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L’ex-guérillero Gustavo Petro a obtenu 50,44 % des voix au second tour de la présidentielle, dimanche, face à l’indépendant Rodolfo Hernandez.
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Pour la première fois de toute son histoire, la Colombie a élu dimanche 19 juin un président de gauche. Gustavo Petro, 62 ans, a remporté le second tour du scrutin, avec 50,44 % des voix. Son adversaire, le riche homme d’affaires et candidat indépendant Rodolfo Hernandez, en a recueilli 47,31 %, selon les résultats provisoires annoncés dans la soirée. La participation a été de 58 %, un record depuis 1997. Si la victoire de M. Petro est historique, celle de sa vice-présidente Francia Marquez, une afro-descendante, féministe et écologiste, ne l’est pas moins. M. Gustavo Petro succédera à Ivan Duque le 7 août.
À la tête d’une coalition dite Pacte historique, Gustavo Petro était candidat pour la troisième fois. Economiste de formation, il a appartenu dans sa jeunesse à la petite guérilla urbaine du M-19, qui a déposé les armes en 1990. Gustavo Petro a été depuis député, sénateur, maire de Bogota et de nouveau sénateur. Tout au long de la campagne présidentielle, la droite – qui a rallié M. Rodolfo pour le second tour – n’a pas manqué de rappeler le passé guérillero de M. Petro.
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« Le gouvernement qui entrera en fonction le 7 août sera celui de la vie, de la paix, de la justice sociale et de la justice environnementale », a lancé M. Petro, dimanche soir, sur la scène du Movistar, une grande salle de spectacle de Bogota, devant ses partisans en liesse. Le futur chef de l’État était entouré de ses proches, de la future vice-présidente et de nombreuses militantes.
« Réconcilier cette nation »
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« Il n’y aura que respect et dialogue », a promis M. Petro, qui, dès avant son élection, avait appelé de ses vœux un grand accord national pour tirer le pays de la crise et consolider la paix. Il avait reçu entre les deux tours le soutien de plusieurs personnalités centristes, qui défendent l’accord de paix signé en 2016 avec la guérilla marxiste des FARC et sabordé en partie par le gouvernement d’Ivan Duque. « Les partisans de Rodolfo Hernandez pourront venir dialoguer avec nous quand ils veulent, a insisté M. Petro. L’opposition, quelle qu’elle soit, sera toujours la bienvenue. » Le président élu, qui a promis de faire de la Colombie «une puissance de vie, en tête de la lutte contre le changement climatique », a également tenté de tranquilliser les chefs d’entreprise : « Nous allons développer le capitalisme. Non que le système nous plaise, mais parce que nous devons sortir du féodalisme et entrer dans la modernité. » Son discours conciliant n’a pas convaincu tous ses adversaires.
Depuis plusieurs jours, les responsables politiques et les observateurs craignaient un résultat serré, porteur de troubles. Toute la journée, des rumeurs de fraude ont circulé, entretenant la tension. Mais les résultats sont tombés très vite. Cinquante minutes après la fermeture des bureaux de vote, les partisans de Gustavo Petro ont pu commencer à célébrer la victoire.
Réduire les inégalités
« Comment dire le bonheur que nous ressentons, déclare Selma Asprilla, une militante de gauche fondant en larmes à l’annonce des résultats. Après tant d’années de lutte, tant de compagnons assassinés, tant de douleur, nous avons ce soir le droit de croire qu’une autre Colombie est possible, une Colombie généreuse et en paix ! » À ses côtés, Martin (il n’a donné que son prénom), 24 ans, dit lui aussi sa joie en reprenant le slogan de campagne de Francia Marquez : « Nous allons enfin vivre savoureusement.» Il explique : vivre savoureusement, « c’est manger à sa faim, travailler et faire attention aux autres ».
Alors que la fin de la campagne avait été particulièrement tendue, la victoire de Gustavo Petro a été accueillie dans le calme. Rodolfo Hernandez a immédiatement reconnu sa défaite. Dans une intervention de trois minutes, prononcée de son domicile dans la ville de Bucaramanga, M. Hernandez a souhaité que Gustavo Petro « sache diriger le pays, qu’il soit fidèle à ses discours contre la corruption et qu’il ne déçoive pas ceux qui lui ont fait confiance ».
Le président Ivan Duque a lui aussi très rapidement félicité Gustavo Petro. Plusieurs personnalités de droite, dont l’ancien président Alvaro Uribe (2002-2010) – ennemi juré de Gustavo Petro –, plusieurs grands patrons et tous les présidents d’Amérique latine ont suivi.
Personne ne doute que Gustavo Petro, qui n’a pas de majorité acquise au Congrès et devra compter avec l’opposition féroce d’une partie de la droite et les réticences de l’armée, affrontera de grandes difficultés. La Colombie se doit en effet de réduire les inégalités sociales, alors que la pandémie de Covid-19 a encore augmenté la pauvreté, que l’inflation est à la hausse, que l’insécurité urbaine progresse et que, dans les zones rurales, les groupes armés recrutent. Mais la démocratie colombienne a donné, dimanche, une leçon de maturité. Passé minuit, les chants de victoire et les klaxons joyeux s’éteignaient doucement dans la nuit fraîche de Bogota.
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