«O n a toujours averti : quelqu’un serait licencié pour ça. Et c’est ce qui s’est passé.» La semaine dernière, la chaîne câblée Sony entertainment television a déprogrammé la série animée Nada que ver («Rien à voir») après seulement trois épisodes. La chaîne constate : «Nous avions dit que nous allions faire la série la plus irrévérencieuse et inutile jamais vue sur le câble. Nous parodions de la manière la plus irrationnelle et infâme des personnages insolites. [.] Quelqu’un a passé un savon [aux scénaristes], et un gros.»
Pas plus d’explication pour la fin d’une série politiquement incorrecte qui se comparait à South Park, et mettait en scène Diana, le «Che», Adolf Hitler ou les présidents du continent américain. La série avait été lancée par des spots montrant les scénaristes dans des situations inconfortables, les spots se terminant toujours par «quelqu’un va être licencié pour ça» (1). Ils ne croyaient pas si bien dire.
Diffusée dans la plupart des pays d’Amérique latine, la série n’a soulevé aucune critique si ce n’est au Chili. Le 26 juin, un épisode fait mouche. On y voit la présidente chilienne Michelle Bachelet invitée par «Coffee Channan», l’ex-secrétaire général de l’ONU Kofi Annan transformé en présentateur de talk-show. Dans le faux talk-show, les présidents d’Amérique latine se plaignent des sommets organisés par Michelle Bachelet qui, déplore le brésilien Lula, ressemblent à des «réunions de femmes célibataires». Le colombien Uribe, lui, montre des photos où on les voit faire des empanadas, se faire des brushings et danser en tutu. Et la fausse Michelle Bachelet de rétorquer : «Les hommes ne sont bons à rien. Bientôt on en aura plus besoin. Les femmes domineront le monde seules.» Conclusion des présidents : la chilienne manque définitivement. de sexe ! Kofi Annan finit par baisser son pantalon sous l’œil choqué puis intéressé de la présidente.
Agacées. Ca fait un peu beaucoup, dans un pays où il n’existe pas une seule émission satirique, même si Nada que ver n’a pas suscité de vague d’indignation. Selon la presse chilienne, les autorités seraient agacées, mais n’en ont pas fait état publiquement. Seul le député d’extrême droite (UDI) Marcelo Forni a déposé plainte auprès du CSA local qui a le pouvoir d’infliger des amendes. «L’épisode est une atteinte à la dignité et à l’honneur de la présidente en tant que femme, et en tant qu’institution», explique-t-il. Daniela Chaparro, représentante de la chaîne, rétorque : «Cet épisode ne nous a pas paru préjudiciable, [.] il intervient dans un contexte parodique.» Et d’ajouter : «Sony n’a pas d’intérêt politique, nous nous rions seulement de la politique.» Cinq jours plus tard, la série est pourtant arrêtée. Le directeur de Sony Amérique latine, Miguel Rios, explique que cette décision est due à «la mauvaise réaction du marché chilien».
Coup de fil. Mais la rumeur d’une intervention a vite fait de circuler. U n coup de fil de la présidence, par exemple. «Il n’y a eu aucune pression d’aucune autorité», répond Miguel Rios. Circulez, y’a plus rien à voir !
(1) Les spots sont disponibles sur YouTube. Pour voir la série, www.canalsony.com, cliquer sur «vidéos».