Christian von Wernich, a été condamné, mardi 9 octobre 2007, à la prison à perpétuité pour des violations des droits de l'homme commises pendant la dictature militaire (1976-1983), par le tribunal fédéral de La Plata.
Pour la première fois depuis le retour de la démocratie, un prêtre, Christian von Wernich, a été condamné, mardi 9 octobre, à la prison à perpétuité pour des violations des droits de l'homme commises pendant la dictature militaire (1976-1983), par le tribunal fédéral de La Plata. Le Père von Wernich, âgé de 69 ans, était accusé de complicité pour 7 homicides, 42 enlèvements et 31 cas de torture.Christine Legrand
Arrêté en 2003, le Père von Wernich, que l'on appelait "le Corbeau", était le collaborateur et le confesseur de Ramon Camps, chef de la police de la province de Buenos Aires, qui semait la terreur dans les années 1970. Il utilisait son sacerdoce pour s'attirer la confiance des prisonniers et leur soutirer des renseignements en leur promettant qu'ils éviteraient la torture. Il avait ainsi promis à sept jeunes gens de les aider à quitter le pays. Ils ont été assassinés avant le voyage.
Le jugement avait débuté le 5 juillet. Une centaine de personnes sont venues apporter des témoignages souvent éprouvants. Des survivants des centres clandestins de détention ont affirmé reconnaître le prêtre comme étant l'un de leurs tortionnaires. Le parquet avait demandé une peine de prison à perpétuité. La défense réclamait l'acquittement.
Avant l'énoncé du verdict, le Père von Wernich, abrité derrière une vitre blindée et protégé par un gilet pare-balles, a prononcé un véritable sermon en faveur de la réconciliation entre tous les Argentins. "Si nous voulons parvenir à la vérité, faisons-le dans la paix, dans la réconciliation", a-t-il dit. Il avait gardé le silence pendant tout le procès.
L'épiscopat argentin s'est déclaré "très ému face à la souffrance que nous procure la participation d'un prêtre à des délits très graves, selon la sentence du tribunal de La Plata". Ce procès historique a remis en cause le rôle joué par l'Eglise catholique, influente en Argentine, pendant la dictature. De tous les épiscopats d'Amérique latine confrontés à des régimes militaires, celui d'Argentine a été le plus compromis par sa complicité passive, et parfois active, avec la répression, qui a fait 30 000 disparus, selon les organisations de défense des droits de l'homme.
Plusieurs ecclésiastiques ont été dénoncés par les familles des victimes. Le cardinal Pio Laghi, ancien nonce apostolique à Buenos Aires, qui a occupé des fonctions éminentes à la Curie romaine, a été mis en cause pour ses silences. Le rôle de l'actuel archevêque de Buenos Aires et primat d'Argentine, Mgr Jorge Bergoglio, qui était l'un des cardinaux favoris à Rome en 2005 pour la succession du pape Jean Paul II, reste controversé. A en croire certains, à l'époque, le prélat s'est battu pour conserver l'unité d'un mouvement jésuite tiraillé par la "théologie de la libération". Mais d'autres l'accusent de complicité avec les militaires.
Il a fallu attendre septembre 2000 pour que l'Église argentine se résigne à faire un timide acte de repentance sur son silence pendant la dictature, bien après le mea culpa de l'armée.
Tous les membres du clergé n'ont pas soutenu le régime militaire. Certains ont payé de leur vie leur défense des droits de l'homme. Comme l'évêque Enrique Angelelli et Mgr Horacio Ponce, tués dans de mystérieux accidents de voiture en 1976 et 1977. Ou les religieuses françaises Léonie Duquet et Alice Domon, enlevées en décembre 1977 à Buenos Aires puis exécutées.
Christine Legrand