26 décembre, 2025

AU HONDURAS, NASRY ASFURA REMPORTE L’ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE GRÂCE AU SOUTIEN DE DONALD TRUMP

    [ Cliquez sur l'image pour l'agrandir ] 

NASRY ASFURA, CANDIDAT DU PARTI NATIONAL DU HONDURAS
À L’ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE, À TEGUCIGALPA,  LE 30 NOVEMBRE 2025.
PHOTO JOHNY MAGALLANES

Logo
Le Monde

International / Honduras / Au Honduras, Nasry Asfura remporte l’élection présidentielle grâce au soutien de Donald Trump / Après vingt-cinq jours d’un décompte chaotique des suffrages, le candidat du Parti national a été déclaré vainqueur face à son adversaire du Parti libéral. Il l’emporte à l’issue d’une campagne marquée par la grâce accordée par le président américain à l’ancien président Juan Orlando Hernandez, condamné pour trafic de drogue.

Par Anne Vigna (Mexico, correspondante)

Les élections générales du 30 novembre, au Honduras, ont réservé plus d’une surprise, la plus pénible étant l’attente de vingt-cinq jours qui aura été nécessaire pour certifier la victoire de Nasry Asfura, 67 ans, candidat du Parti national du Honduras (PNH, droite), après une série d’incidents techniques qui pourront donner lieu à des contestations.

UNE AFFICHE DE CAMPAGNE DE NASRY ASFURA, CANDIDAT DE DROITE
SOUTENU PAR LE PRÉSIDENT TRUMP, A ÉTÉ PLACARDÉE LE MOIS DERNIER
 DANS UNE RUE DE TEGUCIGALPA, AU HONDURAS.
PHOTO DE DANIELE VOLPE 

► À penser en dessin : FENÊTRE SUR COUR

Cet entrepreneur du BTP, qui fut maire de la capitale, Tegucigalpa, de 2014 à 2022, a finalement été proclamé vainqueur de l’élection présidentielle, mercredi 24 décembre, avec 40,27 % des suffrages, soit seulement 27 000 voix de plus que son adversaire, Salvador Nasralla, du Parti libéral (39,54 % ). Nasry Asfura, surnommé « Tito », petit-fils d’immigrés palestiniens, a promis de rompre les relations avec la Chine pour relancer celles avec Taïwan, auxquelles le Honduras avait mis un terme en 2023.

LE CANDIDAT À LA PRÉSIDENCE NASRY ASFURA DU PARTI NATIONAL
PREND UN SELFIE À SON ARRIVÉE AU SIÈGE DE SON PARTI
À TEGUCIGALPA, AU HONDURAS, LE MERCREDI 10 DÉCEMBRE 2025.
PHOTO MOISES CASTILLO

► À lire aussi :        AU HONDURAS, LES DESSOUS DU COUP D’ÉTAT ÉLECTORAL

L’intervention la plus inattendue a été l’ingérence du président américain, Donald Trump, trois jours avant le scrutin, pour soutenir Nasry Asfura. « La victoire d’Asfura ne peut se comprendre sans l’intervention des États-Unis dans le processus électoral, qui lui a donné un appui décisif sur ses concurrents », estime Joaquin Mejia Rivera, chercheur à l’ONG Alliance pour la paix et la justice.

Donald Trump a promis une relation différente avec le Honduras en cas de victoire de son poulain. La promesse compte, alors que près de 50 000 Honduriens vivant aux États-Unis sont menacés d’expulsion par le locataire de la Maison Blanche.

« Si Nasry Asfura ne gagne pas, les États-Unis ne gaspilleront pas leur argent. Nous pouvons travailler ensemble pour lutter contre les narco-communistes et apporter au peuple du Honduras l’aide dont il a besoin », avait écrit le président américain sur son réseau social, Truth Social, le 27 novembre. Par « narco-communiste », Donald Trump désignait les représentants du Parti Liberté et refondation (Libre, gauche), à la tête du Honduras depuis 2022 avec la présidente Xiomara Castro.

« Nasry, celui des Burros Asfura, est le chouchou de Donald Trump »
DESSIN GARABATOS

La troisième surprise de ce scrutin à un seul tour aura été le mauvais score de la gauche, qui a récolté 19,2 % des suffrages, alors que sa candidate, Rixi Moncada, était donnée au coude-à-coude avec les deux autres favoris dans les sondages. Elle a terminé finalement loin derrière eux, et son parti a également perdu des sièges au Congrès, passant de 50 à 35 élus sur 128.

