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PHOTO ROBERT BONET
Avec l'élection de Gustavo Petro, la Colombie a donc basculé à gauche, dans le sillage du mouvement réformiste qui se dessine de plus en plus nettement sur le continent sud-américain.
Les moments de grâce existent en politique. Ils permettent de continuer à y croire. Leur simple existence constitue une victoire en elle-même. « Le gouvernement qui entrera en fonction le 7 août sera celui de la vie, de la paix, de la justice sociale et de la justice environnementale. » Cette phrase, inouïe en Colombie, sort de la bouche du premier président de gauche élu dans ce pays. Elle a été prononcée le 19 juin par Gustavo Petro. Le leader de la coalition du Pacte historique est ainsi parvenu à briser deux siècles d’hégémonie partagée entre conservateurs et libéraux. Cette imprenable forteresse de droite, profondément verrouillée par le clientélisme, aura engendré une dizaine de guérillas d’extrême gauche à partir des années 1960. Dont la plus importante, les Farc, détient un record de résilience dans l’histoire. L’accord de paix qu’elle a signé en 2016 avec le gouvernement colombien mettait fin à un conflit que l’ONU a qualifié de « plus grande catastrophe humanitaire de l’hémisphère occidental » : 260 000 morts, 45 000 disparus et 6 millions de déplacés.
Le parcours de Gustavo Petro rappelle celui de Dilma Rousseff au Brésil. Est-ce un hasard alors que le continent était plongé dans la nuit de sinistres dictatures : inspiré par la théologie de la libération, il fut membre du M-19, petite guérilla urbaine qui a déposé les armes en 1990. Arrêté, torturé. Engagé en politique, député, sénateur, maire de Bogotá. C’était sa troisième présidentielle. Avec 50,4 % des voix, il bat Rodolfo Hernández (47,3 %), magnat grossier, sexiste et… indépendant. L’immuable duo conservateur-libéral a été éliminé dès le premier tour !
La Colombie a donc basculé, dans le sillage du mouvement profondément réformiste qui se dessine de plus en plus nettement sur le continent sud-américain. Si le parcours et la génération de Petro le distinguent du jeune président chilien, Gabriel Boric, son programme est d’inspiration similaire : très social et démocratique, écologique, opposé à l’extractivisme, féministe, défenseur des minorités de genre et des groupes ethniques opprimés. À la figure d’Elisa Loncón, Mapuche qui préside la Convention constitutionnelle chilienne, répond celle de l’écologiste afro-colombienne Francia Márquez, militante des droits humains et désormais vice-présidente de la Colombie. Et s’il fallait encore trouver une raison à la volonté de changement du peuple colombien, elle tiendrait dans la promesse de Petro de construire « un grand accord national et la paix intégrale », quand son prédécesseur, Iván Duque, pur produit de la droite dure, s’est appliqué à diviser le pays et à effriter l’accord de 2016 avec les Farc, laissant craindre le retour des armes. Un risque qui tétanise les Colombiennes.
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