale de l’île caribéenne de la Barbade.
Une trentaine d’arrestations
Gerardo Blyde, chef de la délégation d’opposition, a lui aussi dénoncé « une violation » de cet accord, en précisant que l’opposition « n’a pas quitté la table des négociations ». « L’accord de la Barbade est le document politique le plus important négocié depuis vingt ans que dure la crise politique », a insisté M. Blyde, en demandant l’aide « de Macron, de [Gustavo] Petro, de Lula », les présidents français, colombien et brésilien, pour le sauver.
Au lendemain de la signature de l’accord, les Américains avaient annoncé un allègement partiel et provisoire des sanctions pétrolières décrétées contre le Vénézuéla. Washington avait conditionné ces mesures à la levée de l’inéligibilité de plusieurs opposants vénézuéliens et à la libération des prisonniers politiques.
Jeudi, avant même la décision du TSJ, Nicolas Maduro déclarait à Caracas que l’accord de la Barbade était « mortellement blessé », en dénonçant l’existence de plusieurs complots en cours pour l’assassiner. Depuis dix jours, plus d’une trentaine de personnes, civils et militaires, dont des membres de Vente Vénézuéla, le mouvement politique de Mme Machado, ont de fait été arrêtées. Les autorités vénézuéliennes disent enquêter sur « cinq conspirations » qui seraient ourdies par l’opposition, les services de renseignement américains et l’armée colombienne.
Le communiqué du département d’État de samedi précise de son côté : « Les États-Unis sont en train de reconsidérer leur politique de sanctions contre le Vénézuéla, après cette décision judiciaire et le récent ciblage politique des candidats de l’opposition démocratique et de la société civile. » M. Miller a précisé que la décision du TSJ « contrevient aux engagements pris par les représentants de M. Maduro ».Vénézuéla
Très attendue, la décision des juges n’a pas vraiment créé la surprise à Caracas. Nombre d’opposants étaient convaincus que le pouvoir chaviste empêcherait coûte que coûte la très à droite Mme Machado de se présenter à la présidentielle. La sentence du TSJ intervient alors que la tension, les arrestations et les accusations de complot sont de retour à Caracas.
Sanctionnée par la Contraloria – l’organisme chargé de surveiller la fonction publique – en juin 2023, Mme Machado avait pu se présenter aux primaires organisées par les partis d’opposition sans intervention des autorités électorales. Elle a remporté avec plus de 90 % des voix le scrutin auquel ont participé, selon les organisateurs, quelque 2,4 millions d’électeurs.
Maria Corina Machado affirme qu’elle n’a jamais été informée d’un procès à son encontre. « Elle n’a jamais eu la possibilité de se défendre », a souligné le porte-parole de la Maison Blanche. Le TSJ a également confirmé l’inéligibilité de Henrique Capriles, figure de l’opposition qui, en 2012, avait affronté Hugo Chavez dans les urnes. Les juges ont en revanche levé l’inéligibilité de cinq autres opposants très peu connus.
LE PRÉSIDENT FANTOCHE JUAN GUAIDÓ ET MARIA CORINA MACHADO EN GROUPIE PHOTO FACEBOOK DE MARIA CORINA MACHADO |
Ni l’opposition vénézuélienne ni les États-Unis n’ont encore décidé de la conduite à tenir après l’éviction de Mme Machado. L’opposition va-t-elle se retirer du jeu et appeler les électeurs a s’abstenir ? Ou choisir de désigner un nouveau candidat ? Le gouvernement de Joe Biden va-t-il rétablir les sanctions pétrolières ? Ces dernières n’ont pas été efficaces, et les États-Unis ont besoin du pétrole vénézuélien dans le contexte de la guerre en Ukraine. Une seule certitude, selon Nicolas Maduro : « Il y a aura des élections en 2024, c’est un fait. »
L'ANCIENNE DÉPUTÉE MARÍA CORINA MACHADO (AU CENTRE) CÉLÈBRE SA VICTOIRE AUX PRIMAIRES DE L'OPPOSITION AU VÉNÉZUÉLA. PHOTO MIGUEL GUTIÉRREZ |