« La défaite de Rixi Moncada s’explique aussi par le fait que Donald Trump a artificiellement installé la peur du communisme qu’elle était censée représenter, analyse Joaquin Mejia Rivera. Les scandales qui ont éclaboussé le gouvernement de Xiomara Castro ont aussi été sanctionnés par les électeurs. Avec l’intervention du président américain, il s’est créé un cocktail parfait pour que le Parti national revienne au pouvoir malgré son passé récent d’autoritarisme et ses liens avérés avec le narcotrafic. »

« Donald Trump tente de modeler l'Amérique latine à son image»
Photo-illustration by Newsweek/Getty

Parti déchiré

Rixi Moncada a eu beau s’indigner de cette « ingérence », Donald Trump a continué de publier des messages sur Truth Social pendant la longue phase d’attente des résultats et tandis que Salvador Nasralla, arrivé second, prenait un temps le dessus sur Nasry Asfura. « On dirait que le Honduras essaie de changer les résultats de son élection présidentielle. S’ils le font, il y aura un prix à payer », avait menacé le président américain au lendemain du scrutin, le 1er décembre.

Salvador Nasralla, 72 ans, avait défendu un programme aussi libéral que celui d’Asfura, et promettait de s’inspirer des méthodes autoritaires de lutte contre la délinquance du président salvadorien, Nayib Bukele, partenaire et ami de Donald Trump. Mais il s’était lui-même allié avec la gauche aux élections de 2021, devenant le vice-président de Xiomara Castro jusqu’en avril 2024 ; un geste suffisant pour en faire à jamais un traître. Le locataire de la Maison Blanche avait ainsi écrit sur son réseau social qu’il ne « faisait pas confiance » à cet ancien présentateur de télévision.

La plus problématique des surprises a été la grâce accordée par Donald Trump, à la veille du scrutin, à l’ancien président Juan Orlando Hernandez (2014-2022), condamné aux États-Unis en 2024 à quarante-cinq années de prison pour trafic de drogue. L’ancien dirigeant du Parti national a été libéré, le 1er décembre, et il n’envisage pas de rentrer au Honduras, où il est accusé de trafic de drogue et de fraude électorale à l’occasion de sa réélection en 2017.

Il avait été extradé aux États-Unis par Xiomara Castro pour éviter qu’un prochain président hondurien le libère – un coup de plus infligé à la gauche et à tout un pays. Le 8 décembre, le parquet général hondurien a émis un mandat d’arrêt international contre Juan Orlando Hernandez.

« La grâce a été un séisme dans la société, alors que la condamnation du président était un symbole très fort contre le narcotrafic, estime l’analyste politique Thelma Mejia. Mais cette décision désastreuse de Trump n’a pas eu d’impact sur le vote exprimé, qui montre clairement un retour à droite. Cela confirme le classement du Honduras dans les pays les plus conservateurs du continent : selon le Latinobarometro [institut de sondage qui couvre l’Amérique latine], plus de 42 % de la population se définit à droite et à peine 15 % à gauche. »

Le président élu, Nasry Asfura, s’était bien félicité du soutien de Donald Trump, mais il s’est ensuite démarqué de cette grâce inopinée, en assurant que Juan Orlando Hernandez « doit répondre de ses crimes devant l’État du Honduras ».

Le PNH, qui a remporté la présidence, a certes gagné cinq sièges, mais cela ne suffit pas à lui assurer une majorité au Parlement. Il compte désormais 49 élus sur 128, et devra donc négocier pour gouverner avec le Parti libéral, autrefois allié de la gauche, passé de 22 à 41 sièges. Les discussions ne seront pas faciles : non seulement Salvador Nasralla ne reconnaît pas la victoire de Nasry Asfura, mais son parti politique s’est de surcroît déchiré pendant la phase de recomptage des votes. Salvador Nasralla exigeait de recompter plus de 8 000 procès-verbaux et non 2 700, comme le Conseil national électoral l’a finalement décidé avec l’appui du Parti libéral.

Le retour au pouvoir du PNH, qui témoignait pourtant de l’infiltration du narcotrafic au plus haut niveau de l’État et était accusé de fraude électorale en 2017, mettra un terme à l’expérience de la gauche le 27 janvier 2026.

Anne Vigna (Mexico, correspondante)


[ Cliquez sur l'image pour l'agrandir ] 

 DANS JACOBIN N° 11

SUR LE MÊME SUJET :