INTERNATIONAL / URUGUAY / En Uruguay, la gauche revient au pouvoir à l’issue d’une campagne toute en modération / Yamandu Orsi, du Frente Amplio (gauche), a remporté l’élection présidentielle dimanche 24 novembre, lors du deuxième tour qui l’opposait à Alvaro Delgado, candidat du parti présidentiel (centre droit). Alors que la consolidation de l’extrême droite caractérise les pays de la région, l’Uruguay fait figure d’exception.
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Le 27 juin 2024, José Pepe Mujica lors de la clôture de campagne du Frente Amplio,
dansant une "Plena uruguayenne" sur la musique de son ami et camarade Rubén Rada
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Par Flora Genoux (Buenos Aires, correspondante)
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PHOTO MARTIN VARELA UMPIERREZ |
aux cris d’« Uruguay ! », aux trois syllabes bien scandées, les partisans de Yamandu Orsi, rassemblés à Montevideo la capitale du pays, ont fêté la victoire de leur candidat (avec 49,8 % des suffrages contre 45,9 %) lors du second tour de l’élection présidentielle, dimanche 24 novembre. De nombreux drapeaux de son parti, le Frente Amplio (gauche), flottaient au-dessus des têtes, mouchetant la foule de bleu, rouge, blanc et jaune, selon les images retransmises sur les télévisions uruguayennes. Après une alternance au centre droit, sous la présidence de Luis Lacalle Pou arrivé au pouvoir en 2020 – et qui ne pouvait pas briguer un deuxième mandat consécutif, selon la Constitution –, le pays renoue avec la gauche qui a gouverné le pays pendant quinze ans, entre 2005 et 2020. Lors d’un scrutin obligatoire, 2,7 millions d’Uruguayens étaient appelés aux urnes, dans ce pays de près de 3,5 millions d’habitants.
UNE DU JOURNAL « LA DIARIA » DU 25 NOVEMBRE 2024 |
► À penser en dessin : FENÊTRE SUR COUR
« Je serai le président de la croissance », a promis Yamandu Orsi lors de son bref discours de victoire, dimanche. Cet ancien professeur d’histoire de 57 ans, qui a officié comme gouverneur de Canelones (le deuxième département le plus peuplé du pays, après Montevideo) entre 2020 et 2024, a assuré que « ce qu’[il savait] faire » était « écouter beaucoup ». Il s’inscrit ainsi dans la tradition de la démocratie uruguayenne, bâtie autour du consensus. Egalement porteuse d’un message d’unité, Carolina Cosse, la vice-présidente élue, a assuré : « Nous allons respecter toutes les opinions. »
Le candidat déchu Alvaro Delgado, ex-secrétaire de la présidence du chef d’Etat sortant, a rapidement reconnu sa défaite et transmis un « message de tranquillité, de paix, de gouvernabilité ». Luis Lacalle Pou a appelé son successeur pour le féliciter et indiquer qu’il se tenait prêt à « commencer la transition dès que cela lui [semblait] pertinent ».
Sans majorité au Parlement
Yamandu Orsi a bénéficié du soutien de l’ex-président José « Pepe » Mujica (2010-2015), 89 ans et figure tutélaire de la gauche uruguayenne. Son poulain n’annonce pas de grandes ruptures après le mandat de Luis Lacalle Pou, crédité d’un taux d’approbation d’environ 50 %. Le président élu promet notamment d’attiser la croissance du pays (3,2 % selon les projections du FMI pour 2024) en encourageant l’activité industrielle, notamment autour de la création de parcs technologiques. Son programme met également l’accent sur l’emploi des jeunes avec la création de 12 000 postes pour les 18-25 ans, et une amélioration du transport public avec davantage de flotte électrique. L’ancien professeur souhaite valoriser l’éducation publique, avec plus de bourses distribuées aux étudiants. La création de 2 000 postes dans la police, mais aussi le déploiement de 20 000 caméras de surveillance doivent permettre de lutter contre l’insécurité et le crime organisé.
Le candidat de centre gauche à la présidentielle, Yamandu Orsi, et sa femme, Laura Alonso Perez, lors des résultats du second tour de l’élection présidentielle Montevideo, le 24 novembre 2024. MARIANA GREIF / REUTERS
L’insécurité est, de loin, la principale préoccupation des Uruguayens, juste devant le chômage (7,3 % de la population en octobre) et la situation économique. Le trafic de cocaïne a explosé ces dernières années. Si le taux d’homicide est deux fois moins élevé que la moyenne des pays d’Amérique latine et des Caraïbes, il a fait un bond de 37 % entre 2012 et 2022. L’Uruguay, pays producteur et exportateur de soja et de viande bovine, affiche un niveau d’inégalités inférieur au reste de la région. Mais le taux de pauvreté des enfants de moins de 6 ans alarme – un enfant sur cinq est considéré pauvre – alors que 9,1 % de la population en général est frappée d’indigence, selon les données de l’Institut national des statistiques portant sur le premier semestre 2024.
La campagne présidentielle s’est déroulée sans polémique, sans passion, dans la modération. Alors que la consolidation de l’extrême droite et la polarisation des opinions caractérisent les pays de la région, en premier lieu le voisin argentin avec la présidence de l’ultralibéral Javier Milei, l’Uruguay fait figure d’exception. « L’Uruguay conserve une démocratie avec des partis solides, stables. Les options extrêmes apparaissent, mais elles restent minoritaires », remarque Daniel Buquet, politologue à l’université de la République d’Uruguay, soulignant que les présidents se succèdent sans défaire les réformes mises en place par leurs prédécesseurs.
Cependant, le président élu va devoir gouverner sans majorité au Parlement. Lors des élections législatives, qui se déroulaient lors du premier tour du scrutin présidentiel dimanche 27 octobre, le Frente Amplio a obtenu 16 sièges sur 30 au Sénat, mais pas suffisamment de sièges à la Chambre basse pour disposer d’une majorité (48 sur 99). « Le gouvernement, quel qu’il soit, va devoir avoir la capacité de créer un climat pour (…) négocier », prédisait « Pepe » Mujica après avoir voté, dimanche. Yamandu Orsi prendra ses fonctions le 1er mars 2025, pour un mandat de cinq ans.
Flora Genoux (Buenos Aires, correspondante)
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