06 juillet, 2023

MÉMOIRE. LE CHILI SE DÉCHIRE DÉJÀ SUR LE 50ème ANNIVERSAIRE DU COUP D’ÉTAT DE PINOCHET

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 LE 27 JUIN 2023, DES MILITANTS SOCIALISTES RENDENT HOMMAGE
AU GOUVERNEMENT DE SALVADOR ALLENDE, RENVERSÉ PAR PINOCHET
IL Y A BIENTÔT CINQUANTE ANS, LE 11 SEPTEMBRE 1973.
PHOTO MARTIN BERNETTI/AFP
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Mémoire. Le Chili se déchire déjà sur le 50ᵉ anniversaire du coup d’État de Pinochet / L’écrivain Patricio Fernández, conseiller spécial du président Gabriel Boric pour la commémoration des 50 ans du coup d’État de Pinochet, survenu le 11 septembre 1973, a dû démissionner le 5 juillet. Le Parti communiste, membre de la coalition de gauche au pouvoir, et des ONG de défense des droits de l’homme le jugeaient “négationniste”.

Courrier international

PATRICIO FERNÁNDEZ CHADWICK
PHOTO SOFIA YANJARI
  

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Le 27 juin 2023, des militants socialistes rendent hommage au gouvernement de Salvador Allende, renversé par Pinochet il y a bientôt cinquante ans, le 11 septembre 1973.

► À lire aussi  :   CHILI : 11 SEPTEMBRE 1973

C’est un nouveau coup dur pour Gabriel Boric, alors qu’un parti de sa coalition fait l’objet d’un scandale de corruption. Le président de gauche a dû se défaire de l’un de ses proches, son conseiller spécial pour les commémorations du 50ème anniversaire du coup d’État militaire d’Augusto Pinochet, survenu le 11 septembre 1973.

Indépendant de centre gauche, journaliste et écrivain, fondateur de la revue The Clinic, Patricio Fernández a estimé, le mercredi 5 juillet, dans sa lettre de démission, reprise notamment par le quotidien [«fleuron de la droite médiatique» chilienne] La Tercera :

“Mon nom est devenu un écueil pour le bon déroulement de cette commémoration.”
DESSIN DE PLANTU PUBLIÉ DANS
 LE MONDE DU 11 SEPTEMBRE 2003

Le lundi 3 juillet, quelque 160 associations des droits de l’homme, soutenues par le Parti communiste (PCCh), membre de la coalition au pouvoir, avaient exigé cette démission, accusant le conseiller du président “d’avoir évité de condamner fermement le coup d’État”.

Récemment, Patricio Fernández avait donné une longue interview à une radio chilienne, dont les réseaux sociaux n’ont retenu qu’une phrase, reprise notamment par The Clinic :

“L’histoire, […] les historiens, les politologues […] pourront continuer à discuter sur les raisons du coup d’État.”

Plus d’un millier de personnes toujours disparues

L’écrivain avait immédiatement ajouté : “Mais ce qui ne peut être nié, ce sont les événements inacceptables postérieurs au coup d’État.” Selon les différents rapports officiels rendus après le retour à la démocratie, le triste bilan de la dictature (1973-1990) faisait état de 30 000 prisonniers politiques, dont des milliers torturés, et de 3 065 morts et disparitions. Plus d’un millier de personnes n’ont jamais été retrouvées.

Aujourd’hui encore, alors que l’extrême droite fait un brusque retour dans le pays, les Chiliens restent divisés sur le renversement par Pinochet du gouvernement socialiste de Salvador Allende. Un sondage récent montre qu’en 2023 36 % des sondés estiment que les militaires “ont eu raison” de provoquer le coup d’État de 1973, un chiffre qui n’atteignait que 16 % il y a dix ans.

La députée communiste et avocate des droits de l’homme Carmen Hertz s’est félicité de la démission de Patricio Fernández. Selon elle, dont les propos ont été repris depuis Santiago par le site El País América notamment, la personne chargée des commémorations “ne doit pas montrer le moindre embryon de ce négationnisme postmoderne qui suinte aujourd’hui dans de nombreux secteurs de [la] société [chilienne]”. Selon La Tercera, “une partie du PCCh” était contre Patricio Fernández depuis sa nomination, en décembre dernier :

“Il lui semblait incompréhensible que la personne chargée des commémorations ne soit pas directement liée aux crimes contre l’humanité commis durant la dictature.”

Pris entre deux feux

Le président Gabriel Boric, repris par The Clinic, a réagi en faisant l’éloge de “l’esprit démocratique et de l’engagement pour les droits de l’homme” de son ancien conseiller. Comme pris entre deux feux, il a également salué “les organisations des droits de l’homme, qui ont été essentielles […] pour maintenir la mémoire vivante face aux nombreuses personnes qui préféraient commodément oublier [le passé]”.

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