05 novembre, 2024

EN ARGENTINE, JAVIER MILEI MET AU PAS LES DIPLOMATES

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DIANA MONDINO, ALORS MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
ARGENTINE, À WASHINGTON, LE 17 MAI 2024.
PHOTO AMANDA ANDRADE-RHOADES

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LE MONDE

INTERNATIONAL / ARGENTINE / En Argentine, Javier Milei met au pas les diplomates / L’exécutif a limogé la cheffe de la diplomatie, Diana Mondino, et a lancé une purge au sein du ministère des affaires étrangères. / Javier Milei veut une diplomatie argentine alignée sur sa vision du monde et, pour cela, il a entrepris d’écarter tous ceux qui ne la partagent pas. Un vote à l’Assemblée générale des Nations unies, a priori sans enjeu, a eu raison de Diana Mondino, ministre des affaires étrangères depuis l’arrivée au pouvoir du libertarien, en décembre 2023.

Par Flora Genoux (Buenos Aires, correspondante)

Temps de Lecture 3 min.

Mercredi 30 octobre, comme chaque année depuis 1992, l’Argentine a voté en faveur d’une résolution demandant la fin du blocus des États-Unis contre Cuba, en même temps que 186 autres pays. Seuls les États-Unis et Israël ont voté contre. Peu après, la cheffe de la diplomatie argentine était limogée. « Notre pays s’oppose catégoriquement à la dictature cubaine », a justifié le gouvernement dans un communiqué. Jeudi, le porte-parole du gouvernement argentin expliquait cette éviction par le fait que ce vote allait à l’encontre de l’alignement sur les États-Unis – quel que soit son président – et sur Israël, le cœur de la politique internationale de Javier Milei : « Ce n’est ni plus ni moins que ça. »

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Ce limogeage s’inscrit dans la purge, en vue d’une mise au pas, qui a commencé parmi les cadres du ministère des affaires étrangères, qu’ils aient été nommés par son administration ou par les précédentes. « L’exécutif lancera un audit du personnel de carrière du ministère des affaires étrangères dans l’objectif d’identifier les promoteurs des programmes ennemis de la liberté », prévient le communiqué annonçant le départ de Diana Mondino. Cet avertissement fait écho à une lettre adressée le 18 octobre par le gouvernement aux membres du ministère des affaires étrangères, y compris en poste à l’étranger : « Ceux qui ne sont pas en mesure d’assumer les défis de la défense des idées de la liberté devront faire un pas de côté. »

« Mener la bataille culturelle »

L’audit est une rupture avec la tradition de la diplomatie argentine, où « le pluralisme idéologique cohabite avec l’exécution d’une instruction [hiérarchique] », souligne Diego Guelar, ex-ambassadeur argentin en Chine, aux États-Unis et au Brésil, qui parle de « la peur » de certains cadres du ministère.

L’éviction de la ministre des affaires étrangères atteste du pouvoir de Karina Milei, sœur du président et secrétaire générale de la présidence, à l’œuvre pour adouber ou écarter les ministres et ceux qui gravitent autour de Javier Milei. Baptisée « le chef » par son frère, elle occupe de plus en plus le devant de la scène. Au mois de septembre, elle a été nommée présidente du parti présidentiel La Libertad Avanza (la liberté avance).

À Paris, elle a rencontré l’épouse du président français, Brigitte Macron, le 18 octobre. À cette occasion, elle a rappelé la volonté « totale » de son frère de « mener la bataille culturelle », en référence à la lutte contre toute forme de progressisme – droits sociaux, politiques de mémoire, féminisme, droits des minorités sexuelles, écologie. Devant l’Assemblée générale de l’ONU, le 24 septembre, Javier Milei avait vilipendé l’Agenda 2030, un texte adopté en 2015 par les États-membres de l’organisation internationale promouvant entre autres l’« égalité de genre » et l’« action pour le climat ».

« Il y a une personnalisation [du pouvoir] avec Javier et Karina Milei qui tiennent les rênes de la politique étrangère. Ils n’ont pas d’expérience en politique internationale, ils agissent avec improvisation », relève Bernabé Malacalza, spécialiste en relations internationales et chercheur au Conseil national des recherches scientifiques et techniques. Selon lui, leur action relève « du maccarthysme, de la croisade idéologique. Comment définit-on la pureté idéologique d’un diplomate ? Cela constitue une forme de harcèlement psychologique ».

L’exécutif place ses fidèles

La chasse aux sorcières avait commencé avant le limogeage de Diana Modino, une économiste sans expérience diplomatique, pourtant loyale à celui qu’elle appelait affectueusement « Javier ». Le 25 octobre, Ricardo Lagorio était écarté de son poste d’ambassadeur aux Nations unies. Huit jours plus tôt, Leopoldo Sahores, secrétaire aux relations extérieures, était remplacé. Parallèlement, l’exécutif place ses fidèles. Ursula Basset, une avocate conservatrice, opère comme « consultante », sans poste formel, au ministère depuis juillet, selon la presse argentine. Fin août, Nahuel Sotelo, député et fervent libertarien, a été nommé secrétaire du « culte et de la civilisation », dépendant du ministère des affaires étrangères.

En remplacement de Diana Mondino, l’exécutif a nommé Gerardo Werthein, jusqu’alors ambassadeur aux États-Unis. Cet ancien homme d’affaires, ex-président du comité olympique argentin (2009-2021), occupe une place de choix auprès de Javier Milei. Il a participé à ses différents déplacements aux États-Unis, y compris à un rendez-vous avec le milliardaire Elon Musk, en septembre. « Dans notre pays, il y a une seule politique étrangère : celle que définit le président. Toute l’équipe du ministère est alignée sur cette vision », a-t-il affirmé lors de sa prise de fonction.

Par Flora Genoux (Buenos Aires, correspondante)

Flora Genoux (Buenos Aires, correspondante)


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